Google+ Article deux: Les Nouveaux Chiens de Garde.

lundi 5 mai 2014

Les Nouveaux Chiens de Garde.

Réactions à la diffusion du film, Les nouveaux chiens de garde, par la Chaine #LCP le 4 mai 2014 à 20h30. Si vous n'avez pas vu ce film... cherchez un moyen de le voir... très vite...


On doit pouvoir adresser sans aucun doute des reproches à ce film qui s’attaque au monde des médias, et principalement à sa collusion avec le monde des affaires. Il a cependant le mérite de mettre en évidence des pratiques et des situations bien dérangeantes sur le mode de fonctionnement de ce qui est tout de même un des piliers du régime démocratique. En effet, sans une presse libre et indépendante, l’information est faussée et n’assure plus au citoyen la possibilité d’affiner son opinion, de forger ses convictions.


Cependant, « le débat » qui a suivi la diffusion du film et qui avait pour but d’apporter un éclairage sur ses thèses, jette encore un peu plus le discrédit sur un univers médiatique décidément définitivement coupé de la réalité.


Déjà, sur le plateau, les trois invités, dont Eli Cohen et Franz-Olivier Giesbert, directement mis en cause dans le film, s’entendent parfaitement pour le démonter catégoriquement. Personne n’a eu visiblement l’idée, pour l’honnêteté du « débat », d’inviter le réalisateur ou un quelconque membre de l’équipe du film.


Eli Cohen, attaqué dans le film pour son manque de clairvoyance économique, bien qu’expert en la matière, ne propose comme contre-argumentation que de s’interroger sur l’identité de l’économiste qui le met en cause : « A quel titre met-on en doute mon intégrité et mon analyse ? Qui est celui qui juge négativement mon point de vue ? ». En l’occurrence, il s’agit de Frédéric Lordon, économiste, directeur de recherche au CNRS. Mais visiblement, cela ne suffit pas pour avoir le droit d’apporter une parole différente de celle de M. Cohen.


A ce propos, à quel titre intervient donc le concerné lorsqu’il passe à la télévision ? Le téléspectateur attend avec impatience que l’animatrice interroge M. Cohen sur le fait que l’on n’évoque jamais, lorsqu’il est invité sur tous les plateaux, ses liens avec les grandes entreprises et le monde de la finance. L’attente sera vaine. On laissera M. Cohen, cependant, expliquer son temps de présence mirobolant à la télévision pour enseigner les rouages de l’économie au bon peuple : c’est tout simplement parce qu’il est un « bon client » et qu’il est un vulgarisateur de « qualité scientifique ». La science n’en sort pas grandie au regard de sa persistance dans l’erreur.


C’est dommage mais on ne s’attarde pas même une seconde sur cette persistance dans l’erreur de tous les experts économiques à la télévision, dans la presse, à la radio, depuis des décennies. Comment expliquer que tous ces spécialistes ne doivent jamais rendre aucun compte et ne subir aucune conséquence professionnelle de leurs analyses erronées ? L’animatrice n’a pas prévu cette question sur ses fiches… Un problème de temps ? Non, bien sûr : sur LCP, « on a le temps de s’exprimer mais on n’a que 30 minutes ».


Franz-Olivier Giesbert ? Le grand, l’illustre FOG lance que le film est « vieux et con. » Il n’y a pas d’argumentation à chercher. Visiblement il ne veut faire aucun effort. FOG sait pertinemment qu’il existe plusieurs catégories de citoyens. Que tous ne sont pas égaux devant le traitement de l’information. Qu’il existe aussi sur cette question un déterminisme social. Il a très bien compris que les citoyens devant leur poste, à 22h30, un dimanche, regardant La Chaine Parlementaire, sont déjà des citoyens avertis. Il ne parviendra pas à les convaincre. De toute façon, ils sont bien peu nombreux. Pas besoin visiblement de se donner du mal donc. D’ailleurs, il coupe Dominique Wolton, spécialiste des médias au CNRS. Les propos de ce dernier sont décidément trop théoriques et trop longs : « Oh, on n’est pas là pour faire un cours ! ». Autant faire son numéro de vieux dandy à la parole crue. Tout jouer sur une attitude désinvolte qu’il pense symbole de franchise. Il assène assez vite que dénoncer les manquements des journalistes et leurs connivences avec le monde de la finance s’apparente aux délations de juifs pendant la collaboration. Point Godwin. Voilà de l'argumentation bien préparée et respectueuse des téléspectateurs.


FOG et Cohen se retrouvent tous les deux en un argument imparable : preuve qu’ils ne sont pas malveillants, qu’ils ne cherchent pas à manipuler le débat pour satisfaire leurs intérêts, … les « gens » ne les écoutent pas ! Le film leur accorde finalement bien trop de pouvoir puisque leurs thèses ne pénètrent pas le bon peuple qui y résiste encore et toujours. Internet, les blogs, c’est là que tout se passe désormais et les grands médias n’ont plus aucune importance dans le débat démocratique et économique. FOG s’énerve et attribue à Internet le rôle de virus qui contamine tout. N’est-ce pas là une trahison involontaire ?


La preuve de leur honnêteté intellectuelle repose donc sur le fait que les « gens » se détournent des médias traditionnels pour chercher une autre voix et restent attachés à des principes économiques archaïques, qu’eux rejettent. Puisqu’ils n’arrivent pas à leurs fins, c’est qu’ils sont forcément innocents. Im-pa-ra-ble. Si l’on hésitait encore entre malveillance ou simple incompétence, on se dit finalement qu’il ne faut peut-être pas choisir.


L’indépendance des journalistes ? « Le débat » aborde ce point. C’est vrai que le film pose de bonnes questions, tout de même, reconnait FOG. Mais c’est un faux problème. « Le vrai pouvoir c’est bien celui du capital ». Oui, il confirme ses paroles que le film reprend. Mais il s’insurge : sa citation est tronquée. Alors il complète : Il suffit de choisir son patron. CQFD. Un journaliste qui n’est pas content de la ligne éditoriale imposée par le propriétaire n’a qu’à démissionner. Voilà. Il est indépendant. Si l’on doutait encore que certains membres de nos élites médiatiques vivent dans une autre réalité, cette sentence fogienne nous éclaire un peu plus…


Finalement, toutes ces interventions n’ont pas été inutiles. Elles ont prouvé tout ce que le film dénonce, par un tour de table qualifié de « débat », où l’on entend qu’une seule voix : Autisme, Soumission, Mainmise de certaines personnes sur l’univers médiatique de notre pays.


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