Google+ Article deux: Mélenchon, Robespierre, La Vendée, l’Histoire et la Télé…

jeudi 31 janvier 2013

Mélenchon, Robespierre, La Vendée, l’Histoire et la Télé…

Quelques remarques sur la place de l'Histoire à la télévision suite à la réaction d'un politique concernant la diffusion d'une émission sur le service public.


Mélenchon écrit à Pflimlin pour dénoncer une émission sur Robespierre

Hommes politiques et Histoire.

A une heure où l’histoire disparaît progressivement des programmes scolaires, où elle est en partie vidée de sa substance par la façon dont elle est enseignée, on remarque par la lecture d’un petit article comme celui proposé ci-dessus, qu’elle est pourtant toujours aussi importante dans l’exercice de la démocratie.

L’histoire est un enjeu politique. Elle peut devenir un outil de propagande très efficace. Elle l’a toujours été et le sera sans doute toujours. Il faut le rappeler. L’intervention d’un homme politique à propos de la diffusion d’une émission de télévision peut sembler suspecte, un début de contrôle, de censure. Pourtant, ici, le leader du front de Gauche ne semble pas demander l’interdiction de la diffusion de l’émission concernée mais un droit de réponse de la part des historiens. Cela parait beaucoup plus judicieux et constructif. Si ce droit de réponse était le point de départ d’une nouvelle émission, nous nous en réjouirions. Cela serait le moyen de constater que l’Histoire n’est pas si manichéenne que certains veulent bien le croire ou le faire croire. Il est fort à parier que sur un même plateau, à propos de la Contre-Révolution en Vendée, les spécialistes ne manqueraient pas d’avancer différents points de vue et différentes analyses.

Il est vrai que l’on ne peut que s’interroger sur la rediffusion à trois reprises en « moins d’un an » du même programme… Il faudrait regarder si tous les thèmes ont été rediffusés de la sorte. Si ce n’est le cas, il est intéressant de remarquer, dans la période trouble que nous vivons, que la Révolution française revienne inlassablement à nos oreilles.

Télévision et Histoire.

Le type d’émission dont il est question ici, L’ombre d’un doute sur France 3, Secret d’Histoire sur France 2 « évoque » des faits historiques à une époque où les émissions culturelles se font de plus en plus rares, aux heures de grande écoute, et ce malgré la multiplication des chaines. Leur seul intérêt réside dans la curiosité qu’elles peuvent éventuellement susciter chez le téléspectateur. Dans un monde idéal, ce dernier, prenant congé de Stéphane Bern ou de Franck Ferrand, se plongerait dans son dictionnaire, dans son encyclopédie, dans des ouvrages ou des revues spécialisés, afin de compléter ou de discuter les informations très parcellaires proposées.

La Télévision, c’est le royaume de l’image. L’Histoire fonde sa raison d’être dans l’écrit. L’Histoire naît avec l’écriture. Elle s’appuie sur des sources écrites ou sur des traces archéologiques. Elle demande un travail minutieux de confrontation, d’analyse, de justification. Ces émissions de télévision sont contraintes par des impératifs temporels, 52 minutes par exemple, dictés par la publicité. Elles sont contraintes par des impératifs de satisfaction : ne point trop ennuyer. Elles vont donc à l’essentiel et recherche avant tout le spectaculaire. Elles s’appuient sur des reconstitutions en costumes, sur des extraits de films, sur des promenades dans des lieux qui ne correspondent plus en rien à ceux de l’époque que l’on est censé aborder. Elles proposent des interventions de personnalités que l’on qualifie d’écrivains ou parfois d’historiens mais sans que l’on sache vraiment si elles appartiennent au cercle de l’université. C’est perturbant quant à la fiabilité des informations et points de vue avancés.

Après tout, le téléspectateur pour ces émissions, mais comme pour toutes les autres quand elles concernent la politique, l’information, la culture, est libre de douter, libre de remettre en cause ce que l’on lui assène de façon péremptoire. Il faut faire confiance à sa capacité de jugement et d’analyse. C’est ce que répondront sans aucun doute les détracteurs de la demande de M. Mélenchon.

La Vendée et le Génocide.

La guerre de Vendée en pleine Révolution française est une guerre civile. Dans toute la France, les Bleus, partisans de la Révolution, s’opposent aux Blancs, partisans de la monarchie. A partir de 1791, la question religieuse s’ajoute. Une France refuse la constitution civile du Clergé, la France « réfractaire » et une France l’accepte, la France « constitutionnelle ». La Vendée devient le symbole de la contre-révolution même si des révoltes et des combats violents ont eu lieu également en Bretagne, dans la vallée du Rhône, dans les campagnes, dans les grandes villes.

Pour Jean-Clément Martin, Professeur à l’université Paris I, auteur de nombreux ouvrages sur la Révolution et la Contre-Révolution, (La Révolution à l’œuvre, 2005, Violence et Révolution, 2006) il n’y a pas eu de génocide en Vendée. Bien sûr, il cite un discours de la convention du 1er aout 1793 qui appelle à la destruction de la Vendée. Mais dans le même discours on ajoutait qu’il fallait protéger les femmes, les enfants, les vieillards et les hommes sans armes. La Vendée était le symbole de la Contre-Révolution mais les révolutionnaires n’ont pas cherché à identifier un peuple pour l’annihiler.

Les atrocités, pour l’historien, commises de part et d’autre (les ravages des Vendéens sont moindres tout de même), relèvent des crimes de guerre. Et ce genre d’accusation pourrait être porté sur des généraux en charge de la répression dans d’autres régions françaises. Pas seulement sur les Vendéens.

Les violences s’expliquent principalement selon les historiens par le fait qu’en 1793-1794 la faiblesse de l’Etat atteint son paroxysme. Les soldats ne sont plus encadrés par un Etat. La Guerre civile correspond à une perte d’autorité du gouvernement, donc à l’absence totale de contrôle des troupes. Carrier, le représentant de la Convention à Nantes, est responsable de la disparition de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Turreau, le général en chef, organise des « colonnes infernales » et dévaste la région. Ces deux hommes échappent à toute direction de la Convention. Le Comité de salut public crée en avril 1793 ne contrôle pas grand-chose avant mars 1794. Au printemps 1794, quand le Comité de salut public avec Robespierre en son sein concentre le pouvoir central, les exactions prennent fin. Carrier est rappelé à Paris, est jugé et exécuté.

On peut lire une interview de Jean-Clément Martin consacrée à la Vendée dans le numéro spécial de l’Histoire de juillet-Aout 2006 : « la guerre civile, 2000 ans de combats fratricides ».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire