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lundi 11 novembre 2013

A quoi sert une commémoration?


Aujourd'hui, 11 novembre 2013, marque la cérémonie de l'Armistice de la Première Guerre mondiale et le lancement des commémorations liées au centenaire de celle que l'on qualifie encore de « Grande Guerre ».


La cérémonie à la télévision…


Constatons que le traitement médiatique des commémorations s'appuie de plus en plus sur l'émotion quand l'Histoire et ses conséquences (oui la guerre de 1914 explique le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui) mériteraient l'usage de la raison.


Que retenir des images et des interventions des journalistes de cette matinée cérémonielle ? Les gros plans appuyés (comme si la caméra voulait faire couler les larmes) sur le joli visage de la jeune veuve d'un de nos soldats tombé au front récemment. Des micros tendus à des personnalités pour des questions dont la plus pertinente était: « Quel sens donner à cette cérémonie? », et la plus indécente adressée à la veuve citée plus haut «  Cette journée a-t-elle une résonnance particulière pour vous ?».


Les historiens assignés à l’exercice ne sont que des cautions pour donner un peu de crédit et une bonne conscience à la retransmission spectacle. Le téléspectateur se contente finalement des bases d'un manuel de collège. Il ne faut pas s'en plaindre, c'est déjà beaucoup. Il ne faut point ennuyer et voilà pourquoi on s’amuse quelque peu dans les propos sur le plateau.


Les commentateurs ne manquent pas de relever que François Hollande profite de l'occasion pour grandir une image qui en a bien besoin en ce moment. Les commémorations sont donc des moments médiatiques comme les autres.


La cérémonie dans la rue…


Des énergumènes profitent de l’occasion pour huer le président de la République et manifester leur mécontentement politique. En agissant de la sorte elles salissent la mémoire de millions de personnes et pas seulement celles des soldats.


Elles montrent avec frayeur que la communauté nationale n’existe quasiment plus. N’y aurait-il plus aucune cause commune, plus aucun consensus en notre pays ? Pas même pour l’hommage que l’on doit à des disparus ? Ne doit-on pas se révolter devant ce manque de respect flagrant qui, concernant d’autres populations du corps social, serait à n’en pas douter qualifié de comportement de racaille ? Comment expliquer ces attitudes ? La place de l’Histoire à l’école, le rôle affaibli de l’éducation en général, le traitement médiatique des commémorations évoqué plus haut, la parole des politiques dénuée de la moindre notion de consensus depuis des décennies, et bien sûr la bêtise sont des facteurs d’explications…


Le ministre de l’Intérieur choisit d’emblée de se porter sur le terrain politique et accuse une extrême droite qui ne manquera pas dès lors de nier son rôle et en profitera pour faire parler d’elle en un jour où cela n’aurait pas du être possible.


A quoi sert une commémoration ?


On a donc oublié, en France, que les commémorations servent d’abord à honorer la mémoire des morts de guerres principalement européennes que l’on juge aujourd’hui inconcevables. On a donc oublié que les commémorations servent ensuite à nous faire réfléchir sur les enseignements que l’on peut tirer de ces massacres du XXe siècle.


L'Histoire nous lance chaque jour des avertissements que l'on ignore superbement. Des voix s’appuyant sur les expériences du passé, sur le bon sens, sur la connaissance de la nature humaine s’élèvent parfois et il faudrait pouvoir les entendre en des journées de cérémonies comme celle du 11 novembre.


Les mots de Jean Jaurès en 1914, (voir notre lien sur notre page Facebook) dans ses derniers discours pour la paix, résonnent dans nos esprits d’une bien étrange façon.


Lisons également Victor Hugo en 1867 dans le climat diplomatique tendu d’avant l’affrontement avec la Prusse, origine des conflits du XXe siècle : « Cache tes drapeaux, guerre. Sinon, toi, misère, montre tes haillons. Et confrontons les déchirures. Celles-ci s’appellent Gloire ; celles là s’appellent famine, prostitution, ruine, peste. Ceci produit cela. Assez. Est-ce que vous attaquez, Allemands ? Est-ce nous ? A qui en veut-on ? Allemands, All men, vous êtes Tous-les-Hommes. Nous vous aimons. Nous sommes vos concitoyens dans la cité Philosophie, et vous êtes nos compatriotes dans la patrie Liberté. Nous sommes, nous Européens de Paris, la même famille que vous, Européens de Berlin et de Vienne. France veut dire Affranchissement. Germanie veut dire Fraternité. Se représente-t-on le premier mot de la formule démocratique faisant la guerre au dernier ? »


Hugo fut alors moqué, raillé, taxé d’angélisme, qualifié de « poète ». Quel dommage de n’accorder du crédit qu’a posteriori…


Lisons-le encore en 1871 lors du règlement du conflit qui voit la France amputée de deux régions : « L’Histoire dira quels ont été, dans l’affreux  traité de 1871, les juges de la France. Ils ont fait une paix pleine de guerre. Ah ! les infortunés ! A cette heure, ils règnent, ils sont princes, et se croient maîtres. Ils sont heureux de tout le bonheur que peut donner une tranquillité violente ; ils ont la gloire d’un immense sang répandu ; ils se pensent invulnérables, ils sont cuirassés de toute-puissance et de néant ; ils préparent, au milieu des fêtes, dans la splendeur de leur imbécilité souveraine, la dévastation de l’avenir. ».


La paix de 1871 porte en elle les germes de 1914. Les traités de paix après 1918 portent en eux les germes de 1939. Cela laisse songeur quant au temps qu’il a fallu aux européens pour tirer les enseignements de la mémoire historique.


Pour conclure, souvenons-nous des faits et des chiffres suivants.

Dans un train près de Compiègne, à 5h du matin, le 11 novembre 1918, les belligérants décident d'un arrêt des combats. Il doit prendre effet six heures plus tard c'est à dire à 11h du matin.

Le bilan de la guerre en chiffre:

-10 millions de morts (dont 1,4 millions de Français et 2 millions d'Allemands).

-16 millions de blessés ou d'invalides.

-Une baisse de la natalité évaluée à 50%

-3 millions d'hectares dévastés en France.

-La dette publique de la France est passée de 33,5 milliards de Francs-or en 1914 à 219 milliards en 1918.

Pour la dernière journée de la guerre, on compte encore près de 10000 tués. Les généraux, bien qu'au courant du cessez le feu du matin, ont encore ordonné des opérations militaires. Le dernier soldat français tombe à 10h45. Un soldat canadien et un soldat américain tombent dans les deux dernières minutes.

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