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jeudi 24 janvier 2013

1945 à 1973. En 7 minutes...


1945. Le monde est en fête. Dans l’allégresse et la joie, partout, on célèbre le formidable élan meurtrier dont l’homme a été capable en moins d’une dizaine d’années. Grâce à toutes les façons possibles, les plus inédites et les moins imaginables pour donner la mort, tous les records détenus par la grande époque 1914-1918 sont dépassés. On arrondit sommairement dans les manuels à 50 millions d’individus tués. 75% sont européens dont 20 millions de Soviétiques. Les victimes civiles s’élèvent à 25 millions dont 5 à 6 millions pour les Juifs dans les camps d’extermination. (La Grande guerre de 1914 qui ne mérite décidément plus son qualificatif atteint des chiffres entre 8 et 10 millions de soldats).

1945 donc. Le bien l’emporte sur le mal. La Liberté triomphe et la barbarie est écrasée. Deux Grands émergent parmi les Alliés vainqueurs du Nazisme : Les Etats-Unis et l’URSS. Les idéologies reprennent vite le dessus et les antagonismes s’affirment devant la disparition de l’ennemi commun. A l’Ouest, le Capitalisme et le Libéralisme, à l’Est, Le Communisme. Commence doucement une Guerre qu’on dit Froide parce que l’on ne se bat pas directement à l’inverse d’une vraie Guerre où l’on sent la chaleur du sang. Les deux grands vont s’évertuer à étendre leur zone d’influence un peu partout jusqu’à générer des conflits indirects mais sans jamais oser y aller frontalement parce que l’on se craint trop… (On a vu les capacités destructrices des nouveaux jouets au Japon par deux fois).
Si la mainmise de l’Oncle Sam sur les pays d’Europe de l’Ouest semble acquise, l’Europe de l’Est, elle, voit l’Armée Rouge prendre ses quartiers…
En France, on craint le basculement du bon peuple vers le modèle soviétique. Alors on décide pour détourner son regard de lui proposer quelques avancées sociales significatives : Sécurité Sociale, SMIG, 3ème semaine de congés payés, par exemple,…
Après la fête, il faut toujours tout ranger et nettoyer. Après la guerre, il faut tout reconstruire et réparer. Les bombardements à grande échelle de populations civiles sagement cachées dans leur cave ont été une des grandes nouveautés du conflit. Les villes ont donc été rasées. Reconstruire cela demande des bras. Or on en manque désormais. Donc, on appelle à la rescousse des populations des lointaines colonies. Elles étaient déjà venues prêter main forte en uniforme, elles décident d’enfiler désormais les bleus de travail pour la victorieuse Métropole.
Certains colonisés décident de rester chez eux et se disent que finalement la Métropole n’est pas si glorieuse et si puissante que cela. En plus, les Européens avaient malencontreusement lancé quelques promesses d’émancipation en échange de bons et loyaux services. Donc, on réclame, dans les colonies, après tout les Européens se sont suffisamment entretués pour elle, la liberté… Voilà la Décolonisation qui se profile. La valeur suprême d’un Européen, la liberté, ne serait-elle pas bonne pour un Africain ou un Indien ? La réponse à cette question étant décidément bien peu évidente, il fallut bien envoyer, dans les années 50-60, quelques troupes, aux quatre coins du monde, afin de défendre le droit que l’Européen avait d’imposer encore ses volontés aux peuples qu’il avait déjà exploités si longtemps. On en profite donc pour faire découvrir aux plus jeunes générations l'exaltation de l'angoisse d'être appelé au front et de la peur de mourir loin de chez soi dans d'atroces souffrances pour ce que l'on n'ose appeler "guerre", au regard des opérations militaires de 39-45, mais plutôt "maintien de l'ordre".  
Les mouvements d’indépendance, au loin chez les anciens peuples soumis vont être, avec la Guerre Froide, dans une mesure moindre , une source d’inquiétude relative et constante, dans une période heureusement par ailleurs propice au bonheur et à la prospérité inégalée…
En effet, 1945, par l’obligation de réparation-reconstruction, marque le début d’une période d’exception : « Les trente Glorieuses » et « le baby boom ». On produit. On fait des bébés. On consomme. On fait des bébés qui consomment et qui produisent. L’adage populaire, qui avance que « ce qu’il nous faut de temps en temps c’est une bonne guerre », semble encore une fois se vérifier…
Les matières premières sont peu chères. Les pays riches les achètent pour rien à des pays pauvres. Les processus de fabrication sont plus performants pour mettre sur les marchés des biens nouveaux dont les populations s’équipent avidement comme la radio et la télévision qui encensent par la publicité le bonheur de consommer. En plus, l’Etat providence est là en cas de pépin avec ses protections sociales… Donc on ne se prive pas et on consomme encore et toujours. Le commerce et les loisirs sont les grands gagnants. Tout est de masse : Consommation de masse, Culture de masse, Tourisme de masse. Ajoutons, gaspillage de masse, pollution de masse, écarts de masse entre les pays riches et les pays pauvres, et entre les bénéficiaires et les exclus de la croissance. Mais ça, on n’en parle pas trop dans les médias de masse.
On parle d’autre chose. Le Bloc communiste qui s’affuble d’un rideau de fer effraye de plus en plus. Les Etats-Unis jouent le pouvoir doux par l’intermédiaire du cinéma, de la télévision, et propagent « l’American way of life » pour asseoir la supériorité de leur système : Cigarettes, Chewing-Gum, Voitures, Soda, Hollywood, Mickey,…  Il faut bien s’amuser, se détendre après les périodes sombres que l‘on vient de vivre et puis en profiter surtout avant la fin du monde qui semble par moments de plus en plus proche… II n’est  pas bon faire un petit tour à Cuba ou à Berlin au début des années 60 par exemple.
Les populations occidentales s’uniformisent dans des pratiques consommatrices, imitées du cousin d’Amérique, pendant qu’au niveau diplomatique, entre les deux grands, la terreur s’équilibre finalement. Chaque camp a la capacité de détruire plusieurs fois la planète avec son arsenal de missiles et l’on se rend compte en 1961-1962 qu’il vaut mieux continuer de se jauger le plus longtemps possible avec respect…  -ou irrespect cela dépend-… ou bien encore de faire la course à celui qui sera le premier à se propulser hors de l’atmosphère terrestre pendant que des millions de gens meurent pourtant toujours de faim un peu partout sur les sols non occidentaux...
Les années 60, justement voient la frénésie consommatrice se calmer un peu mais on est décidément tout à son bonheur et l’on n’y prête guère attention. On continue de produire, produire, produire mais on ne consomme plus autant. Déjà, on ne fait plus autant de bébés… En plus, les foyers ne voient pas l’intérêt d’acheter plusieurs réfrigérateurs, plusieurs machines à laver, plusieurs..., plusieurs..., plusieurs… (on y remédiera plus tard). Ces produits ont un grave inconvénient : ils durent… (ça aussi on y remédiera plus tard). En plus encore, le bon peuple, toujours un peu raisonnable, réduit ses achats pendant les périodes de remboursement d’un éventuel crédit (on y remédiera aussi plus tard).
Au passage, le crédit est une pratique extraordinaire qui prend de plus en plus d’importance dans cette période : C’est la possibilité d’acheter plus cher des produits dont on n’a généralement pas besoin avec de l’argent que l’on n’a pas… Cette pratique s’avère très utile puisqu’elle permet à la consommation de se maintenir toujours et encore.
Donc, la surproduction menace mais jusqu’ici tout va bien : un ralentissement dans la croissance frénétique, cela ne se voit pas trop. Quelques dérèglements monétaires, les Etats-Unis s’amusent avec leur monnaie, viennent au début des années 70 jeter quelques grimaces sur les visages satisfaits des maîtres du monde occidental mais jusqu’ici tout va pour le mieux encore… D’autant que l’Ogre soviétique s’enferme toujours autant dans son mutisme depuis qu’il a perdu la lune.
La Glorieuse année 1973 s’annonce finalement sous des auspices plutôt favorables…

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