Google+ Article deux: janvier 2013

jeudi 31 janvier 2013

Mélenchon, Robespierre, La Vendée, l’Histoire et la Télé…

Quelques remarques sur la place de l'Histoire à la télévision suite à la réaction d'un politique concernant la diffusion d'une émission sur le service public.


Mélenchon écrit à Pflimlin pour dénoncer une émission sur Robespierre

Hommes politiques et Histoire.

A une heure où l’histoire disparaît progressivement des programmes scolaires, où elle est en partie vidée de sa substance par la façon dont elle est enseignée, on remarque par la lecture d’un petit article comme celui proposé ci-dessus, qu’elle est pourtant toujours aussi importante dans l’exercice de la démocratie.

L’histoire est un enjeu politique. Elle peut devenir un outil de propagande très efficace. Elle l’a toujours été et le sera sans doute toujours. Il faut le rappeler. L’intervention d’un homme politique à propos de la diffusion d’une émission de télévision peut sembler suspecte, un début de contrôle, de censure. Pourtant, ici, le leader du front de Gauche ne semble pas demander l’interdiction de la diffusion de l’émission concernée mais un droit de réponse de la part des historiens. Cela parait beaucoup plus judicieux et constructif. Si ce droit de réponse était le point de départ d’une nouvelle émission, nous nous en réjouirions. Cela serait le moyen de constater que l’Histoire n’est pas si manichéenne que certains veulent bien le croire ou le faire croire. Il est fort à parier que sur un même plateau, à propos de la Contre-Révolution en Vendée, les spécialistes ne manqueraient pas d’avancer différents points de vue et différentes analyses.

Il est vrai que l’on ne peut que s’interroger sur la rediffusion à trois reprises en « moins d’un an » du même programme… Il faudrait regarder si tous les thèmes ont été rediffusés de la sorte. Si ce n’est le cas, il est intéressant de remarquer, dans la période trouble que nous vivons, que la Révolution française revienne inlassablement à nos oreilles.

Télévision et Histoire.

Le type d’émission dont il est question ici, L’ombre d’un doute sur France 3, Secret d’Histoire sur France 2 « évoque » des faits historiques à une époque où les émissions culturelles se font de plus en plus rares, aux heures de grande écoute, et ce malgré la multiplication des chaines. Leur seul intérêt réside dans la curiosité qu’elles peuvent éventuellement susciter chez le téléspectateur. Dans un monde idéal, ce dernier, prenant congé de Stéphane Bern ou de Franck Ferrand, se plongerait dans son dictionnaire, dans son encyclopédie, dans des ouvrages ou des revues spécialisés, afin de compléter ou de discuter les informations très parcellaires proposées.

La Télévision, c’est le royaume de l’image. L’Histoire fonde sa raison d’être dans l’écrit. L’Histoire naît avec l’écriture. Elle s’appuie sur des sources écrites ou sur des traces archéologiques. Elle demande un travail minutieux de confrontation, d’analyse, de justification. Ces émissions de télévision sont contraintes par des impératifs temporels, 52 minutes par exemple, dictés par la publicité. Elles sont contraintes par des impératifs de satisfaction : ne point trop ennuyer. Elles vont donc à l’essentiel et recherche avant tout le spectaculaire. Elles s’appuient sur des reconstitutions en costumes, sur des extraits de films, sur des promenades dans des lieux qui ne correspondent plus en rien à ceux de l’époque que l’on est censé aborder. Elles proposent des interventions de personnalités que l’on qualifie d’écrivains ou parfois d’historiens mais sans que l’on sache vraiment si elles appartiennent au cercle de l’université. C’est perturbant quant à la fiabilité des informations et points de vue avancés.

Après tout, le téléspectateur pour ces émissions, mais comme pour toutes les autres quand elles concernent la politique, l’information, la culture, est libre de douter, libre de remettre en cause ce que l’on lui assène de façon péremptoire. Il faut faire confiance à sa capacité de jugement et d’analyse. C’est ce que répondront sans aucun doute les détracteurs de la demande de M. Mélenchon.

La Vendée et le Génocide.

La guerre de Vendée en pleine Révolution française est une guerre civile. Dans toute la France, les Bleus, partisans de la Révolution, s’opposent aux Blancs, partisans de la monarchie. A partir de 1791, la question religieuse s’ajoute. Une France refuse la constitution civile du Clergé, la France « réfractaire » et une France l’accepte, la France « constitutionnelle ». La Vendée devient le symbole de la contre-révolution même si des révoltes et des combats violents ont eu lieu également en Bretagne, dans la vallée du Rhône, dans les campagnes, dans les grandes villes.

Pour Jean-Clément Martin, Professeur à l’université Paris I, auteur de nombreux ouvrages sur la Révolution et la Contre-Révolution, (La Révolution à l’œuvre, 2005, Violence et Révolution, 2006) il n’y a pas eu de génocide en Vendée. Bien sûr, il cite un discours de la convention du 1er aout 1793 qui appelle à la destruction de la Vendée. Mais dans le même discours on ajoutait qu’il fallait protéger les femmes, les enfants, les vieillards et les hommes sans armes. La Vendée était le symbole de la Contre-Révolution mais les révolutionnaires n’ont pas cherché à identifier un peuple pour l’annihiler.

Les atrocités, pour l’historien, commises de part et d’autre (les ravages des Vendéens sont moindres tout de même), relèvent des crimes de guerre. Et ce genre d’accusation pourrait être porté sur des généraux en charge de la répression dans d’autres régions françaises. Pas seulement sur les Vendéens.

Les violences s’expliquent principalement selon les historiens par le fait qu’en 1793-1794 la faiblesse de l’Etat atteint son paroxysme. Les soldats ne sont plus encadrés par un Etat. La Guerre civile correspond à une perte d’autorité du gouvernement, donc à l’absence totale de contrôle des troupes. Carrier, le représentant de la Convention à Nantes, est responsable de la disparition de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Turreau, le général en chef, organise des « colonnes infernales » et dévaste la région. Ces deux hommes échappent à toute direction de la Convention. Le Comité de salut public crée en avril 1793 ne contrôle pas grand-chose avant mars 1794. Au printemps 1794, quand le Comité de salut public avec Robespierre en son sein concentre le pouvoir central, les exactions prennent fin. Carrier est rappelé à Paris, est jugé et exécuté.

On peut lire une interview de Jean-Clément Martin consacrée à la Vendée dans le numéro spécial de l’Histoire de juillet-Aout 2006 : « la guerre civile, 2000 ans de combats fratricides ».

mardi 29 janvier 2013

Les privilégiés des temps modernes?

  Lors d'une récente émission de télévision, l'acteur G. Lanvin s'est écrié: "J'emmerde ces connards de journalistes".


Quelques remarques:

C’est beau cette candeur : découvrir le métier de critique, comme cela, à 62 ans, quand on est acteur…

C’est beau cette franchise, ce franc-parler : joindre le geste à la parole comme cela devant des millions de personnes.

C’est beau ces commentaires sur une telle intervention : se faire qualifier « d’homme libre » parce que l’on insulte ouvertement quelqu’un qui émet une opinion, un avis, sur un travail artistique.
Ne soyons pas dupe. Tout cela fait désormais partie du jeu. C’est le seul moyen que certains artistes ont trouvé pour « faire parler » d’eux. Il s’agit de créer un peu de « Buzz » pour que la promotion d’un film puisse décoller un peu…

On évoque donc la sincérité de ce personnage quand en fait il n’est que dans une posture très préparée, très orchestrée… C’est une manipulation qui aurait du être dénoncée par le journaliste intègre et d’expérience qu’est Michel Drucker.
Le public est-il si naïf ? Quelqu’un pourrait-il fournir le nombre d’entrées du dernier film de Monsieur De Par Dieu distribué dans près de 250 salles ?
Cela peut paraître anecdotique, et cette réaction de  M. Lanvin, et ne devrait susciter aucune réaction, mais ce genre d’attitude est tout de même finalement très révélateur de notre époque. Une réflexion vient :
Les acteurs, les gens du spectacle, les personnalités médiatiques en général, ne sont-ils pas les représentants d’une classe de privilégiés au sens historique, c'est-à-dire telle que celle des siècles de l’époque moderne, des XVIe au XVIIIe siècle ?

Ils jouissent de la notoriété. Ils apparaissent comme des modèles auxquels on doit le respect. Une classe qui suscite les envies, le rêve d’y appartenir.
Ils jouissent, pour les plus « Grands » (autre terme de l’époque moderne) de fortunes considérables qui les déconnectent totalement des réalités.

Ils se reproduisent entre eux et fondent leur existence sur le privilège de la naissance.
Ils font preuve d’un esprit de corps très marqué. Il suffit de voir leurs réactions lorsque l’un d’entre eux est « vilipendé ».

Ils assènent des règles de morales et de bonne conduite au bon peuple mais sans jamais se les appliquer.
Ils ne connaissent jamais l’échec. Ils sont infaillibles. Ils peuvent éternellement se tromper, et pourtant avoir toujours la possibilité d’asséner leurs points de vue pour les chroniqueurs. Ils peuvent continuer à profiter de cachets exorbitants alors que le succès les fuit depuis des années pour des chanteurs ou des acteurs

Ils sont au dessus des lois. Leur notoriété leur assurant des droits différents. Il faut voir ceux qui sont arrêtés en excès de vitesse, en possession de substances illicites, ceux qui usent de la diffamation comme moyen d’expression et qui n’ont pas les mêmes traitements que le citoyen commun.
Ils sont en totale collusion avec le pouvoir politique et en obtiennent des facilités.

Et surtout, et c’est là, peut-être, le trait le plus caractéristique d’une ressemblance avec l’Ancien Régime, ils refusent toute espèce de remise en cause de leurs privilèges : Ils accusent de jalousie et de bassesse ceux qui mettent en évidence leurs actes déplacés ou le placement de leurs progénitures. Ils refusent de se plier aux mêmes règles que les communes personnes. Ils invectivent lorsque l’on doute de leurs performances artistiques. Ils s’exilent lorsque les circonstances ne leur sont plus favorables pour économiser quelque million sur les centaines qu’ils possèdent. Ils mettent en avant leur caractère, leur personnalité pour justifier ou pour défendre leur comportement alors que le commun des mortels, lui, doit assumer ses devoirs et faire preuve de responsabilités.

vendredi 25 janvier 2013

Retour aux sources...?

A une heure où il est de plus en plus urgent de s'interroger sur le mode de fonctionnement de notre régime dit "démocratique", voici un petit retour dans le passé avec les premières expériences à Athènes... On y trouve notamment la notion de tirage au sort, et de la limite des "mandats" pour permettre la participation de tous les citoyens à la vie politique et à ses responsabilités... Voici l'Isonomie. 


A la fin du VIe siècle et au début du Ve avant J.C., la situation est confuse à Athènes. La tyrannie est chassée et la question du nouveau régime se pose. Un courant mené par Isagoras et les Spartiates cherchent à instaurer une oligarchie sur la cité. C'est cependant le réformateur Clisthène qui parvient à imposer ses vues. Il veut donner plus de pouvoirs au « demos », le peuple.

Le territoire de la cité est divisé en 3 ensembles. La ville, le bord de mer, et l’intérieur des terres. A 18 ans, les citoyens sont rattachés à des « dèmes », des circonscriptions elles-mêmes réparties en 10 tribus au nombre quasi identiques de citoyens. Ces 10 tribus vont servir de cadres à l’ensemble des institutions politiques.

Un conseil des cinq-cents est composé avec cinquante membres par tribus. Ils sont tirés au sort parmi les volontaires de plus de trente ans. Nul ne pourra en faire partie plus de deux fois dans sa vie. Ce conseil a un rôle fondamental dans la préparation des séances de l’Assemblée. Pour plus d’efficacité le Conseil cessera de fonctionner au complet et seuls cinquante membres d’une tribu restent en fonction permanente pendant un dixième de l’année.

Toutes les réformes de Clisthène tendent à instaurer un régime isonomique : une égalité par la loi en même temps que devant la loi. Chacun a vocation à participer à la vie et aux responsabilités politiques et toute affaire concernant la collectivité doit être débattue en public. A l’Assemblée, le vote individuel place tout citoyen en situation responsable. Ceux qui sont investis sont contraints de rendre des comptes, de subir le jugement de tous les concitoyens.

La démocratie s’annonce, même si le terme n’existe pas encore. Cette égalité pouvait fonctionner à condition que le groupe de citoyens soit restreint. Les femmes, les étrangers, et les esclaves qui permettent aux citoyens de se libérer de leurs activités professionnelles, ne sont pas concernés par cette participation à la vie politique de la cité.



jeudi 24 janvier 2013

1945 à 1973. En 7 minutes...


1945. Le monde est en fête. Dans l’allégresse et la joie, partout, on célèbre le formidable élan meurtrier dont l’homme a été capable en moins d’une dizaine d’années. Grâce à toutes les façons possibles, les plus inédites et les moins imaginables pour donner la mort, tous les records détenus par la grande époque 1914-1918 sont dépassés. On arrondit sommairement dans les manuels à 50 millions d’individus tués. 75% sont européens dont 20 millions de Soviétiques. Les victimes civiles s’élèvent à 25 millions dont 5 à 6 millions pour les Juifs dans les camps d’extermination. (La Grande guerre de 1914 qui ne mérite décidément plus son qualificatif atteint des chiffres entre 8 et 10 millions de soldats).

1945 donc. Le bien l’emporte sur le mal. La Liberté triomphe et la barbarie est écrasée. Deux Grands émergent parmi les Alliés vainqueurs du Nazisme : Les Etats-Unis et l’URSS. Les idéologies reprennent vite le dessus et les antagonismes s’affirment devant la disparition de l’ennemi commun. A l’Ouest, le Capitalisme et le Libéralisme, à l’Est, Le Communisme. Commence doucement une Guerre qu’on dit Froide parce que l’on ne se bat pas directement à l’inverse d’une vraie Guerre où l’on sent la chaleur du sang. Les deux grands vont s’évertuer à étendre leur zone d’influence un peu partout jusqu’à générer des conflits indirects mais sans jamais oser y aller frontalement parce que l’on se craint trop… (On a vu les capacités destructrices des nouveaux jouets au Japon par deux fois).
Si la mainmise de l’Oncle Sam sur les pays d’Europe de l’Ouest semble acquise, l’Europe de l’Est, elle, voit l’Armée Rouge prendre ses quartiers…
En France, on craint le basculement du bon peuple vers le modèle soviétique. Alors on décide pour détourner son regard de lui proposer quelques avancées sociales significatives : Sécurité Sociale, SMIG, 3ème semaine de congés payés, par exemple,…
Après la fête, il faut toujours tout ranger et nettoyer. Après la guerre, il faut tout reconstruire et réparer. Les bombardements à grande échelle de populations civiles sagement cachées dans leur cave ont été une des grandes nouveautés du conflit. Les villes ont donc été rasées. Reconstruire cela demande des bras. Or on en manque désormais. Donc, on appelle à la rescousse des populations des lointaines colonies. Elles étaient déjà venues prêter main forte en uniforme, elles décident d’enfiler désormais les bleus de travail pour la victorieuse Métropole.
Certains colonisés décident de rester chez eux et se disent que finalement la Métropole n’est pas si glorieuse et si puissante que cela. En plus, les Européens avaient malencontreusement lancé quelques promesses d’émancipation en échange de bons et loyaux services. Donc, on réclame, dans les colonies, après tout les Européens se sont suffisamment entretués pour elle, la liberté… Voilà la Décolonisation qui se profile. La valeur suprême d’un Européen, la liberté, ne serait-elle pas bonne pour un Africain ou un Indien ? La réponse à cette question étant décidément bien peu évidente, il fallut bien envoyer, dans les années 50-60, quelques troupes, aux quatre coins du monde, afin de défendre le droit que l’Européen avait d’imposer encore ses volontés aux peuples qu’il avait déjà exploités si longtemps. On en profite donc pour faire découvrir aux plus jeunes générations l'exaltation de l'angoisse d'être appelé au front et de la peur de mourir loin de chez soi dans d'atroces souffrances pour ce que l'on n'ose appeler "guerre", au regard des opérations militaires de 39-45, mais plutôt "maintien de l'ordre".  
Les mouvements d’indépendance, au loin chez les anciens peuples soumis vont être, avec la Guerre Froide, dans une mesure moindre , une source d’inquiétude relative et constante, dans une période heureusement par ailleurs propice au bonheur et à la prospérité inégalée…
En effet, 1945, par l’obligation de réparation-reconstruction, marque le début d’une période d’exception : « Les trente Glorieuses » et « le baby boom ». On produit. On fait des bébés. On consomme. On fait des bébés qui consomment et qui produisent. L’adage populaire, qui avance que « ce qu’il nous faut de temps en temps c’est une bonne guerre », semble encore une fois se vérifier…
Les matières premières sont peu chères. Les pays riches les achètent pour rien à des pays pauvres. Les processus de fabrication sont plus performants pour mettre sur les marchés des biens nouveaux dont les populations s’équipent avidement comme la radio et la télévision qui encensent par la publicité le bonheur de consommer. En plus, l’Etat providence est là en cas de pépin avec ses protections sociales… Donc on ne se prive pas et on consomme encore et toujours. Le commerce et les loisirs sont les grands gagnants. Tout est de masse : Consommation de masse, Culture de masse, Tourisme de masse. Ajoutons, gaspillage de masse, pollution de masse, écarts de masse entre les pays riches et les pays pauvres, et entre les bénéficiaires et les exclus de la croissance. Mais ça, on n’en parle pas trop dans les médias de masse.
On parle d’autre chose. Le Bloc communiste qui s’affuble d’un rideau de fer effraye de plus en plus. Les Etats-Unis jouent le pouvoir doux par l’intermédiaire du cinéma, de la télévision, et propagent « l’American way of life » pour asseoir la supériorité de leur système : Cigarettes, Chewing-Gum, Voitures, Soda, Hollywood, Mickey,…  Il faut bien s’amuser, se détendre après les périodes sombres que l‘on vient de vivre et puis en profiter surtout avant la fin du monde qui semble par moments de plus en plus proche… II n’est  pas bon faire un petit tour à Cuba ou à Berlin au début des années 60 par exemple.
Les populations occidentales s’uniformisent dans des pratiques consommatrices, imitées du cousin d’Amérique, pendant qu’au niveau diplomatique, entre les deux grands, la terreur s’équilibre finalement. Chaque camp a la capacité de détruire plusieurs fois la planète avec son arsenal de missiles et l’on se rend compte en 1961-1962 qu’il vaut mieux continuer de se jauger le plus longtemps possible avec respect…  -ou irrespect cela dépend-… ou bien encore de faire la course à celui qui sera le premier à se propulser hors de l’atmosphère terrestre pendant que des millions de gens meurent pourtant toujours de faim un peu partout sur les sols non occidentaux...
Les années 60, justement voient la frénésie consommatrice se calmer un peu mais on est décidément tout à son bonheur et l’on n’y prête guère attention. On continue de produire, produire, produire mais on ne consomme plus autant. Déjà, on ne fait plus autant de bébés… En plus, les foyers ne voient pas l’intérêt d’acheter plusieurs réfrigérateurs, plusieurs machines à laver, plusieurs..., plusieurs..., plusieurs… (on y remédiera plus tard). Ces produits ont un grave inconvénient : ils durent… (ça aussi on y remédiera plus tard). En plus encore, le bon peuple, toujours un peu raisonnable, réduit ses achats pendant les périodes de remboursement d’un éventuel crédit (on y remédiera aussi plus tard).
Au passage, le crédit est une pratique extraordinaire qui prend de plus en plus d’importance dans cette période : C’est la possibilité d’acheter plus cher des produits dont on n’a généralement pas besoin avec de l’argent que l’on n’a pas… Cette pratique s’avère très utile puisqu’elle permet à la consommation de se maintenir toujours et encore.
Donc, la surproduction menace mais jusqu’ici tout va bien : un ralentissement dans la croissance frénétique, cela ne se voit pas trop. Quelques dérèglements monétaires, les Etats-Unis s’amusent avec leur monnaie, viennent au début des années 70 jeter quelques grimaces sur les visages satisfaits des maîtres du monde occidental mais jusqu’ici tout va pour le mieux encore… D’autant que l’Ogre soviétique s’enferme toujours autant dans son mutisme depuis qu’il a perdu la lune.
La Glorieuse année 1973 s’annonce finalement sous des auspices plutôt favorables…

lundi 14 janvier 2013

14 janvier 1914. Le travail change définitivement de sens.

Depuis le mois d’août 1913, l’industriel automobile Henry Ford expérimente le montage à la chaîne. Le travail est parcellisé. L’ouvrier reste à son poste et les pièces défilent devant lui. L’assemblage se réduit désormais à une série de gestes répétitifs et simples.


Dès le mois de janvier 1914, avec l’instauration de la première usine de ce type ; la productivité est multipliée par quatre. Le temps de montage du modèle Ford « t »passe de 6 heures à 1h30.


Le monde du travail, pour ne pas dire le monde tout simplement, change radicalement avec la généralisation de ce mode de production. La production de masse devient possible. La société de consommation devient une réalité.


Plus important, ce mode de production éloigne le travail de l’idée d’humanisation qu’il sous-entend. En effet, l’homme se réalise par ce qu’il accomplit. Il est conscient de ce qu’il a construit, de ce qu’il a transformé, de ce qu’il a proposé et ressent une forme d’utilité propre à le définir dans la communauté. Or, le travail à la chaîne par son organisation, sa simplification, sa répétition retire toute fierté à l’ouvrier qui, pour entreprendre sa tâche n’a, de plus, aucun besoin de qualification. Il n’est plus qu’un maillon. Il n’a plus de savoir-faire et peut être remplacé à n’importe quel moment.


Avec ce mode inédit de production, dans les premières décennies du XXe siècle, le travail s’affirme de plus en plus comme la meilleure des polices. A la fatigue que le travail a toujours supposée s’ajoute désormais une dévalorisation des capacités intellectuelles du travailleur.


D’un point de vue économique, la diminution du temps de travail, les richesses produites en masse, l’accroissement des profits réalisés, n’ont pas fait disparaître, loin s’en faut, les crises du modèle capitaliste. Et si la résolution des problèmes ne résidait pas uniquement dans les conditions de productions mais dans d’autres facteurs comme la répartition des richesses par exemple ?


C’est une question que l’on peut se poser…

dimanche 6 janvier 2013

Réhabilitation de l'esclavage ou Perpétuation...?

C'est à ce prix que nous envoyons des sms en Europe...  Les ravages de TINA... There Is No Alternative... Vraiment?


Voir:
Reportage concernant la fabrication de l'IPhone 5.
Cette situation est-elle nouvelle? Voici un extrait du conte philosophique intitulé Candide ou l'Optimisme publié en 1759 par Voltaire.  

Candide est un jeune homme naïf, qui, chassé du château dans lequel il vivait, découvre la réalité du monde. Il n’avait eu jusque là que les leçons de son précepteur, Pangloss, répétant sans cesse que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possible », pour se faire une image de l’existence humaine. Candide, après bien des aventures, se retrouve en Amérique du Sud.

En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite.

-"Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l'état horrible où je te vois ?

- J'attends mon maître, monsieur Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre.

- Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi ?

- Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : "Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux ; tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère." Hélas ! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes, les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible.

- Ô Pangloss ! s'écria Candide, tu n'avais pas deviné cette abomination ; c'en est fait, il faudra qu'à la fin je renonce à ton optimisme.

- Qu'est-ce qu'optimisme ? disait Cacambo.

- Hélas ! dit Candide, c'est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal."

Et il versait des larmes en regardant son nègre, et, en pleurant, il entra dans le Surinam.

Voltaire, Candide, « le nègre du Surinam », 1759,