Google+ Article deux: Lérézosossio

samedi 13 septembre 2014

Lérézosossio

Après lecture d'un article concernant l'impact des réseaux sociaux et l'économie numérique, quelques réactions à ce sujet resurgissent. Vers un monde meilleur ou déjà le meilleur des mondes?



Des pages Facebook suscitent l'engouement et enregistrent des nombres de clics impressionnants et certains attribuent aussitôt un rôle majeur aux réseaux sociaux quant à la notion d'engagement politiques de leurs utilisateurs. On avance des bouleversements sociologiques issus de la pratique accrue des réseaux numériques : nouvelles façons de penser, nouvelles façons d’agir, et pourquoi pas, nouveaux mode de vie.



Or, en y regardant de plus près, si des comptes Facebook ou des comptes Youtube captent une audience considérable c'est parce que ces derniers ont été mentionnés, à un moment ou à un autre, par les médias traditionnels et notamment par la télévision. D’un coup l’amplification opère.



Des enquêtes ont montré ainsi le décollage, après multiples passages dans les journaux télévisés, de la page Facebook de soutien au bijoutier qui avait tué son agresseur. A noter ici qu’une même page, pour un fait divers identique, est quant à elle restée quasiment confidentielle, parce que complètement ignorée par la télévision, celle du soutien à un légionnaire ayant tué un dealer. 



Ces pages de toute façon ont un caractère éphémère. Si elles sont fulgurantes à leur lancement, elles tombent généralement vite dans l'oubli et s'avèrent d'une inutilité totale. Sur quelles initiatives, sur quelles actions concrètes a débouché la page de soutien au bijoutier?



La mobilisation récente des Sans-dents devant l'Élysée a été très faible en rapport au nombre de clics qu'elle avait récolté en quelques heures. Elle n'a même pas réussi à profiter de la spontanéité de l'initiative. Quel sera l'avenir d'une telle page?



On met souvent en avant le rôle des réseaux sociaux lors des printemps arabes. Or, où en sont maintenant ces initiatives populaires? Si on peut attribuer aux réseaux sociaux, éventuellement, la qualité d'élément déclencheur, (il faudrait là aussi mettre en parallèle le rôle des journaux et de la télévision qui ont repris le martyr de l'homme qui s'est immolé par le feu, peut-être vrai déclencheur de la révolution en Tunisie), force est de constater qu'ils n'ont absolument pas réussi à bâtir un lien durable entre les manifestants et qu'il n'y a eu aucun rôle vraiment fédérateur sur le long terme. Il suffit de constater aujourd'hui la situation politique des pays concernés.



On affirme que les réseaux sociaux sont le signe d'un changement de psychologie de la société... Vraiment? Et si Internet et les réseaux sociaux n'étaient que le lieu d'expression de comportements très classiques? Les réseaux sociaux s’apparentent ainsi très souvent à un exutoire, à la manifestation d’une colère spontanée.



Sur le coup de l’émotion, de l’emportement, de nombreux internautes cliquent frénétiquement sur tout et n’importe quoi. Les soutiens donnés à une page le sont sans aucune connaissance des principes, des idées de cette dernière (quand il y en a). Les soutiens donnés à une page le sont sans connaitre les initiateurs et les animateurs (quand ils se présentent)… Ainsi, en observant les mentions « j’aime une page » de ses contacts, on se rend compte parfois de certaines contradictions flagrantes…



Parce que le lieu de la vitesse et de l’émotion, les réseaux sociaux sont des modes d'expressions de vindicte et d'échanges haineux. N'importe quel post sur Facebook ou Twitter, concernant la politique ou des faits divers, bascule très vite dans des propos, méprisants, insultants, dégradants. Il n'est pas rare que certains thèmes, comme l'immigration, déclenchent, dans l'impunité la plus totale, ni plus ni moins, que des appels aux meurtres.



Parce que le lieu de la vitesse et de l’émotion, les réseaux sociaux mettent à distance la raison. Les commentaires ne sont que rarement argumentés, justifiés. Sur Twitter, c’est de toute façon, impossible. Les mots sont annihilés par les vidéos, les photos, les montages, les slogans, les logos. Les « posts » publiés sur le réseau Facebook, sont toujours très courts et sont très souvent des remarques personnelles, des réactions sur le vif, et les hoax circulent, se partageant de contact en contact sans jamais la moindre vérification. Facebook est sans aucun doute dans toute l’histoire de l’humanité l’outil le plus formidable de propagation de rumeurs, le plus formidable outil de propagande jamais conçu.



Les réseaux sociaux sont aussi la formidable illustration de la cruauté humaine. Ainsi, au-delà des réactions violentes par les mots, on a droit à des images de guerre, de cadavres, d’exécutions d’otages, mais aussi gratuitement, à des vidéos de torture, de mises à mort d'animaux, (âne jeté d'une falaise, chaton brûlé vif par des adolescents hilares), ou de brimades de bandes vis à vis d'un camarade déficient mental.



Les réseaux sociaux sont aussi l'expression d'un narcissisme au degré jamais atteint. Chacun peut se mettre en scène, sur un écran. Internet et les réseaux sociaux permettent d'accomplir le fantasme de se donner en spectacle devant la foule, de se donner l’illusion d’être l’égal des vedettes des petits ou grands écrans traditionnels. Fantasme symbolisé par le fameux «coucou» à la caméra: «maman je passe à la télé». La télévision a pendant longtemps entretenu ce désir de notoriété mais sans permettre au plus grand nombre de le réaliser. Ce que la diffusion télévisée n'a pu offrir, Facebook le permet au quotidien. On écrit ses états d'âme pour attirer l'attention. On partage des moments très personnels avec des gens que l'on n'a même jamais vus, depuis les galipettes de son chat jusqu'au rot du petit dernier. L'autre versant de ce narcissisme est bien entendu la tendance humaine au voyeurisme. Là aussi Facebook assouvit pleinement cette part de la nature humaine.



Les réseaux sociaux ne sont finalement rien d'autre qu'un nouveau support où des comportements, des désirs, des fantasmes, typiques de la nature humaine s'expriment. Tout n’est, avec cette évolution technologique, qu’une question de proportion.



Tout ne serait pas négatif au royaume des réseaux sociaux. On avance l'idée qu’ils représentent l'espoir d'un monde meilleur par une meilleure diffusion des initiatives caritatives et solidaires.



Là encore, il faudrait peut-être relativiser et évoquer une certaine perversité du rôle des réseaux sociaux, de Facebook aux blogs... S'ils illustrent la générosité humaine, ils sont aussi le signe d'un désengagement de la chose publique dans les régimes démocratiques où ils sont les plus influents. L'initiative individuelle prend peu à peu le relai d'une solidarité nationale défaillante. Les réseaux sociaux ne sont finalement que les complices (volontaires ou involontaires) du système ultralibéral qui prône avant tout le désengagement de l'État et l'éradication de ce que l'on appelait l'État providence. De multiples associations de charité, pour le système capitaliste ultralibéral, cela vaut mieux qu'un organisme étatique. Les réseaux sociaux ne sont qu'un outil très pratique de diffusion des informations relatives à des initiatives généreuses assurant la disparition progressive des institutions de sécurité publique.



Les réseaux sociaux? Illustration, promesse d'un monde meilleur? Observons l'organisation et l'évolution de cette réalité numérique. Elle tend à ressembler fortement à ce que nous connaissons déjà. La logique d'un capitalisme ultralibéral se manifeste là encore avec l'hyper concentration de son économie. Les géants, Facebook, Google, rachètent tout. La moindre application à succès est avalée aussitôt par le système. A coups de milliards... un monde meilleur? Uniformité planétaire des comportements par uniformité planétaire des supports. Facebook, Google ne sont rien d'autre que Mac Donald sur un PC, un Mac, une tablette, ou un téléphone. Même logique. Mêmes caractéristiques. Mêmes conséquences.



C'est la grande force d'un système en place de faire croire à son aspect transgressif.



Finalement, Internet n'est rien d'autre qu'un vaste espace commercial tel que tous les plus fervents capitalistes n'auraient jamais pu le rêver: zone de publicité infinie et de vente permanente.



La gratuité du net n'a toujours été qu'un leurre. Le piratage, le téléchargement illégal des premiers moments n'ont été que tolérés pour mieux ancrer de nouvelles habitudes de consommation auprès des clients. L'achat en ligne permet de réduire énormément les coûts pour les grands groupes. Pas de magasin, pas d'espace de vente, moins de personnels, moins d'entretien... pour un prix de vente quasi-identique, ce qui permet une augmentation des marges. Les produits musicaux ou cinématographiques numériques proposés par Internet sont encore plus avantageux pour le vendeur puisque le support a complément disparu. Même plus de transport, même plus de livraison. Même plus de production de jaquette, de livret... C'est au consommateur de payer son propre support, stockage musical, stockage vidéo, le tout pour une qualité sonore et visuelle moindre.



Internet n'est rien d'autre qu'un supermarché où les produits, proposés avec moins de services, d'une qualité inférieure, sont quasiment vendus au même prix que dans un magasin traditionnel.



L'argent est omniprésent sur les réseaux sociaux et rien, pas même ce que vous publiez, ne vous appartient. La quasi-totalité des blogs, même personnels, comporte des publicités puisque les fournisseurs d'espaces font croire aux blogueurs qu'ils peuvent gagner de l'argent avec leurs pages en échange de quelques bannières. Les jeunes «youtubers» sont très vite rattrapés par le système et se retrouvent sponsorisés par toutes sortes de marques... Une bonne partie d'un écran Facebook est consacrée aux publications sponsorisées, aux publicités. Cette part de l’écran est générée, grâce aux cookies, par vos clics précédents sur tels ou tels liens, par vos consultations de telles ou telles pages ou par des algorithmes analysant le contenu de vos mails.



Quels sont les grands groupes du réseau? Des entreprises publicitaires auxquels on attribue de soi-disant vertus communicatives, participatives et informatives. Facebook, Google sont des programmes informatiques gratuits et selon l'adage marketing bien connu c'est que vous en êtes la cible et même le produit. Le troisième plus grand groupe est Amazon, site international de vente en ligne de tout ce qui peut s'acheter, de la littérature aux couches culottes. Et ces groupes atteignent des positions de quasi monopoles. Évolution classique du capitalisme moderne.



On fait croire que l'économie numérique est en marge, que c'est un espace qui ne suscite que peu les investissements d'une élite qui ne mesure pas encore son potentiel. Pure propagande pour toujours donner l'illusion de la particularité du réseau, pour toujours lui attribuer l'image d'un espace subversif et de liberté alors que vous y êtes en réalité surveillé en permanence et que ce qu'on y appelle liberté n'est en fait que licence et chaos. Internet, les réseaux sociaux en particulier, sont des zones de non-droit... La liberté ne consiste pas à faire ou dire tout ce que l'on veut, où l'on veut, quand on veut. La liberté suppose la loi, suppose la notion de limite. Ceci s'apprend dans les classes de lycée mais ne s'applique aucunement sur les réseaux sociaux.  



Rappelez-vous les débuts du réseau dans les années 90. Immédiatement, il a été envahi par la publicité. Très vite, le système y a vu son intérêt. Le réseau a été très vite accaparé, gangrené. Tout y a été organisé pour que son utilisateur devienne un consommateur. Tout y a été élaboré pour connaître au mieux tous ses centres d'intérêts et toutes ses habitudes pour lui faire acheter plus encore.



On remarquera pour conclure que les aventures de Monsieur Snowden n’ont finalement pas bouleversé le monde tel que nous le connaissons. Révélations, il y a eu. Certes. Internet, le numérique, allait offrir aux peuples du monde entier la vérité et provoquer un séisme politique sans précédent… Or, l’essentiel est resté secret. Le monde continue d’aller comme il va. Ceci n’a pas tué cela.


tout le monde est mon ami... 

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