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mercredi 4 février 2015

Total Laicity

Parce que l’on oublie décidément tout très vite… Projetons-nous un peu dans l’avenir…Que restera-t-il de l'esprit du 11 janvier? Que restera-t-il de la laïcité? Utopie? Dystopie?


Janvier 2015. Après les attentats de Charlie Hebdo, la vague d'émotion est immense. Oui, mais… dans les médias, sur les réseaux sociaux, le débat sur le blasphème, prend également de l'ampleur. Le meilleur historien de France, Lorànt Deutsch, réclame le délit de blasphème pour la sérénité nationale. 

Septembre 2015. Suite à des incidents communautaires liés à la publication de nouveaux dessins d'une « certaine presse », le débat est porté devant les assemblées.

Janvier 2016. Après des débats houleux, l'interdiction de représentation du prophète Mahomet est votée par les chambres. Le jour même, les représentants des cultes Catholique, Protestant, Juif, lancent une campagne de presse œcuménique pour demander l'élargissement de la loi. Ils prônent une interdiction du blasphème pour toutes les religions. Leur lettre ouverte intitulée, «Y a pas que l'Islam» est publiée à la une des grands quotidiens nationaux. Najat Vallaud-Belkacem demande une lecture dans les classes de collège et lycée en respect du «fait religieux». En parallèle, Fleur Pellerin lance une campagne sur internet avec un clip de Grand Corps Malade reprenant un Slam « fils de Dieu ou pas, l'école te juge pas ».

Février 2016. La loi est modifiée en urgence. «Il fallait un élargissement à toutes les religions en vertu du principe de laïcité». Le président Hollande salue la réactivité des citoyens pratiquants qui ont su rappeler à la République ses manquements. Le blasphème est donc désormais puni par la loi. Un secrétariat d'État chargé du respect laïc de la tolérance mutuelle interreligieuse est créé. Une première: il aura à sa tête une commission de secrétaires d'État, chacun représentant une communauté religieuse, et ce malgré une pétition reprise par le Nouvel Observateur et signée par Martine Aubry qui déplore « l'absence de ticket paritaire femme-homme parmi les représentant-e-s de cette instance que nous respectons ». Ce secrétariat d'État sera placé, dans un souci évident d'efficacité, sous la tutelle conjointe des ministères de la Culture, de la Justice, de l'Intérieur et directement rattaché à Matignon.

Mars 2016. Les Sectes se regroupent en une fédération dirigée par Tom Cruise, en attente de sa naturalisation française, pour demander le statut de religion, ou du moins un élargissement de la loi interdisant le blasphème à toutes les croyances possibles et non plus seulement aux religions dites révélées. «La laïcité se doit de respecter également la foi personnelle, privée, originale, hors norme, avant-gardiste, passéiste. Aucune croyance ne peut être stigmatisée, moquée, martyrisée, par des amuseurs inutiles. L’hérésie d’aujourd’hui est l’orthodoxie de demain. » La Miviludes est dissoute.

Avril 2016. La campagne présidentielle est lancée prématurément dans ce climat houleux. Suite à une caricature de Plantu qui a croqué une colombe au-dessus des candidats déclarés, et devant la colère de ces derniers de se retrouver sur le même dessin, le président Hollande décide la création d'un comité de surveillance éthique de l’humour engagé. Il nomme Jamel Debouzze, Patrick Timsit, Jean-Marie Bigard, à sa tête. Ces trois humoristes présentent au journal de Pujadas une signalétique qui avertira le lecteur, le téléspectateur, du degré de satire et le public visé par le dessin. Des messages préenregistrés sont prévus pour les sketchs radio. Tous les auteurs devront donc soumettre leurs productions au comité avant publication ou diffusion. 

Mai 2016. Pour faire face à la confusion générale liée aux 7 signes et 9 couleurs de la signalétique De-Ti-Bi, le président Hollande décide par décret de suspendre l'autorisation de toute caricature de presse, et de toute forme d'humour engagé, pour le temps de la campagne électorale «dans le but de retrouver sérénité et raison», et «afin de trouver une solution susceptible de satisfaire le mieux-vivre, le bien-sourire, le bon-rire ensemble dans le cadre d'une responsabilité épanouie et agréablement vécue par la totalité des communautés nationales». Un poste de secrétaire d'État à la surveillance de l'humour engagé et à la bien-pensance électorale est créé. C'est Éric Besson qui inaugure la fonction. 

Juin 2016. Un fonds d'aide exceptionnel est créé pour les dessinateurs, les humoristes, qui se retrouvent du jour au lendemain sans ressources. Dany Boon se voit refuser une pension au titre que ses œuvres n'ont jamais présenté un caractère engagé et satirique ; Guy Bedos au titre qu'il ne fait plus rire personne depuis 1978 même quand il est méchant. Gad Elmaleh, lui aussi évincé, se joint à eux dans le cadre d'une action de groupe contre l'État: «Nous militons pour la reconnaissance du droit à l'humour gentil mais subtilement engagé quand même». 

Août 2016. Le PSG, pour la reprise du championnat, présente son nouveau maillot avec un nouveau slogan: «One Game, One God». En tribunes, le prince du Qatar jubile. 

Septembre 2016. Un citoyen attaque en Justice son voisin qui s'était moqué de lui pour avoir déclaré que Nicolas Sarkozy était son Dieu. Il obtient gain de cause quand, après enquête approfondie, il s'avère que le plaignant vouait effectivement un culte depuis 2002, dans sa cave, à l'ancien maire de Neuilly et ancien président de la République. 

Octobre 2016. Par jurisprudence, une lycéenne obtient elle aussi justice. Elle avait été ridiculisée par ses camarades de classe pour avoir porté un t-shirt de Beyoncé en classe de gym. Or, la jeune fille s'était auto-proclamée grande prêtresse de la chanteuse R'n'b au cours d'une cérémonie dans le garage de ses parents. La vidéo, mise en ligne sur YouTube deux ans auparavant, a constitué un élément de preuve décisif au tribunal. 

Novembre 2016. Les tribunaux sont débordés pour des cas de moqueries religieuses s'apparentant à des blasphèmes. L'union nationale est réclamée par Manuel Valls qui convoque tous les responsables politiques à Matignon. Le conseil constitutionnel déclare anticonstitutionnelle la proposition commune de Le Pen, Sarkozy, Dupont-Aignan, Bayrou, d'obliger les professions de foi des candidats à tout suffrage d'indiquer leur obédience. La cour européenne casse la décision des sages qui s'auto dissolvent. 

Décembre 2016. Dans la foulée et comme pour faciliter la tâche des tribunaux, la campagne des sectes obtient enfin gain de cause. Tom Cruise, le jour de sa naturalisation, est décoré, à l’Elysée, de la Légion d’Honneur. La notion de blasphème est étendue à toutes les croyances possibles et non plus limitée aux croyances religieuses. Une réforme constitutionnelle est engagée. Lors d’un meeting de campagne, Christine Boutin reprend le mot d’ordre de cette réforme et hurle : « Il ne faudra plus dire: « La France, religion officielle : aucune. Mais il faudra dire : « Croyances : toutes ! » Elle ajoute : « mais il ne faut pas oublier que c’est au Christianisme qu’elle doit ses racines et ses valeurs ! ». 

Le jour de la Saint-Sylvestre, les dirigeants du CRIF et du CFCM, accompagnés de Monseigneur Di Falco, tous en pleurs et main dans la main, déposent une gerbe commune devant la statue de la République sur la place du même nom. L'image est symbolique. L'émotion est intense. «Il faut rendre hommage aux institutions sans lesquelles tout cela n'aurait été possible. Enfin la laïcité s'exprime sur des bases sereines et durables, celles de la foi qui reprend ses droits. Mais le combat est loin d'être gagné. Il y a encore tant à accomplir.» Voilà les mots que les représentants des cultes majeurs ont prononcés à l'unisson. De cette journée historique on retiendra aussi les 24 victimes et les centaines de blessés, lors de ce que Bernard Cazeneuve a qualifié de « simples débordements de casseurs malheureusement inévitables » et qui ont eu lieu en marge de cette cérémonie. 

Janvier 2017: lors d'une galette des rois à Evry, Manuel Valls se fait surprendre par les caméras du Petit Journal en train de demander à un membre de la mairie de « mettre des cathos whites, des feujes au premier rang... y'a trop de musulmanos pour la caméra ». Malgré des excuses sur son fil Twitter derrière le hashtag « #maboulettelorsdelagalette», il en tire toutes les conséquences en démissionnant. Il laisse la place à Emmanuel Macron qui réserve sa première interview au journal du Vatican Il Messagere romano en déclarant, sibyllin, « je serai un Premier Ministre respectueux de la République Française mais dans le respect de l'intime de chacun, car il n'y a pas de tabou en politique». 

Février 2017: Sarkozy, le jour du Mercredi des Cendres, annonce depuis la Cathédrale de Notre Dame de la Garde à Marseille qu'il est candidat investi d'une mission par les Français. Il répète que les curés sont supérieurs aux instituteurs et que lui, re-président de la République, il s’efforcera de leur donner à nouveau tout le poids qui devrait être le leur dans l’élévation morale et spirituelle des enfants de France. Parallèlement, il annonce son équipe de campagne avec l'artiste Abd Al Malik comme porte-parole. 

Mars 2017. En chute libre dans les sondages, Hollande, toujours par décret, instaure que le vendredi, le samedi et le dimanche seront désormais des jours fériés en fonction de la croyance du salarié. Un certificat officiel d’appartenance religieuse sera délivré par les bureaux du Pôle-Emploi qui passent de fait sous la responsabilité des autorités religieuses du pays, autorités qui prennent pour l’occasion le statut de service public. Hollande déclare : « La loi de 1905 n’était finalement qu’une orientation, une indication à suivre, un peu comme le préambule de notre Constitution ou la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen ». Henri Guaino approuve le président : « je le répète : je ne comprenais plus ce monde où tout était régi par des règles automatiques ». Kippour et l’Aïd devenant officiellement jours fériés, les Protestants obtiennent la date du 24 août pour commémorer la Saint-Barthélemy. Les agnostiques et les athées se voient proposer une journée du « faire société ensemble». Le président Hollande propose le 11 janvier après concertation avec le MEDEF. Interrogé sur le choix de cette date, il répond : « Le mois de janvier était pauvre en fêtes ou autres commémorations, et cela permettra aux citoyens de se remettre doucement après les réveillons. Le chiffre 11 me semblait également facile à retenir ».

S.M & B.H

ça c'était avant... 


2 commentaires:

  1. Excellente description d'une "future actualite" en terre de cauchemard....tres bien construite et absolument percutante.
    Esperons que cette vision effrayante ne se realisera jamais.

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    1. Pour certains, c'est une vision idéale, pour d'autres, un cauchemar...

      Merci beaucoup pour votre commentaire! au plaisir de vous revoir ici très vite!

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