Google+ Article deux: janvier 2015

lundi 26 janvier 2015

Charlie chez les Angliches

Témoignage d'une de nos correspondantes à l'étranger. Le cas de la distribution de Charlie-Hebdo en Angleterre, pays du multiculturalisme. Merci à F.A-P. Et merci à B.P. pour sa collaboration.

Le mercredi 13 janvier au matin, Française vivant outre-Manche, dans une ville universitaire à la renommée planétaire, je me rends dans un petit magasin proposant la presse internationale, pour tenter d'acquérir le fameux exemplaire post-massacre de Charlie-hebdo. 

Le vendeur d'origine Nord-africaine avec un regard plein de tristesse me demande de repasser le vendredi suivant. Je me demande alors si je n'ai pas vexé ce vendeur. Est-il blessé par toute cette histoire, par ce journal qui se moque de sa religion? Est-il seulement musulman? Je ne sais pas mais me sens d'un coup coupable...

Impossible pour moi de me déplacer en cette boutique le vendredi. Je demande donc à une collègue de me le prendre. Elle m'informe plus tard que les exemplaires ne sont pas encore disponibles. 

Au bureau, certains avaient des avis très tranchés. «Quel besoin de mettre de l'huile sur le feu en dessinant le prophète?». 

Et le mercredi suivant, les mêmes semblent ravis d'annoncer que le point presse en question ne vendra pas finalement Charlie-hebdo: le propriétaire renonce face à de nombreuses menaces. Je demande alors des précisions sur leur contentement: ces dessins sont-ils vraiment inappropriés du fait de leurs convictions religieuses ou s'agit-il de craintes face à de possibles réactions violentes? On me répond qu'il s'agit avant tout de la peur d'un embrasement, d'une accélération d'un processus qui semble inévitable entre les communautés... 

La presse locale reprend tous les faits. Ce vendeur avait annoncé dans cette même presse locale qu'il assurerait la vente du journal satirique français cible et victime du terrorisme. Dès cette annonce, les menaces ont fusé en provenance de tout le pays. «Qu'il se méfie: son officine, sa maison, sa personne, sa famille sont en danger s'il persiste à vouloir vendre le journal.» 

Il avoue avoir cédé devant un tel déferlement. Jusqu'où peut aller le courage? Quand mesure-t-on la portée des menaces? Finalement, la tristesse du premier jour n'était-elle pas déjà le signe de l'impossibilité pour lui de respecter sa volonté de diffuser le journal? 

C'est effrayant. Charlie-hebdo n'a pas été vendu. La liberté s'est courbée devant la peur. L'étymologie du mot terrorisme résume son objectif... Quel est-il déjà? 

*******

Il faut être unis face à la terreur.

Les manifestations en hommage aux victimes et en faveur de la liberté d'expression, dans les jours qui ont suivi le 7 janvier, les sept millions d'exemplaires de Charlie Hebdo imprimés, sont une preuve de l'attachement populaire aux valeurs de la République.






vendredi 23 janvier 2015

Pastiche: Incohérence

Incompétence, malveillance? Tout se résume souvent à cette alternative... La liste suivante est non exhaustive... Si vous le souhaitez, vous pouvez ajouter vos strophes en commentaire... Une pensée émue pour Monsieur Paul Eluard pour la forme. Et merci à Monsieur Sébastien M. pour le fond...


Sur la Liberté de la presse
Que j'érige en valeur suprême
Alors que je n’y trouve aucun pluralisme,
J’écris ton nom,

Sur la laïcité
Sur laquelle je ne veux transiger
Tout en souhaitant des exceptions pour les musulmans,
J’écris ton nom,

Sur la Palestine
Dont la cause je défends
Alors que je me compromets dans des manifestations antisémites,
J’écris ton nom,

Sur le GIGN
Que j’honore au plus haut point
Alors que je traite les flics d’assassins,
J’écris ton nom,

Sur les mots en –té de notre devise
Pour lesquels le doute n’est pas de mise
Alors que je moque ceux qui honorent notre hymne et notre drapeau,
J’écris ton nom,

Sur la République
Que je prône comme modèle politique
Alors que je soutiens des mouvements identitaires,
J’écris ton nom,

Sur les Etrangers
Qui pervertissent notre identité
Alors que la nounou de mon dernier est ivoirienne,
J’écris ton nom,

Sur le respect de la Nature,
Garantie de la survie de ma progéniture
Alors que je prends 6 fois l’avion par an pour mes vacances,
J’écris ton nom,

Sur la Sécurité, sur l’Education, sur la Santé,
Dont je dénonce le délabrement
Tout en refusant de mes impôts le paiement,
J’écris ton nom,

Sur la Culture
Dont je crie des plus jeunes le manque
Alors que ma bibliothèque est vide,
J’écris ton nom,

Sur les animaux
Dont je clame l’âme
Et que je laisse torturer avant de les dévorer,
J’écris ton nom,

Sur l’ultralibéralisme
que j’érige en règle absolue
Alors que j’en appelle à l’Etat dès que ma corporation est menacée,
J’écris ton nom,

Sur les échecs et les manquements de nos dirigeants
Qui me révoltent quotidiennement,
alors que je ne vote pas,
J’écris ton nom,

Sur mes concitoyens,
Dont je condamne l’inaction
Alors que je me tourne les pouces,
J’écris ton nom,

Et par le pouvoir d’un mot,
Je poursuis ma vie,
Je suis né pour t’exalter
Pour te nommer,

INCOHERENCE.

samedi 17 janvier 2015

Agrippa D'Aubigné: Les Tragiques

En publiant, Les Tragiques, en 1616, Agrippa D’Aubigné donne à voir le tableau d’une France déchirée par les Guerres de Religion et dénonce les malheurs infligés aux Protestants.


Dans une France chrétienne, au XVIème siècle, lorsque le pouvoir monarchique s’affaiblit, les querelles religieuses prolifèrent au sein de la population et conduisent aux massacres. Au XVIIème, lorsque le pouvoir monarchique s’affirme et prend sa forme la plus absolue, il redevient, après une parenthèse réglementée par l’Edit de Nantes, intolérant en matière religieuse et lance des «dragonnades», contre ceux qui ne respectent pas le culte officiel. Cela conduit à la fuite hors du royaume de milliers de personnes. A chaque fois, la situation du royaume s’en trouve affaiblie moralement, économiquement, diplomatiquement. 



Je veux peindre la France une mère affligée,
Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée.
Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts
Des tétins nourriciers ; puis, à force de coups
D'ongles, de poings, de pieds, il brise le partage
Dont nature donnait à son besson (1) l’usage ;
Ce voleur acharné, cet Esau malheureux (2),
Fait dégât du doux lait qui doit nourrir les deux,
Si que (3), pour arracher à son frère la vie,
Il méprise la sienne et n’en a plus d’envie.
Mais son Jacob, pressé (4) d’avoir jeûné meshui (5),
Ayant dompté longtemps en son cœur son ennui (6),
A la fin se défend, et sa juste colère
Rend à l’autre un combat dont le champ (7) est la mère.
Ni les soupirs ardents, les pitoyables cris,
Ni les pleurs réchauffés (8) ne calment leurs esprits ;
Mais leur rage les guide et leur poison les trouble (9),
Si bien que leur courroux par leurs coups se redouble.
Leur conflit se rallume et fait (10) si furieux
Que d'un gauche malheur (11) ils se crèvent les yeux.
Cette femme éplorée (12), en sa douleur plus forte (13),
Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte ;
Elle voit les mutins, tout déchirés, sanglants,
Qui, ainsi que du cœur, des mains se vont cherchant.
Quand, pressant à son sein d’une amour (14) maternelle
Celui qui a le droit et la juste querelle (15),
Elle veut le sauver, l'autre qui n’est pas las (16)
Viole (17), en poursuivant, l’asile de ses bras.
Adonc (18) se perd le lait, le suc de sa poitrine ;
Puis, aux derniers abois (19) de sa propre ruine,
Elle dit : « Vous avez, félons (20), ensanglanté
Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté ;
Or, vivez de venin, sanglante géniture,
Je n'ai plus que du sang pour votre nourriture ! »


Agrippa D'Aubigné, Les Tragiques (Misères, vers 97 à 130), 1616. 





1- Besson : jumeau.
2- Malheureux : maudit.
3- Si que : si bien que.
4- Pressé : accablé.
5- Meshui : aujourd’hui.
6- Son ennui : sa douleur.
7- Le champ : le champ de bataille.
8- Les pleurs réchauffés : les pleurs qui redoublent.
9- Leur poison les trouble : le «poison» de la colère les égare.
10- Fait : devient.
11- Un gauche malheur : un crime qui fait craindre un grand malheur, de graves conséquences.
12- Éplorée : en pleurs.
13- En sa douleur plus forte : en sa douleur la plus forte.
14- Amour est alors souvent féminin.
15- La juste querelle : la juste cause.
16- Las : fatigué.
17- « violer » : « agir contre ce que l’on doit respecter » ou « profaner un lieu sacré ».
18- Adonc : alors.
19- Abois : à la chasse, c’est le moment où la bête poursuivie est entourée par la meute de chiens qui aboient.
20- Félons : le félon est celui qui offense son seigneur, se montre déloyal envers de lui.



Saint Barthélémy



jeudi 15 janvier 2015

Charlie 5. Une seule cible: La France.

On a tout dit et tout écrit sur l’horreur de la série d’attentats de la semaine passée à Paris, Montrouge et Dammartin-en-Goële, puis sur les marches républicaines des 10 et 11 Janvier avec en point d’orgue celle autour des proches des victimes accompagnés de millions de Français et d’une cinquantaine de chefs d’états derrière eux, à Paris. Pourtant, il faut encore en parler, il faut encore écrire. Parce qu'il ne faut pas que les consciences s'aveuglent, encore une fois...

*******

17 morts et plusieurs blessés. Les terroristes visaient une seule cible à travers tous ces innocents : la France. 

La France et ses fondamentaux républicains constitutifs de la Nation, avec la liberté d’opinion et de pensée que l’on a tenté d’abattre en massacrant lâchement les collaborateurs de « Charlie Hebdo ».

La France et ses institutions représentatives, avec les fonctionnaires de Police Nationale et Municipale que l’on assassine lâchement.

La France et ses valeurs d’humanisme, avec sa liberté de conscience et de culte, en tuant lâchement des Français de confession juive allant librement dans des magasins conformes à leurs croyances.

La France et ses concitoyens, et tous ceux vivant librement sur son sol, ont été atteints dans leur cœur par ces lâches barbares des temps modernes.

Mais, alors que nous disions les Français si enclins au défaitisme, à la déprime, et tentés par le repli sur soi, la France s’est relevée ce week-end, bravant sa peur, digne et fière de ses compatriotes morts pour eux, pour rappeler et montrer au monde qu’en France on a une presse libre, qu’en France on a des institutions qui nous protègent, qu’en France on a la liberté de conscience, la liberté d’opinion, qu’en France on a enfin encore et toujours un peuple plus uni que nous le croyions parfois nous-mêmes.

La venue de dirigeants du monde entier est là pour nous rappeler, alors qu’on l’avait peut-être oublié, que notre Nation n’est pas tout à fait un pays comme un autre, mais bien le précurseur d’une certaine idée de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité : le pays des Lumières. Et qu’être aux côtés de la France c’est être du côté de ces valeurs intemporelles et universelles.

Des Français, des Etrangers, juifs, musulmans, catholiques et athées, sont tombés sous les balles et la violence d’islamistes français, à Paris et en proche banlieue parisienne.

En France, être policier national et même policier municipal est dangereux, non pas seulement dans le simple exercice de son métier, mais tout simplement par le fait de revêtir son uniforme et en se mettant au service de son pays.

En France, être journaliste et dessinateur est dangereux, simplement pour coucher sur papier ses idées et ses opinions, même, et surtout, en utilisant l’humour et la caricature.

En France, enfin, il est dangereux d’être de confession juive, de montrer que l’on fréquente des endroits fréquentés par des juifs, de scolariser son enfant dans une école juive.

Que faire maintenant de ces drames, et de cet espoir de concorde nationale qui semble poindre depuis Dimanche ?

Le travail est vertigineux, difficile, à court, moyen et long terme. 

J’ai bon espoir en notre pays et son peuple, nous y arriverons, mais c’est un combat idéologique, pas seulement politique, que nous devons mener, sereinement, en intelligence, en dépassant nos divisions petites ou grandes.

Il convient à court terme d’honorer nos 17 victimes et les trois cibles touchées à travers elles : Presse/Police/Juifs. Puis de leur faire sentir que nous sommes avec eux, et non pas contre eux.

Si pour la Police, tout particulièrement à gauche, il est difficile de se sentir une proximité disons affective avec eux, il est urgent de revenir à une relation citoyenne avec eux. Sans tomber dans l’angélisme et perdre en lucidité, cette institution, même s’il est presque humain et naturel de râler lorsqu’on se fait contrôler sur la route, par exemple, ne peut pas être accusée de tous les maux et être vue par défaut comme forcément coupable.

Bavures, ripoux et dérapages doivent être durement sanctionnés, pour autant, on ne peut pas applaudir le GIGN ou le RAID et insulter les CRS et gendarmes mobiles ; encore moins les faire passer pour des assassins et crier à la police politique lors de terribles drames comme à Sivens.

Mais évidemment, tout cela ne sert à rien si la Police n’a pas les moyens de ses ambitions. Des années de rigueur budgétaire, et plus encore de discours qui dénoncent le « y’a trop de fonctionnaires », qui affirment que « la fonction publique est privilégiée » et autres antiennes tant et tant martelées ne peuvent pas ne pas avoir de conséquences sur l’opinion publique mais aussi sur le moral et l’état d’esprit des fonctionnaires dans leur ensemble, et notamment de la Police. Et il en va de même pour l’armée et les gendarmes.

Pour la Presse et les médias dans leur ensemble, les décennies passées voient un long déclin de la profession. La liberté de la presse et des journalistes est précieuse mais fragile. Aider Charlie hebdo maintenant est très bien, acheter le Canard enchaîné, Libération, le Figaro, les news magazines en masse est très bien, mais dans quelques jours, quand la frénésie de cette actualité hors-normes sera passée, que les quotidiens et hebdomadaires retomberont dans leurs tirages habituels, les gens liront-ils aussi assidument ces journaux ?

Défendre la presse, c’est d’abord et avant tout la lire, donc l’acheter. La presse d’information comme spécialisée. Ce secteur est malade depuis de trop longues années, et vit de perfusions d’aides publiques, cela n’est pas sain pour la démocratie, surtout quand certains choix d’aides publiques laissent pantois (donner à « Closer » et rien au « Monde Diplomatique » laisse songeur).

Mais la presse elle-même, à l’instar des radios et surtout des chaines de télévision, doit faire son auto-critique également. Si un journal comme Libération n’avait par exemple pas tourné le dos à ses lecteurs suite au referendum de 2005 avec un édito rageur et insultant de son directeur, favorable au OUI, quand les lecteurs votèrent NON, ce grand journal serait-il au bord de la faillite ? Si le Figaro n’était pas, par la voix de son directeur à coup de unes et d’éditos, devenu une sorte d’attaché de presse du pouvoir en place sous le Président précédent, n’aurait-il pas été plus utile au débat démocratique car moins partisan ?

Enfin, si tous ces journaux, à commencer par Le Monde, donnaient un peu plus la parole à des économistes à contre-courant de la doxa dominante, offraient d’autres points de vue sur l’Europe, en étant ouverts aux autres options politiques que celles prônant la rigueur et les traités supranationaux, pourtant rejetées par les peuples, bref, osons le mot, si les journaux étaient moins déconnectés des citoyens et donc de leurs lecteurs, ceux-ci ne seraient-ils pas plus nombreux à les acheter ?

Mais nous ne pouvons mettre à part la presse papier de la presse audiovisuelle. Les radios et télévisions sont elles aussi sur des lignes et opinions économiques et sociales bien trop proches, avec trop peu de contradicteurs (il faut voir l’excellent film à ce sujet « Les Nouveaux chiens de Garde » de G.Balbastre et Y.Kergoät), et de toute façon de moins en moins de temps d’antenne disponible pour la politique (TF1 la première chaîne de France n’a pas d’émission politique récurrente), ou alors en abaissant la politique et la culture à des temps de parole trop courts, coincées entre les promotions de deux artistes. Tout est relativisé, haché et mélangé par les spectateurs à qui on n’offre plus de recul et de temps de réflexion, à de rares exceptions près (Radio France, Arte et quelques émissions de France Télévision).

Enfin, plus problématique car plus dramatique encore, est la situation des Français de confession juive. 

Aujourd’hui, à l’exception d’Israël, nous sommes le seul pays au monde où l’on meurt parce que l’on est juif. Depuis la Libération, nulle part ailleurs on viole, on torture, on tue des juifs parce que juifs.

La première communauté juive d’Europe, et la deuxième au monde hors Israël, si bien ancrée en France depuis des décennies, des siècles, est aujourd’hui en grand danger. Cela, malgré de trop nombreux drames antérieurs. L’ensemble de l’opinion publique l’avait soit minoré soit, peut-être plus glaçant encore, volontairement passé sous silence. Il y avait bien eu une vague d’émotion après les drames de Toulouse (dite « affaire Merah »), qui montraient déjà une forme nouvelle de terrorisme, et montaient d’un cran sur l’échelle de l’horreur : on exécutait des enfants dans la cour de leur école pour la foi de leurs parents.

Actes terroristes s’ajoutant aux nombreux crimes et délits qui ont atteint les Français de confession juive depuis de trop nombreuses années, comme récemment à Créteil avec des cambriolages avec violence auprès de septuagénaires, aggravés par le viol pour une jeune femme, parce que juifs, jusqu’au kidnapping et au meurtre, avec la terrible affaire dite du « gang des barbares » : le rapt, la torture et la mort du jeune français Ilan Halimi. 

L’horreur et le choc de toutes ces affaires « Merah » et « Barbares » auraient déjà dû soulever encore plus l’opinion publique. L’auteur de ces lignes regrette lui-même de ne pas s’être mobilisé et ne pas avoir dépassé le stade de l’indignation et de la stupéfaction.

Pleurer nos compatriotes ne suffira pas à rassurer nos concitoyens de confession juive. Chacune et chacun se doit d’être solidaire, en ne laissant plus rien passer qui s’approche de près ou de loin à de l’antisémitisme. 

Nulle question de censure (nous pourrons toujours blaguer avec nos amis français de confession juive, ou débattre de géo-politique) mais de « common decency » chère à Orwell.

Il ne faut plus laisser la parole aux conspirationnistes, des plus abjects aux plus subtils, apôtres de théories du complot en tout genre, qui insidieusement laissent développer une fracture entre les Français de toutes origines ou confessions.

Il ne faut plus offrir de tribunes sur nos ondes ou dans les colonnes de nos journaux à ces prêcheurs du mal qui déversent par petites gouttes leur poison nauséabond. Ne plus donner tribune à tous leurs alliés objectifs qui sous couvert de liberté d’expression… la remettent en cause, en craignant, faussement naïfs, que de dessiner telle ou telle représentation de musulmans, c’est forcément leur porter atteinte et faire le jeu des « sionistes ». Ils sont alors responsables par leurs mots et allusions de l’importation en France du conflit israélo-palestinien. Il faudrait ne plus tolérer la diffusion sur internet et ses réseaux sociaux, qui apparaissent comme des zones de non-droit, de tout et n’importe-quoi, les approximations, les pires rumeurs et les plus ignobles machinations.

Enfin, il faudrait ne plus confondre de la part de leurs représentants, la libre représentation officielle des cultes, notamment musulman (CFCM) et juif (CRIF), en annexes diplomatiques de pays étrangers (Maroc, Algérie ou Turquie pour l’un et Israël pour l’autre). Car c’est ainsi qu’alors bon nombre de leurs coreligionnaires se retrouvent, notamment concernant le CRIF, à soutenir malgré eux la politique d’un pays étranger et à être assimilé à la politique de ces gouvernements. Une religion n’est pas une nationalité. 

Pour résumer, s’en prendre aux citoyens de confession juive, comme s’en prendre aux citoyens de confession musulmane, ou de toute autre confession, c’est s’en prendre à la France. Ni plus, ni moins. De même que l’on s’en prend à la France quand on s’attaque à la Police et à la Presse. 

Alors, et demain ?

Continuons de réfléchir, débattre, nous informer, nous respecter, nous amuser, nous engueuler ; continuons à manifester, à voter, à lutter, enfin à nous aimer et à nous élever, chacune et chacun, Français ou non, en respectant ce bien beau pays qu’était, est et sera toujours la France.


S.M. 



Education, Intégration, Nation...

A l'heure où l'on s'interroge sur la communauté nationale... A l'heure où l'on pleure les victimes d'attentats commis par des fanatiques...

Le service militaire était le moyen pendant quelques mois d'intégrer des jeunes hommes de zones géographiques différentes, de milieux sociaux différents, de niveaux scolaires différents, de religions différentes, d'opinions différentes...

Cela permettait de mettre en évidence le principe républicain d'égalité.

Cela permettait après l'école, de transmettre encore le principe de la Nation une et indivisible et de sa défense. Cela permettait de transmettre un peu plus les notions d'autorité, d'humilité, indissociables de celles de la citoyenneté.

Cela permettait accessoirement de satisfaire pour un temps, la curiosité, l'intérêt pour les armes et la chose militaire propres à certains représentants masculins de l'espèce humaine. Quand on voit toutes les photos sur les réseaux sociaux de jeunes hommes qui se mettent en scène les armes à la main et en uniforme, on peut aller jusqu'à parler d'une fascination qu'il conviendrait peut-être de canaliser.

Cela permettait accessoirement aux autorités de repérer quelques individus aux comportements suspects et de les recenser.

Certains pourraient encore trouver d'autres avantages au service national obligatoire comme la transmission de règles de sauvetage ou d'autodéfense.

Il semble que le service national soit simplement suspendu.

N'y aurait-il pas une piste de réflexion à suivre au regard des événements récents?



sous les drapeaux 


mercredi 14 janvier 2015

Je suis Charlie 4: redéfinir des priorités.

La dramatique situation de son pays que l'on voit basculer gentiment dans la haine, le ressentiment depuis des années, est à peine soulagée par l'ampleur de la réaction spontanée populaire du 11 janvier. Mais elle est soulagée tout de même.


Maintenant... Va-t-on enfin vraiment réagir, guérir une société malade de sa fausse cohésion nationale et sociale? Comme d'habitude, nous sommes des êtres humains, nous espérons. 

Faire taire les prédicateurs fous. Faire taire une bonne fois pour toutes les faux amuseurs publics qui assurent leurs recettes en flattant les haines ancestrales. Lutter mot à mot contre les alarmistes chroniqueurs mondains avides de succès médiatiques factices pour garantir leurs revenus. En finir avec l'impunité totale des réseaux sociaux qui propagent l'ignorance la plus dangereuse et libèrent donc les instincts les plus meurtriers. Retrouver une saine et véritable liberté d'expression, celle qui est maîtrisée, limitée par la Loi. 

En finir avec ces responsables politiques clamant que rien ne nous unit et leur imposer le compromis sur nos textes républicains fondateurs et leurs objectifs. En finir avec la misère économique qui engendre misère intellectuelle, exclusion de la communauté nationale, causes, elles aussi, du basculement dans l'extrémisme idéologique ou religieux. En finir avec cette misère économique en sortant des dogmes qui produisent toujours les mêmes effets depuis 50 ans et accroissent les inégalités. 

Donner à nouveau la véritable priorité à l'école, loin des hypocrites paroles des décennies précédentes. Éduquer ce n'est pas apprendre un métier. Éduquer ce n'est pas apprendre et accepter la condition sociale à laquelle on ne pourra échapper adulte. Éduquer c'est apprendre le métier d'homme, apprendre à être un citoyen responsable, actif, conscient, tolérant, ouvert, curieux, courageux, respectueux des lois de son pays. Apprendre à affronter les aléas de l'existence. Apprendre à être maître de ses émotions en usant de raison sans pour autant être cynique, froid, calculateur, pour respecter la nature de ses frères humains. Apprendre à obéir. Apprendre à résister. Comprendre la difficulté d'être un homme. Fuir la facilité. Relativiser, mettre à distance, échapper à l'ethnocentrisme. Réfléchir pour identifier et combattre l'obscurantisme. 






dimanche 11 janvier 2015

Je suis Charlie 3: Le plus dur commence...

Après la journée de mobilisation, historique dans son ampleur, après l'émotion, place à la raison. La déception est toujours à la hauteur des espoirs que l'on avait. Il faut donc dorénavant être vigilants, rigoureux, sinon...

La France est ce pays dont on ne peut bafouer les valeurs parce qu'elles sont historiques, universelles. La France impose le respect au monde par son passé, ses principes, son exemple. 

Au même titre que Rome ou Athènes, Paris est une ville symbole. Paris impose le respect au monde par ses révolutions, ses combats, ses élans populaires. 

Quand on blesse la France, quand on meurtrit Paris, l'humanité souffre. D'instinct, les frères humains se lèvent et viennent tendre leurs mains. 

Le 11 janvier 2015 en est une nouvelle preuve.

Prudence. Ce nouvel élan était nécessaire. Indispensable. Mais il n'est pas suffisant. 

Encore une fois, l'espoir suscité est formidable. Tout reste à faire. Ce n'est pas l'aboutissement. C'est le commencement. Les suites doivent être à la hauteur de cet élan fraternel. A nous, peuple de France, d'y veiller.

Parce qu'encore une fois le monde regarde la France, regarde Paris. Que la France et Paris redeviennent les phares des peuples du monde. Ces derniers ont montré aujourd'hui qu'ils le voulaient... Et le peuple de France qu'il le pouvait.


Paris. 11 janvier 2015. 15h30. Porte Saint Martin.
Accès impossible à la place de la République depuis de longues heures.

samedi 10 janvier 2015

Je suis Charlie 2: Unité nationale

Evidemment, l'union nationale autour du drame de Charlie Hebdo suscite des interrogations et des rejets.  Mais elle est symbolique. C'est une une réaction à la hauteur du massacre. A chaque fois dans ces moments, c'est l'émotion qui l'emporte. On peut le déplorer. Mais le temps de la raison viendra. Dire «je suis Charlie» en ce moment est symbolique. Dire «je ne suis pas Charlie» l'est tout autant. Et oui toute cette agitation et toute cette ferveur unanime "n'est pas très Charlie" dans l'esprit mais le drame dépasse Charlie-hebdo... la réaction aussi.


Certains clament «Je ne suis pas Charlie» pour mettre en avant la stupidité de l'unanimisme d'une cause. 

Les mêmes et d'autres disent ouvertement ou implicitement que les dessinateurs avaient été trop loin et qu'il faut «réfléchir» à la notion de liberté d'expression. Tout en oubliant qu'elle est un fondement de notre régime et qu'elle est déjà encadrée par la loi. Tout en oubliant que des représentants de l'État et de simples citoyens non concernés, exerçant simplement leur profession, figurent parmi les victimes des massacreurs fanatiques. 

Certains ne veulent pas, au nom de leur idéologie politique, défiler dans le recueillement que l'on doit à des morts. Ils ne veulent pas prier, communier, simplement se dresser contre les ennemis de nos valeurs, en présence de membres de partis qui s'opposent au leur. 

Certains appellent à défiler mais sous la condition d'un mot d'ordre, d'un programme, de la défense d'une communauté plutôt qu'une autre, alors que seule la compassion devrait régner. 

Certains, donc, sur les dépouilles encore chaudes du barbarisme, du fanatisme, refusent de suspendre le débat démocratique. 

La République c'est le combat avec des mots. Il y a opposition. Il y a contradiction. C'est sa raison d'être. Mais la République c'est aussi la reconnaissance de principes communs, de valeurs partagées sans lesquels elle n'existe plus. Pour débattre, il faut déjà être en accord sur des bases communes. 

Est-il possible de suspendre pour quelques heures les adversités idéologiques, politiques, communautaires, pour mettre en avant ce qui est symbole de notre union nationale? Le respect envers des victimes innocentes, la défense d'une valeur dont nous jouissons encore tous, la liberté, n'est-ce donc pas suffisant pour nous réunir? 

Si ce n'est pas le cas... nous sommes décidément bien faibles... Nos ennemis sauront en profiter assurément.



jeudi 8 janvier 2015

Je suis Charlie

Deuil National. France, 2015. 12 personnes exécutées. Certaines pour avoir publié des dessins humoristiques, pour nous avoir aidés à affronter la dure réalité de l'existence par le détournement, par le décalage, par le rire... Certaines pour avoir eu la volonté de nous informer, pour nous aider ainsi à exercer notre devoir de citoyen et défendre l'expression de nos libertés. Certaines parce qu'elles assumaient simplement leurs tâches professionnelles auprès des premières. Les exécuteurs hurlent des valeurs nobles pour justifier leurs actes... Ils ne sont pourtant que la plus abjecte représentation des valeurs opposées: déshonneur et lâcheté. Ils ne sont que des imbéciles dont l'entreprise aura le résultat inverse de celui qu'ils espéraient et dont les noms seront à jamais associés à la honte et à la perfidie. 

Nos pensées vont aux familles et aux proches des victimes. 

Ce n'est pas la première fois que nous publions l'extrait qui suit, tiré d'un ouvrage publié en 1764.  Il y a 251 ans. 



FANATISME

Le fanatisme est à la superstition ce que le transport1 est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un enthousiaste; celui qui soutient sa folie par le meurtre est un fanatique […].
Le plus grand exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélemy, leurs concitoyens qui n’allaient point à la messe. […]

Il y a des fanatiques de sang-froid : ce sont les juges qui condamnent à la mort ceux qui n’ont pas d’autre crime que de ne pas penser comme eux ; et ces juges-là sont d’autant plus coupables, d’autant plus dignes de l’exécration du genre humain que, n’étant pas dans un accès de fureur, comme les Clément, les Châtel, les Ravaillac, les Gérard, les Damiens2, il semble qu’ils pourraient écouter la raison. […]
Il n’y a d’autre remède à cette maladie épidémique que l’esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les mœurs des hommes, et qui prévient les accès du mal ; car dès que ce mal fait des progrès, il faut fuir, et attendre que l’air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent pas contre la peste des âmes ; la religion, loin d’être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés. Ces misérables ont sans cesse présent à l’esprit l’exemple d’Aod, qui assassine le roi Eglon ; de Judith, qui coupe la tête d’Holopherne en couchant avec lui ; de Samuel, qui hache en morceaux le roi Agag : ils ne voient pas que ces exemples qui sont respectables dans l’Antiquité, sont abominables dans le temps présent ; ils puisent leurs fureurs dans la religion même qui les condamne. […]
Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage ; c’est comme si vous lisiez un arrêt du Conseil3 à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l’esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu’ils doivent entendre.
Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ?
Ce sont d’ordinaire les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains; ils ressemblent à ce vieux de la montagne4 qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu'ils iraient assassiner tous ceux qu'il leur nommerait. Il n'y a eu qu'une seule religion dans le monde qui n'ait pas été souillée par le fanatisme, c'est celle des lettrés de la Chine. Les sectes des philosophes étaient non seulement exemptes de cette peste, mais elles en étaient le remède.
Car l'effet de la philosophie est de rendre l'âme tranquille, et le fanatisme est incompatible avec la tranquillité.
Voltaire, article « Fanatisme », dans le Dictionnaire philosophique (1764).

1.        Emportement
2.        Auteurs d’attentats contre des souverains
3.        Gouvernement
4.        Chef d’une secte orientale