Google+ Article deux: avril 2013

lundi 29 avril 2013

Des moutons...


Le mouton est mal placé pour juger; aussi voit-on que le berger de moutons marche devant, et que les moutons se pressent derrière lui; et l'on voit bien qu'ils croiraient tout perdu s'ils n'entendaient plus le berger, qui est comme leur dieu. Et j'ai entendu conter que les moutons que l'on mène à la capitale pour y être égorgés meurent de chagrin dans le voyage, s'ils ne sont pas accompagnés par leur berger ordinaire.

Les choses sont ainsi par la nature; car il est vrai que le berger pense beaucoup aux moutons et au bien des moutons; les choses ne se gâtent qu'à l'égorgement; mais c'est chose prompte, séparée, et qui ne change point les sentiments.

Les mères brebis expliquent cela aux agneaux, enseignant la discipline moutonnière, et les effrayant du loup. Et encore plus les effrayant du mouton noir, s'il s'en trouve, qui voudrait expliquer que le plus grand ennemi du mouton, c'est justement le berger. «Qui donc a soin de vous? Qui vous abrite du soleil et de la pluie? Qui règle son pas sur le vôtre afin que vous puissiez brouter à votre gré? Qui va chercher à grande fatigue la brebis perdue? Qui la rapporte dans ses bras? Pour un mouton mort de maladie, j'ai vu pleurer cet homme dur. Oui je l'ai vu pleurer. Le jour qu'un agneau fut mangé par le loup, ce fut une belle colère; et le maître des bergers, providence supérieure et invisible, lui-même s'en mêla. Il fit serment que l'agneau serait vengé; il y eut une guerre contre les loups, et cinq têtes de loup clouées aux portes de l'étable, pour un seul agneau. Pourquoi chercher d'autres preuves? Nous sommes ses membres et sa chair. Il est notre force et notre bien. Sa pensée est notre pensée; sa volonté est notre volonté. C'est pourquoi, mon fils agneau, tu te dois à toi-même de surmonter la difficulté d'obéir, ainsi que l'a dit un savant mouton. Réfléchis donc, et juge-toi. Par quelles belles raisons voudrais-tu désobéir? Une touffe fleurie? Ou bien le plaisir d'une gambade? Autant dire que tu te laisserais gouverner par ta langue ou par tes jambes indociles. Mais non. Tu comprends bien que, dans un agneau bien gouverné, et qui a ambition d'être un vrai mouton, les jambes ne font rien contre le corps tout entier. Suis donc cette idée; parmi les idées moutonnières, il n'y en a peut-être pas une qui marque mieux le génie propre au vrai mouton. Sois donc au troupeau comme ta jambe est à toi.»

L'agneau suivait donc ces idées sublimes, afin de se raffermir sur ses pattes; car il était environné d'une odeur de sang, et il ne pouvait faire autrement qu’entendre des gémissements bientôt interrompus; et il pressentait quelque chose d'horrible. Mais que craindre sous un bon maître, et quand on n'a rien fait que par ses ordres? Que craindre lorsque l'on voit le berger avec son visage ordinaire et tranquille ainsi qu'au pâturage? A quoi se fier, si l'on ne se fie à cette longue suite d'actions qui sont toutes des bienfaits? Quand le bienfaiteur, quand le défenseur reste en paix, que pourrait-on craindre? Et même si l'agneau se trouve couché sur une table sanglante, il cherche encore des yeux le bienfaiteur, et le voyant tout près de lui, attentif à lui, il trouve dans son cœur d'agneau tout le courage possible. Alors passe le couteau; alors est effacée la solution, et en même temps le problème.

Alain, Propos sur les Pouvoirs, 13 avril 1923.

dimanche 28 avril 2013

De la Responsabilité des citoyens...

L’article 2 de la Constitution de 1958 pose comme principe de notre République :« gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ». La responsabilité du peuple est donc totale. Tout part du peuple pour lui revenir. Or, qui évoque aujourd’hui cette responsabilité ? Pourquoi donc attendre que l'on nous donne l'autorisation d'agir comme de véritables citoyens? Pourquoi donc nous contenter d'agir en électeurs-consommateurs?


Partout, s’élèvent les mécontentements vis-à-vis des élites politiques. La perte de confiance grandissante du « peuple » vis-à-vis de ses gouvernants est devenue un lieu commun : l’abstention lors des consultations électorales, les suspicions (et les preuves) quant à l’intégrité des hommes politiques, quant à leur efficacité, quant à leur simple utilité, sont des propos récurrents. L’alternance électorale systématique reflète également ce manque de confiance dans la capacité des politiques à résoudre les problèmes, principalement d’ordre économique depuis presque quarante ans, de l’Etat.

Cette défiance des élus, ou du corps des hommes prétendants à l’être, -« les hommes politiques »- représente un danger. On sait, en effet, historiquement où elle peut mener : à la remise en cause même du régime démocratique.

La démocratie n’est sans doute pas le meilleur des systèmes. Mais puisque nul ne revendique spontanément de vivre sous un régime le privant des droits les plus élémentaires qu’elle garantit : libertés essentielles, droits économiques et sociaux ; et puisqu’elle est toujours érigée en modèle tant dans les discours des élus que dans les écoles, dans les collèges et les lycées au cours de la formation des citoyens ; et puisque, de toute façon, la forme républicaine est le seul point qui ne peut faire l’objet d’une révision de la Constitution, il convient de ne pas laisser s’envenimer cette défiance vis-à-vis des représentants du peuple et donc vis-à-vis du régime lui même.

Jaurès :« on ne parle que des droits ! Si l’on parlait des devoirs ! »

Il faut que le peuple assume ses responsabilités. Car si le régime républicain garantit la somme de droits la plus appréciable par rapport aux autres systèmes, il suppose aussi des devoirs. Alors que dans un régime totalitaire l’obéissance suffit, le régime démocratique suppose en plus une certaine forme de résistance ou au moins d’exigence et de vigilance vis-à-vis des institutions et de leurs fonctionnements.

Il est aisé de juger, de condamner, de rejeter la faute sur des élites incompétentes et/ou corrompues. Cependant rappelons que la souveraineté appartient au peuple. La faiblesse de la parole et de l’action politiques relèvent des comportements des citoyens. Le régime est à leur image car au suffrage universel direct ou indirect les citoyens choisissent à tous les niveaux ceux à qui ils délèguent leur souveraineté.

Il leur faut donc pleinement assumer leurs devoirs pour commencer à assainir la vie politique. Quels sont donc les devoirs du citoyen ?

· Voter. C’est le devoir qui vient spontanément à l’esprit. Encore faut-il rappeler que le vote concerne dans une démocratie les élections politiques (conseillers municipaux, généraux, régionaux, députés, députés européens, Président de la République…) mais également les élections professionnelles (Conseils des Prud’hommes, comités d’entreprises, délégués du personnel, chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers, sécurité sociale...). L’exigence citoyenne se caractérise à ce niveau dans le choix des candidats. Au-delà des idées et des principes politiques défendus, que le futur représentant du peuple soit exemplaire dans ses actes et dans ses paroles est bien la moindre des attentes du citoyen glissant son bulletin dans l’urne.

· Respecter les lois. La situation économique d’un pays n’est pas seulement entre les mains du gouvernement. Les lois sont des protections et des mesures qui, si elles sont respectées sont propres à améliorer la vie de la communauté. Il en est de toutes les lois et même des plus simples et des plus quotidiennes. La stricte observance par exemple des règles du code de la route conduirait à faire réaliser à l’Etat des économies importantes : Installations coûteuses de radars automatiques, campagnes publicitaires pour la prévention routière… L’exemplarité au regard de la loi contribue à améliorer les conditions d'existence en communauté.  

· S’informer. D’abord, dans le but de connaître et de comprendre les lois afin de les respecter. Mais aussi pour se tenir au fait du débat démocratique et donc de participer au mieux à leurs améliorations. Le citoyen doit également connaître la réalité des dépenses publiques puisqu’il y contribue et qu’il les détermine indirectement par le vote. Une information de qualité, vérifiée, argumentée, référencée doit toujours être une exigence majeure du citoyen.

· Contribuer aux dépenses publiques. Par le paiement d’impôts justes et équitablement répartis, déterminés par la loi, le citoyen assure la pérennité du régime démocratique tout en assurant sa sécurité et celles des autres citoyens. Ainsi, la République est qualifiée de sociale par la Constitution et sa devise évoque la solidarité par la référence à la Fraternité.

· Participer au débat démocratique par l'actionTout acte du quotidien est le reflet d’une vision, d’une démarche politique. Le citoyen se confond de plus en plus, l’économie étant le thème majeur de la vie politique, avec son action de consommateur. Entreprendre ou non telle dépense, préférer tel groupe commercial à un autre, peuvent déjà se révéler être des actes politiques et citoyens. Ils doivent donc être menés avec réflexion et exigence. Mais plus important encore, si le citoyen se rend compte que sa souveraineté est bafouée, c'est-à-dire que les personnes, auxquelles il a délégué une partie de ses droits et de ses responsabilités, ne respectent pas leurs engagements, alors le citoyen doit intervenir, faire entendre son mécontentement, et sanctionner, toujours en respectant la loi, ceux qui déshonorent le contrat social et politique. Il s’agit pour le citoyen de faire preuve d’exigence et donc de montrer la haute valeur de sa souveraineté. Son silence face aux manquements des hommes politiques montre finalement le peu d’estime qu’il a pour cette dernière et assure finalement une totale impunité à ceux qui la bafouent. Les réseaux sociaux offrent de nos jours des possibilités nouvelles d'actions pour les citoyens: se faire entendre, créer des communautés, relayer des informations, organiser des réunions, des manifestations, proposer des réflexions, des réformes... Tout faire pour que la démocratie participative ne soit pas juste une belle expression électoraliste... Pourquoi donc attendre que l'on nous donne l'autorisation d'agir comme de véritables citoyens? Pourquoi donc nous contenter d'agir en électeurs-consommateurs? 

Affirmer, en tant que citoyen, que nous ne sommes pas, également, responsables du climat politique du pays reviendrait à reconnaître que notre souveraineté ne s’exercerait pas pleinement et idéalement, que nous ne pouvons pas exercer correctement nos devoirs de citoyen. Cela reviendrait donc explicitement à reconnaître que notre modèle démocratique ne garantit plus une ou plusieurs, voire toutes les conditions nécessaires à son bon fonctionnement. A savoir :

· Une école gratuite laïque et obligatoire jusqu’à 16 ans permettant d’assurer une bonne formation des futurs citoyens et de leur donner toutes les meilleures dispositions à la bonne compréhension des enjeux du débat démocratique.

· La liberté de constitution et d’expression de multiples partis politiques regroupant des personnalités dignes de l’acte de confiance que suppose la République envers les citoyens.

· Une presse libre, indépendante et respectueuse de l’intégrité intellectuelle des citoyens permettant la diffusion des différents courants de pensées politiques et des informations fondamentales à la bonne mesure de la réalité du monde.

· Le suffrage universel, égal et secret.

lundi 22 avril 2013

21 avril 2002 - 21 avril 2013. Du symbole en politique


Où l’on se rend compte que le temps passe vite et les comportements politiques aussi. Où l’on évoque des appels aux meurtres sur les réseaux sociaux.


Le 21 avril 2002, Jean-Marie Le Pen, candidat à l’élection présidentielle du parti d’extrême droite, le Front National, est présent au second tour. Il devance Lionel Jospin, candidat du Parti Socialiste, premier ministre sortant, et se place derrière Jacques Chirac, représentant de l’UMP, parti de la droite traditionnelle, et président sortant.

L’émoi est à son comble. Le séisme politique est d’envergure. Pourtant, les avertissements avaient été nombreux depuis des années. Les instituts de sondage montrent ce jour-là leurs flagrantes limites mais finalement parviennent à se justifier. Les chiffres ne mentent pas : l’interprétation n’était pas sans doute pas assez fine et au bout du compte, cette situation était envisageable.

Politiquement, tout en feignant l’indignation et l’effarement, la Droite jubile. Elle a misé une partie de sa stratégie sur l’insécurité, thème cher à une droite dure. Quelques faits divers de dernière minute achèvent sans doute d’influencer une partie de l’opinion et éparpillent un peu plus un électorat confronté à une myriade de candidats. L’élection présidentielle est gagnée dès le premier tour pour la Droite. Le deuxième tour est confisqué.

L’entre-deux tours se caractérise par des manifestations soudaines, massives, quotidiennes de républicanisme et par une absence de débat entre les deux candidats puisque Jacques Chirac le refuse catégoriquement en affirmant : « il n’y a pas de dialogue possible avec le Front National ».

Le deuxième tour est une formalité : il s’agit plus d’un referendum contre les idées politiques extrêmes. Jacques Chirac est réélu avec 82% des suffrages exprimés en sa faveur.
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21 avril 2013, onze ans plus tard, jour pour jour, des élus, des membres de l’UMP, défilent contre la loi du mariage pour tous, en tête de cortège, auprès des élus FN.

Le chef auto-proclamé de l’UMP déclare dès le lendemain qu’ « il n’y a pas de collusion avec le FN ». Il évoque un simple voisinage « malheureux ». Quoi qu’il en soit la portée symbolique est forte.

Onze ans auparavant, il n’y avait « pas de dialogue possible ». Désormais, on marche les uns auprès des autres.

L’UMP et son chef peuvent clamer leur distance autant qu’ils le peuvent mais on n’imagine mal des élus ou des membres du FN, défiler politiquement, côte à côte, tenant la même banderole, avec des sympathisants du Front de Gauche ou même du Parti Socialiste. Pour beaucoup d’électeurs la distance entre l’UMP et le FN ne parait plus aussi nette et pour les représentants de ces partis, il semble en être de même. Il faut se rappeler les stratégies et les discours de Nicolas Sarkozy pendant son quinquennat. Chaque jour voit donc la distance se réduire. La prochaine étape, (elle a déjà été franchie très ponctuellement mais il est à croire qu’elle se généralisera), sera l’alliance électorale pure et simple.

Certains avancent que l’on peut se retrouver, pour une cause, auprès de membres de partis que l’on combat habituellement. Cela serait un signe de cohérence politique, reconnaître que l’on n’est pas dans le rejet systématique de principe. Or, au niveau cohérence, que penser de ces membres de la Droite qui clament haut et fort quand ils sont au pouvoir que « l’on ne gouverne pas avec la rue » et qui, aujourd’hui dans l’opposition, condamne le gouvernement pour son intransigeance à vouloir faire voter une loi qui était pourtant dans le programme électoral de son candidat ? Où est la cohérence démocratique quand plusieurs manifestations de millions de personnes contre la réforme des retraites sont restées sans réponse de la part du précédent gouvernement alors que son candidat avait juré qu’il n’entreprendrait pas de réforme à ce sujet ?

Pour conclure sur ces 21 avril français et sur cette banalisation de l’extrême droite dans le paysage politique, il faudrait peut-être rappeler ce qui compose une partie de l’électorat du FN. Le débat sur le mariage homosexuel a une nouvelle fois révélé au grand jour l’activisme de groupuscules que l’on qualifie pudiquement « d’identitaires ». Ils sont en fait parfaitement assimilables à des groupes néo-nazis. Ils le revendiquent même pleinement par leur mode d’actions, leurs propos, leurs tenues, leurs symboles, leurs références historiques et enfin par leur antiparlementarisme. On ne choisit pas ses électeurs avance le Front National. N’a-t-il donc aucune responsabilité à ce niveau ? N’a-t-il vraiment aucune explication à fournir quant au fait que ces groupuscules se reconnaissent dans ses propositions ?

Pour ceux qui doutent de l’existence et de la teneur des propos de ces groupes, voici quelques commentaires glanés sur les réseaux sociaux comme illustration. Ils sont formulés sous une liste d’enfants nés au mois de janvier 2013 dans une ville de Seine Saint-Denis. Oui, en France, en 2013, des listes de noms circulent pour mettre en évidence par le patronyme l’origine ethnique, étrangère, de certains futurs citoyens. Ce genre de publications déclenche beaucoup de réactions, de partages et se retrouve ainsi sous les yeux de centaines, de milliers de personnes. Que l’immigration soit débattue comme un problème politique, on peut l’admettre totalement : c’est le jeu démocratique. En appeler au meurtre pur et simple et publiquement en toute impunité est d’un autre domaine.

Les quelques commentaires  sélectionnés sont rapportés ici dans leur forme originale :


· « Sa commence par la cantine HALAL et bien tot sava etre quoi ? aprendre la langue de RATS dans les ecole?! Elle et belle la france .... Jamais ma fille mangera a la cantine si ses pour quelle mange de la merde non merci --' »



· « bien sûr qu'on sait que la France est appelée à disparaitre, sauf si un gouvernement qui a des couilels prend les choses en main et gère. Pour le reste, je ne vois qu'une guerre civile pour régler le problème, elle viendra, avant 2020, c'est écrit !! »


· « Suffit d'égorger les nouveau nées »


· « faut les égorger a la naissance ceux la !!! »


· « les steriliser n'est pas suffisant. une certaine personne a partir de 1934 les envoier dans des zones tres "mortelles" et ils ne vivaient pas tres longtemps... on devtait faire pareil. je suis Allemand d'origine mais je suis né en France je suis déçu de voir le plus beau pays du monde devenir une poubelle geante. il faut agir maintenant avant que l'ennemi ne nous expulse de cher nous. VIVE LA FRANCE !!! »

 · « Il est déjà trop tard pour hollande la révolution est déjà en route avec les réseaux sociaux la preuve il a demande aux service de renseignement infiltrer les compte face book pour déterminer combiens et qui blogue sur le gouvernement , je sais pas a cette allure si la liberté d'excrétion en France va durer longtemps , il nous espionne , nous trace dans sa liste noire et après... Sa me fais penser à ces liste pendant la guerre ou armée allait chercher tous ces gens liste ! Démocratie tu vie tes dernières heures! »

 · « Putain faut remettre les crématoires »


· « on a qu'a creer des milices armees et faire justice nous meme comme la S.A. de Rühm Ernst en Allemagne en 1932 »


· « Aucun doute déjà ils ne crèvent pas et en plus ils se reproduisent ils faut les stériliser en masse !!!»

dimanche 14 avril 2013

La racaille c'est vous.


Où l’on peut, peut-être, découvrir à quoi servent les épreuves de français du baccalauréat. Où l’on peut découvrir, peut-être, quel est l’intérêt du commentaire composé ou de l’écriture d’invention.


Prenons un texte court auquel on peut être confronté lorsque l’on navigue un peu sur les réseaux sociaux (au lieu de réviser son bac).

Exemple récent : facile à comprendre et pas trop long à lire :









Bien, maintenant appliquons à ce texte les épreuves type bac. D’abord le commentaire. (les indications en gras ne doivent pas figurer sur la copie)


Introduction

Ce texte appartient au genre littéraire de l’essai et plus précisément du pamphlet. Il a pour but en effet de délivrer un message ayant la volonté d’emporter l’adhésion du lecteur de manière directe. L’auteur est anonyme et l’on ne peut qu’attribuer au texte une date de publication approximative : sans doute la deuxième décennie du XXIe siècle. Il a été diffusé sur le réseau social Facebook et a suscité un bon nombre de commentaires et de réactions d’affection. Ce bref message percutant cherche à mettre en évidence une forme d’injustice flagrante de notre société actuelle : les vrais délinquants peuvent agir en toute impunité pendant que les automobilistes sont persécutés par une répression judiciaire implacable. Comment l’auteur tente-t-il d’emporter l’adhésion du lecteur ? Dans un premier temps, nous verrons que pour jeter le trouble dans son esprit, le texte repose sur une illusion de démonstration. Ensuite, nous montrerons qu’en fait il propose implicitement une remise en cause pure et simple de la notion de justice.

Première partie

Pour mieux troubler l’esprit du lecteur, l’auteur de l’affiche s’efforce de lui donner l’apparence d’une argumentation efficace.

D’abord, le texte est parfaitement adapté à son mode de diffusion par sa forme. La brièveté et la concision des propos semblent avoir été une priorité du concepteur. En effet, le texte ne comporte qu’une trentaine de lignes et se compose de petits paragraphes composés pour l’essentiel d’une phrase. Un autre élément parfaitement adapté au mode de diffusion est la présence d’un titre particulièrement provocateur : « La racaille c’est vous ! ». Il s’agit d’interpeller avec violence le destinataire pour susciter chez lui une réaction d’indignation le conduisant à lire la suite. L’implication du lecteur par l’émotion est très forte et ne manque pas de l’influencer dans la mesure où il nie forcément le jugement énoncé. La structure du texte s’organise ensuite en trois temps. Un constat est proposé dans le premier groupement de phrases, de la ligne 2 à la ligne 6. Une succession de phrases négatives s’apparentent à une forme d’antithèse dans la mesure où elles s’opposent avec force au titre. Il s’agit de susciter la curiosité du lecteur tout en le troublant psychologiquement. Le constat se poursuit à partir de la ligne 7 par un second groupement de phrases introduites par le connecteur logique d’opposition « par contre ». Cinq phrases affirmatives enchainent désormais des comportements positifs très valorisants pour le lecteur. On relève par exemple : « vous rendez service » ou plus valorisant encore « vous sauvez des vies ». Il s’agit donc dans la continuité du premier groupement de phrases de flatter le lecteur et de le rassurer. Le deuxième mouvement de l’argumentation n’est constitué que de trois phrases au passé composé introduites par la conjonction de coordination « mais ». Une nouvelle opposition est donc proposée au lecteur et s’appuie sur la divulgation de délits routiers apparaissant bénins au regard des deux premiers groupements de phrases. Ces trois phrases ont pour but d’identifier réellement la cible du message : les personnes ayant commis une infraction du code de la route. Enfin, la conclusion du texte, le troisième et dernier temps de l’argumentation, est une déduction introduite par l’interjection « bravo ». C’est un moyen pour l’auteur de renforcer l’évidence de son raisonnement. Tous ces procédés sont choisis par le locuteur dans le but de faire apparaitre de façon flagrante sa démarche argumentative. Il s’agit de donner l’illusion de la rigueur en jouant en fait sur les émotions du destinataire.

Cette volonté est renforcée par le choix d’un style sobre qui se veut efficace. La figure de construction récurrente du message est l’anaphore. On relève ainsi pour les trois premiers mouvements du texte, la répétition du pronom personnel « vous » pour débuter chaque phrase. Il s’agit de faciliter la compréhension du texte tout en insistant sur l’interpellation directe au lecteur. L’emploi des temps de l’indicatif permet aussi la communication d’un message clair, simple à comprendre. On relève ainsi le présent d’habitude pour le premier groupement de phrases : « vous ne dealez pas ». Le deuxième groupement est lui aussi au présent d’habitude avec par exemple « vous travaillez toute la semaine » mais choisit cette fois la forme affirmative. Le troisième groupement opte pour le passé composé, temps du passé récent qui a encore une incidence sur le présent. Le choix et la répétition du pronom personnel de la deuxième personne du pluriel sont un moyen efficace et simple de montrer au lecteur une forme de respect tout en s’assurant de son implication. Les formules des deux premiers groupements sont des formules générales, « vous n’agressez pas », « vous rendez service », propres à permettre à chaque lecteur de se reconnaître facilement au moins dans l’une d’elle de façon évidente. L’interjection « bravo », formule ironique récurrente est elle aussi un moyen de diffuser le message de façon simple sur le ton de la plus flagrante évidence. Il s’agit pour l’auteur de jouer sur la clarté du message. Il faut aller à l’essentiel encore une fois pour privilégier la volonté de toucher le lecteur et non de jouer sur sa raison.

Transition

La démarche argumentative semble donc être bien celle de la persuasion. L’auteur use d’une structure misant sur la brièveté, et sur un style axé sur la simplicité. C’est pour lui le moyen de développer plus facilement une remise en cause pure et simple de la notion de Justice.

Deuxième partie

Ce texte s’apparente en fait sur un rejet d’une institution indispensable pourtant à la vie en société : la Justice. On relève ainsi le champ lexical des délits mêlé à celui de la politique : « agressez » ; « volez » ; « tuez » ; « honnête » ; « sécurité intérieure » ; « amende » ; « politique » ou « gouvernement ». Ce sont les marques de la tonalité polémique du message. Il s’agit de suggérer l’idée d’un complot ourdi contre les citoyens respectables. L’oxymore, « les yeux grands fermés » renforce cette idée de volonté délibérée de nuire aux plus honorables membres de la communauté de la part du gouvernement. Le groupe nominal « cible prioritaire » dans une phrase où le pronom « vous » est en position de complément d’objet, illustre encore l’acharnement subi par les bons citoyens. L’expression « remettre votre permis » ajoute l’idée d’une humiliation imposée à celui qui n’a pas respecté le code de la route pour des fautes minimes du moins minimisées par le texte. Bien sur la récurrence du pronom de la première personne du pluriel « vous » continue d’impliquer totalement le lecteur qui toujours peut se laisser emporter émotionnellement par la colère. Le rejet des institutions passe aussi plus implicitement par la substitution du mot cotisation par le mot « charges » auquel on accole l’adjectif qualificatif « lourdes ». C’est le moyen ainsi de mettre en évidence avec plus de force le sentiment d’injustice ressenti par le « bon citoyen » et de remettre en cause la notion de lois fiscales. Cette affiche a donc pour but de dresser le lecteur contre les institutions en le plaçant dans une position de victime innocente d’un complot étatique contre sa personne.

Finalement ce bref message dresse l’éloge de l’irresponsabilité des actes et appelle implicitement à la désobéissance. L’argumentation enchaine, accumule des propositions qui n’ont aucun lien les unes avec les autres. Il n’y a pas de rapport logique entre « payer ses impôts de façon honnête » (comment peut on le faire de façon malhonnête de toutes les façons ?) et « ne pas tuer », entre « travailler toute la semaine » (ce qui est le propre de la grande majorité des actifs) et « ne pas voler », entre « ne pas se droguer » et « rouler à 130 au lieu de 110 ». Certaines propositions paraissent suspectes quant à la désignation des destinataires du message. Ainsi, « vous sauvez des vies » ; « vous êtes l’estime de tout un pays » ne semblent pas s’appliquer à l’ensemble des citoyens mais sans doute aux médecins, ou aux pompiers. On ne peut désigner les membres de la police qui sont complices de la surveillance accrue des délits routiers. La formule « vous avez reçu une prise de rendez-vous » semblent plutôt s’appliquer aux commerciaux. Certaines personnes auraient donc le droit de ne pas respecter les mêmes lois que tous les autres. Certaines lois ne devraient donc pas s’appliquer à certains citoyens. L’éloge de l’irresponsabilité passe aussi par la minimisation des délits routiers. On assène ainsi dix comportements positifs très généraux et seulement trois négatifs très précis. Le message tente d’atténuer les fautes des délits de la route voire d’occulter les facteurs aggravants que sont l’excès de vitesse et l’alcoolémie. Par ailleurs, par une ellipse, le téléphone n’est pas même mentionné ce qui est le moyen de minimiser le caractère dangereux de son utilisation au volant. De plus, on ne saisit pas très bien si les trois délits ont été commis en même temps ou de façon séparée. Le passé composé, « vous avez roulé » ; « vous avez bu » ; « vous avez reçu » donne un caractère unique, exceptionnel, au délit, ce qui renforce donc encore le sentiment d’injustice. Ainsi, ce document cherche à donner au lecteur la possibilité de justifier certains de ses comportements illicites qui pourtant peuvent se révéler dangereux voire mortels pour autrui ce qui est pourtant en opposition avec le précepte du premier paragraphe « vous ne tuez pas ».


Conclusion

Ce texte mise avant tout sur la volonté de susciter des réactions et des sentiments forts au lecteur. Ce dernier passe successivement de la curiosité à l’indignation puis à la colère. Le texte par une fausse démonstration met tout en œuvre pour différer le jugement du lecteur. Il faut par des formules brèves, générales et choquantes l’empêcher de réfléchir et d’user de sa raison. Avec ce procédé, il remet en cause le respect des lois en mettant sur le même plan des délits qui n’ont aucun lien entre eux. Il devient donc dangereux dans la mesure où il persuade le lecteur crédule, peut être concerné par une amende ou une suspension de permis, qu’il est la victime d’un complot, d’un acharnement. On remet en cause la notion même d’égalité devant la loi, l’impartialité de l’Etat devant les délits, et donc sa réelle volonté d’assurer la sécurité des citoyens dans un pays où la délinquance routière occasionne pourtant un nombre de victimes conséquent chaque année.

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Ecriture d’invention : rédigez un pastiche du document intitulé « la Racaille c’est vous ».
Le coupable c’est vous !
Vous ne mentez pas à des millions de personnes ;
Vous ne commettez pas d’abus de biens sociaux ni de conflit d’intérêt et encore moins d’abus de faiblesse ;
Vous ne pratiquez même pas l’optimisation fiscale ;
Vous ne jetez pas à la rue vos employés afin de valoriser la cotation boursière de votre entreprise ;
Vous ne pratiquez pas le détournement d’argent public ;

Par contre :
Vous respectez les lois pour le bien être d’autrui ;
Vous cotisez aux caisses d’assurances maladie et de retraite pour anticiper les aléas et la fatalité de l’existence ;
Vous payez vos impôts à hauteur de vos revenus pour contribuer au bonheur de la nation ;
Vous consommez régulièrement pour la prospérité de tous ;
Vous faites des dons à des associations caritatives pour soulager les plus démunis ;
Mais
Vous avez acheté une automobile, influencé par les milliers de publicités quotidiennes qui vous assaillent ;
Vous avez téléchargé le dernier titre de votre chanteur préféré grâce à votre box haut débit et à l’ordinateur dernier cri aux capacités extraordinaires qui vous a couté une fortune ;
Vous avez grignoté entre les repas des produits issus de l’industrie agro-alimentaire et avez omis de manger 5 fruits et légumes par jour.
Bravo !
L’infâme gouvernement socialiste incompétent avec ses complices issus des plus vils groupements sectaires et sectaristes écologiques et des trusts culturels et artistiques, viennent de vous déclarer coupable du réchauffement climatique, de la faillite totale de l’industrie musicale et cinématographique de notre glorieux pays et du scandale sanitaire de l’obésité contribuant à l’accroissement abyssal du gouffre de la sécurité sociale.

vendredi 12 avril 2013

Les politiques français par la presse européenne

Où l’on peut découvrir les remarques des journalistes européens sur les hommes politiques français et où l’on s’interroge sur la presse en notre beau pays. Et où l’on se rend compte que le mal n’est pas que français.

The Observer, Londres.
Il fut un temps où l’on jugeait impératif de mener une existence vertueuse. Il était question d’intégrité, d’engagement envers un but dépassant l’enrichissement personnel, d’un certain altruisme, pour ne pas dire d’humilité. Ceux qui se trouvaient au sommet y étaient peut être parvenus en se montrant implacables et ambitieux, mais ils savaient que pour gouverner il fallait donner l’exemple, et que cela nécessitait d’autres qualités que de simplement penser à soi.
Cette époque est révolue. Le plus grand défaut de la contre-révolution libérale est peut-être d’avoir consacré tant d’énergie à démontrer que la vertu, quelle que soit son importance dans la sphère privée, n’a aucune valeur dans la sphère publique. Le recul de la vertu est désormais le fléau de notre temps. Il est légitime de faire preuve de cupidité ; une seule chose compte, accumuler des richesses, peu importe comment, y compris à coups de primes scandaleuses ou d’évasion fiscale. Or, dans tout l’Occident, cette attitude a des conséquences de plus en plus perceptibles. La politique, les affaires et la finance en sont aujourd’hui affligées au point d’être dysfonctionnelles, et la population n’a plus aucune confiance dans ce qu’il est convenu d’appeler « les élites ».
L’affaire que vit la France en est un exemple classique. François Hollande a été élu président il y a moins d’un an en promettant “un gouvernement « exemplaire » après la boue des années Sarkozy. Et c’est là qu’intervient Jérôme Cahuzac. Le mois dernier encore, il était ministre socialiste délégué au Budget, porte-étendard de la croisade contre l’évasion fiscale. Il a été révélé qu’il avait lui-même mis 600 000 euros à l’abri sur un compte secret en Suisse. Il a démissionné, mais l’événement est à l’origine d’une crise à la fois pour le président français et pour l’ensemble du système et de la classe politiques du pays.
Hypocrisie. Déjà deux anciens présidents– Chirac et Sarkozy – se sont empêtrés dans des histoires de détournement de fonds et de financement illégal de campagne. Mais l’affaire Cahuzac va plus loin, car l’hypocrisie y rejoint l’illégalité. Repoussés à la troisième place par le Front national lors d’une récente élection législative partielle [le 24 mars, dans la deuxième circonscription de l’Oise, l’UMP l’a emporté avec 51,41 % des voix, le FN a obtenu 48,4 % des suffrages], les socialistes de Hollande se voient maintenant accusés non seulement d’incompétence et de manque d’objectifs politiques, mais aussi de duplicité. Qui prendra conscience de l’importance de la vertu publique ?
La droite conventionnelle se trouvant tout aussi désemparée et compromise, on court le risque que le Front national ne soit le premier à en bénéficier, en jouant sur la désillusion que suscitent d’une part les politiques et d’autre part les élites dans leur ensemble. Il semble bien que les règles qui s’appliquent aux petites gens, confrontés à l’austérité, à la dégradation de leur niveau de vie et à un chômage qui a atteint son maximum depuis seize ans, ne vaillent pas pour les hautes sphères.
Pendant ce temps, en Espagne, le Premier ministre Mariano Rajoy a été accusé d’avoir dissimulé 250 000 euros au fisc. Et Cristina, la fille du roi Juan Carlos en personne, va elle aussi devoir rendre des comptes devant la justice au sujet des affaires douteuses de son mari. En Italie, le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo a remporté près de 30 % des suffrages, un vote largement protestataire face à la corruption de l’ensemble de la classe politique.
Aujourd’hui, l’Etat est jugé à la fois inefficace et répressif. Les riches n’ont aucun scrupule à dissimuler leurs richesses et l’évasion fiscale motivée par l’égoïsme est considérée comme une attitude légitime, voire une obligation morale. Le Royaume-Uni n’échappe pas à cette tendance. Le scandale des notes de frais des députés en 2009 n’a peut-être pas atteint les niveaux d’hypocrisie et de corruption de l’affaire Cahuzac, mais les racines du problème sont les mêmes. Code éthique. Nous connaissons les principes fondamentaux d’une société plus juste : une proportion équitable entre la récompense et l’effort, l’entraide en temps de crise et une juste répartition des richesses lors des embellies. Mais une société de ce genre a besoin d’hommes et de femmes animés des mêmes vertus. Il y a encore cinquante ans, la foi en Dieu servait de caution à la morale et, même si les élites se comportaient mal, au moins elles savaient que c’était répréhensible. Aujourd’hui, nous traversons une période de révolte des élites, comme le redoutait il y a vingt ans l’historien [américain] Christopher Lasch. Le code éthique soutenu par les valeurs chrétiennes et garant d’une certaine équité a été sapé par la laïcisation et les préceptes du libre-échange. Et il n’y a plus non plus de mouvements de travailleurs puissants, portés par les valeurs du socialisme, pour obliger les élites à être honnêtes.
Selon Lasch, la seule solution réside dans la réaffirmation de la démocratie. Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’une démocratie où le référendum reste exceptionnel. Nous avons besoin de revenir aux fondements de la démocratie, une démocratie de la transparence et de la responsabilité, avec des mécanismes et des procédés inscrits dans la Constitution qui obligeraient nos dirigeants du public et du privé à rendre des comptes au jour le jour. Nous sommes désormais mieux informés sur les dessous de la politique, d’où la chute de Cahuzac. Mais ce n’est qu’un début. Pour restaurer la confiance, nous avons besoin d’encore plus de transparence, avec les mêmes principes appliqués à nos entreprises et à nos banques. Il faut repenser la légitimité du domaine public et de l’intervention publique. Il est temps que nos dirigeants – dans le secteur public comme dans le privé – rendent des comptes.
Will Hutton
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Süddeutsche Zeitung, Allemagne (extrait)
En Allemagne, ce sont les années 1920, en France, les années 1930, mais dans les deux pays, ces époques sont considérées comme annonciatrices de troubles à venir. […] Une fois de plus, beaucoup de gens, écœurés, se détournent des forces politiques traditionnelles au profit des extrêmes. Et une fois de plus, la France sombre dans un pessimisme infiniment plus dangereux que l’absence de croissance et un chômage à 10%.
Stefan Ulrich
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El Pais, Madrid (extrait)
Les quatre mois qui viennent de s’écouler depuis les révélations de Mediapart sur l’existence des comptes en Suisse de [Jérôme] Cahuzac, où l’on a pu entendre dans tous les médias les véhémentes dénégations de l’intéressé jurant ses grands dieux qu’il n’avait pas de compte à l’étranger et qu’il n’en avait jamais eu, ont révélé la naïveté et la complaisance de la classe politique dans son ensemble. L’opposition aujourd’hui si virulente a ainsi préféré faire l’autruche plutôt que de jouer son rôle pourtant fondamental de contrepouvoir. Cette affaire a également révélé la connivence de la majorité des médias dits « traditionnels » qui, au lieu de mener leur enquête et de demander des comptes au pouvoir, n’ont fait que mettre en doute le travail rigoureux du petit site d’information fondé par Edwy Plenel il y a cinq ans. Voilà soixante-dix ans, le général de Gaulle disait à Malraux que Combat, le journal d’Albert Camus, était le seul à échapper à la médiocrité bien qu’il fût écrit par des gens intraitables. Une fois de plus, les intraitables ont remis la démocratie à sa place. La vague d’hystérie et d’hypocrisie collective entraînée par la confession de Cahuzac, qui cherche à se concilier les bonnes grâces de la justice pour son procès, aurait pu être évitée si, comme l’a dit Plenel, la démocratie avait fonctionné correctement ces quatre derniers mois, lorsque tout le monde préférait regarder ailleurs. Comme l’Italie et l’Espagne, la France a touché le fond en matière de mensonge et de corruption. Et comme en Italie et en Espagne, les menteurs et les corrompus ne sont pas les seuls responsables.
Miguel Mora,

samedi 6 avril 2013

Le Rêve Creux!!

Pastiche d'un discours de Victor Hugo...


Citoyens, si quelqu’un, il y a cinq siècles, à l’époque où un monarque absolu régnait, eût dit : un jour viendra où vous ne serez plus des sujets ; un jour viendra où vous serez même les souverains de votre nation ; un jour viendra où vous déciderez de votre destin en tant que communauté ; un jour viendra où vous ne risquerez plus l’arrestation arbitraire.


Vous aurez encore bien des devoirs à accomplir, mais savez-vous que vous aurez aussi des droits ? Savez-vous que vous pourrez jouir des libertés fondamentales : liberté individuelle, liberté de conscience, liberté de presse, liberté d’association, liberté politique ? Savez-vous que vous pourrez jouir du droit de grève, du droit à la protection de la santé, du droit à l’instruction ? Savez-vous que vous aurez déféré votre autorité consciemment à des assemblées en lesquelles vous vous sentirez tous vivre, des assemblées qui seront comme votre âme à tous, des conciles souverains et populaires qui décideront, qui jugeront, qui résoudront tout en loi et qui feront surgir la justice dans tous les cœurs, qui diront à chacun : là finit ton droit, ici commence ton devoir ?

Si quelqu’un eût dit cela, à cette époque, citoyens, tous les hommes positifs, tous les gens sérieux, tous les grands politiques d’alors se fussent écriés : oh ! le songeur ! oh ! le rêve creux ! comme cet homme connait peu l’humanité ! Que voilà une étrange folie et une absurde chimère ! Citoyens, le temps a marché et cette chimère, c’est notre réalité !

L’homme qui eût fait cette prophétie eût été déclaré fou par les sages pour avoir entrevu le règne de la liberté, l’accomplissement de la République.

Aujourd’hui, pourtant, il persiste des imperfections et nous jetons le discrédit sur ceux à qui nous déléguons pourtant avec confiance notre souveraineté.

Aujourd’hui, nous devons être de ceux qui disent que bientôt nos représentants, nos élus, sauront se montrer dignes de cette confiance et de la mission que nous leur confions.

Bientôt, un jour viendra où leurs actes répondront à leurs paroles ! Un jour viendra où ils seront exemplaires parce qu’ils s’appliqueront les sacrifices qu’ils demandent aux autres. Un jour viendra où ils ne profiteront plus de leur position pour leurs intérêts personnels. Un jour viendra où le citoyen n’aura plus jamais à douter de l’intégrité et de l’honnêteté de son représentant parce qu’il montrera la valeur de son patrimoine pour aspirer à ses fonctions. Un jour viendra où les invectives stupides seront remplacées par des discours éloquents et réfléchis. Un jour viendra où ils sauront respecter, par les mots et par les attitudes, leurs contradicteurs, et donneront ainsi de la noblesse à leur engagement. Un jour viendra où l’on montrera les unes de la presse de notre temps dans des archives comme l’on montre aujourd’hui des lettres de cachets en s’étonnant que cela ait pu être.

Un jour viendra où l’on verra ces deux grands corps de la nation, les citoyens et leurs représentants, placés l’un auprès de l’autre s’honorant mutuellement ; le premier pouvant faire confiance au second ; le second œuvrant pour le bien du premier.




6 avril 1768. Bougainville à Tahiti.

 Où l'on découvre un point de vue différent et où l'on peut prendre la mesure du relativisme.

Le 6 avril 1768 est la date retenue pour le débarquement de l’explorateur français Bougainville sur l’Ile de Tahiti dans le Pacifique. Diderot, en 1772, revient sur la confrontation de deux visions du monde



L’explorateur publie, en 1771, un récit du périple autour du monde qu’il a réalisé. L’ouvrage connait un succès retentissant. Il alimente également les controverses philosophiques en plein siècle des Lumières. Diderot se sert des Tahitiens dans son ouvrage intitulé Supplément au voyage de Bougainville. Dans ce supplément fictif aux récits de voyage de Bougainville, Diderot prend la défense des sociétés naturelles et de leurs mœurs qu’il oppose à la cruauté de la civilisation européenne. Dans cet extrait, le philosophe donne la parole à un vieillard qui exhorte son peuple à se protéger des Européens.


C'est un vieillard qui parle. Il était père d'une famille nombreuse. A l'arrivée des Européens, il laissa tomber des regards de dédain sur eux, sans marquer ni étonnement, ni frayeur, ni curiosité. Ils l'abordèrent ; il leur tourna le dos et se retira dans sa cabane. Son silence et son souci ne décelaient que trop sa pensée : il gémissait en lui-même sur les beaux jours de son pays éclipsés. Au départ de Bougainville, lorsque les habitants accouraient en foule sur le rivage, s'attachaient à ses vêtements, serraient ses camarades entre leurs bras, et pleuraient, ce vieillard s'avança d'un air sévère, et dit :


 Pleurez, malheureux Tahitiens ! pleurez ; mais que ce soit de l'arrivée, et non du départ de ces hommes ambitieux et méchants : un jour, vous les connaîtrez mieux. Un jour, ils reviendront, le morceau de bois que vous voyez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l'autre, vous enchaîner, vous égorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices ; un jour vous servirez sous eux, aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu'eux. Mais je me console ; je touche à la fin de ma carrière ; et la calamité que je vous annonce, je ne la verrai point. O tahitiens ! mes amis ! vous auriez un moyen d'échapper à un funeste avenir ; mais j’aimerais mieux mourir que de vous en donner le conseil. Qu'ils s'éloignent, et qu'ils vivent.


Puis s'adressant à Bougainville, il ajouta : Et toi, chef des brigands qui t'obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive ; nous sommes innocents, nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature ; et tu as tenté d'effacer de nos âmes son caractère. Ici tout est à tous et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr ; vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu, ni un démon : qui es-tu donc, pour faire des esclaves ? Orou ! toi qui entends la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous, comme tu me l'as dit à moi-même, ce qu'ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est a nous. Ce pays est à toi ! et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu'il gravât sur une de vos pierres ou sur l'écorce d'un de vos arbres : Ce pays est aux habitants de Tahiti, qu'en penserais-tu ? Tu es le plus fort ! Et qu'est-ce que cela fait ? Lorsqu'on t'a enlevé une des méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli, tu t'es récrié, tu t'es vengé ; et dans le même instant tu as projeté au fond de ton cœur le vol de toute une contrée ! Tu n'es pas esclave : tu souffrirais plutôt la mort que de l'être, et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? Celui dont tu veux t'emparer comme de la brute, le Tahitien est ton frère. Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi ? Tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? avons-nous pillé ton vaisseau ? t'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? t'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ?
Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-nous nos mœurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est nécessaire et bon, nous le possédons. Sommes-nous dignes de mépris, parce que nous n'avons pas su nous faire des besoins superflus ? Lorsque nous avons faim, nous avons de quoi manger ; lorsque nous avons froid, nous avons de quoi nous vêtir. Tu es entré dans nos cabanes, qu'y manque-t-il, à ton avis ? Poursuis jusqu'où tu voudras ce que tu appelles les commodités de la vie ; mais permets à des êtres sensés de s'arrêter, lorsqu'ils n'auraient à obtenir de la continuité de leurs pénibles efforts que des biens imaginaires. Si tu nous persuades de franchir l'étroite limite du besoin, quand finirons-nous de travailler ? Quand jouirons-nous ? Nous avons rendu la somme de nos fatigues annuelles et journalières la moindre qu'il était possible, parce que rien ne nous paraît préférable au repos. Va dans ta contrée t'agiter, te tourmenter tant que tu voudras ; laisse-nous reposer : ne nous entête ni de tes besoins factices, ni de tes vertus chimériques. Regarde ces hommes ; Vois comme ils sont droits, sains et robustes. Regarde ces femmes ; vois comme elles sont droites, saines, fraîches et belles. Prends cet arc, c'est le mien ; appelle à ton aide un, deux, trois, quatre de tes camarades, et tâchez de le tendre. Je le tends moi seul. Je laboure la terre ; je grimpe la montagne ; je perce la forêt ; je parcours une lieue de la plaine en moins d'une heure. Tes jeunes compagnons ont eu peine à me suivre ; et j'ai quatre-vingt-dix ans passés. Malheur à cette île ! malheur aux Tahitiens présents, et à tous les Tahitiens à venir, du jour où tu nous as visités !


Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, 1772
Bonus: Pour les élèves de Première concernés par les épreuves anticipées de Français, voici des axes possibles de lecture analytique pour l'extrait. Les procédés, leurs analyses et les interprétations sont disponibles pour les soutiens Facebook et les membres d'Article Deux, ou à ceux qui les demandent gentiment ;-)
I. Une arme: la parole. Un réquisitoire
a. Les paroles d'un sage
b. Une argumentation rigoureuse
c. L'art du discours
II. L'opposition de deux mondes
a. Le comportement des européens
b. Le bonheur de l'état de nature
c. La perversion de la société tahitienne
III. Réflexion sur le concept de réciprocité
a. Le renversement des perspectives
b. Dissymétrie des Attitudes
c. Message de tolérance

jeudi 4 avril 2013

Charte de Représentant du Peuple


Préambule

Les citoyens, souverains de la République française, considèrent que la mission de leurs représentants, élus au suffrage direct ou au suffrage indirect, impose des devoirs supérieurs.




Les représentants du peuple sont en effet les garants des institutions.

Les représentants du peuple sont en effet les tenants temporaires de la souveraineté nationale que chaque citoyen leur délègue avec confiance.

Les citoyens attendent donc de leurs représentants des attitudes irréprochables, reflet de leur mission. C’est la pérennité du régime démocratique qui est en jeu. Les citoyens ne pouvant plus placer leur confiance en leurs représentants se détourneront du débat démocratique. La République perdrait alors ses garanties de liberté et de justice.

I Les citoyens rappellent donc à leurs représentants actuels ou futurs, les principes fondamentaux suivants :

Le représentant du peuple français est tenu de respecter la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui énumère les libertés essentielles dont jouit le citoyen en régime républicain : liberté individuelle, liberté de conscience, liberté de presse, liberté d’association, liberté politique.

Le représentant du peuple français reconnaît également les droits économiques et sociaux ajoutés par la constitution de 1946 : droit de grève, droit à la protection de la santé, à l’instruction, droit de se déplacer librement.

Le représentant du peuple devra toujours avoir à l’esprit dans l’exercice de sa fonction ces droits qui sont solennellement réaffirmés dans le préambule de la Constitution de 1958.

Si la devise de la République française, est LIBERTE EGALITE FRATERNITE (devise qui doit être la base de toute réflexion et proposition du représentant du peuple), la devise du représentant du peuple est HONNETETE RESPONSABILITE EXEMPLARITE.

II. Dans le respect de cette devise, de ce code moral, le représentant, élu ou nommé, s’engage à respecter les articles suivants:

  1. La France, par son histoire, par ses grands hommes, a souvent tenu un rôle de guide, de modèle pour les autres nations du monde. Le représentant du peuple français se doit de se placer dans cette tradition et savoir faire preuve de courage dans la défense de ses idées. Il doit toujours répondre à l’idéal historique de la France de justice, de liberté et de générosité.
  2. En respect de la devise et des grands principes de notre République, le représentant du peuple doit toujours par ses choix et propositions défendre les plus faibles.
  3. En respect des valeurs de la République, l’amélioration des conditions de vie, morales et physiques des citoyens est la finalité unique du représentant du peuple, son idéal national. Il doit toujours établir grâce à la loi, les conditions du bien être social et l'amélioration des conditions de vie en communauté.
  4. Le représentant du peuple s'engage à respecter la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
  5. Un représentant du peuple s’engage à assumer pleinement la tâche que le corps électoral lui a confiée directement ou indirectement. Il ne peut donc cumuler plusieurs mandats ni exercer d’autres activités professionnelles afin, de plus, de ne pas être tenté par le conflit d’intérêt. Il recevra en échange une indemnité lui permettant d’assurer son existence. Cette indemnité sera déterminée en fonction du patrimoine et des conditions d’existence de chaque représentant.
  6. Un représentant du peuple est dans l’obligation de fournir avec exactitude et par voie publique le montant de ses dépenses assurées par les finances de l’Etat et des collectivités territoriales.
  7. Un représentant du peuple ne profite jamais de sa position à des fins personnelles, aux niveaux financiers, juridiques, commerciaux et s’engage par-dessus tout à ne jamais nommer ni à faire nommer des membres de sa famille, proche ou éloignée, à des postes qu’il a le pouvoir d’attribuer ni à entreprendre des démarches commerciales avec des entreprises salariant des membres de sa famille.
  8. L’élection du représentant du peuple est le résultat du débat démocratique. Ce dernier repose sur des principes fondamentaux que le représentant du peuple s’engage à respecter et à défendre : a) Une école gratuite laïque et obligatoire jusqu’à 16 ans permettant d’assurer une bonne formation des futurs citoyens et de leur donner toutes les meilleures dispositions à la bonne compréhension des enjeux du débat démocratique. b) La liberté de constitution et d’expression de multiples partis politiques. c) Une presse libre et indépendante permettant la diffusion des différents courants de pensées politiques. d) Le suffrage universel, égal et secret.
  9. Un représentant du peuple ne peut être le propriétaire d’un groupe de presse ou de tout autre forme de diffusion de l’information et ce afin de respecter les règles et la transparence du débat démocratique.
  10. Dans les enceintes de l'Assemblée Nationale et du Sénat, tous les propos du représentant du peuple sont considérés comme ayant été prononcés sous serment.
  11. Le mode d'expression privilégié en dehors des assemblées doit être la forme écrite. Par voie de presse, par l'intermédiaire des réseaux sociaux, ou sous toute autre forme, les propos doivent être argumentés, réfléchis, afin de mettre en valeur le débat démocratique.
  12. Dans les médias audio-visuels, le représentant du peuple se montre rigoureux, clair et concis. Il appuie ses idées, ses projets, sur des argumentations précises et jamais sur des comparaisons ou sur l’émotion. Il fait toujours preuve de respect vis-à-vis de ses contradicteurs.
  13. Le représentant du peuple doit se montrer digne de sa fonction et de la confiance que les citoyens ont placée en lui : toujours agir avec sens civique, avec vertu, avec honneur.
  14. A la suite de toute condamnation ou tout manquement aux articles énoncés dans cette charte et dans le respect de procédures judiciaires et citoyennes préalablement établies, le représentant du peuple pourra être révoqué et déclaré inéligible définitivement.