Assister
à la représentation, d’une pièce classique ou originale, par une compagnie
d’amateurs (le mot n’est pas péjoratif bien au contraire) est toujours le moyen
de se rassurer sur le plan culturel :
Non,
le talent n’est décidément pas héréditaire et l’on peut prendre un plaisir
immense à découvrir ou redécouvrir des œuvres alors que l’affiche ne comporte
aucun nom de « fils de » ou « fille de »…
Oui,
le théâtre est bien un genre littéraire à part puisqu’il suppose une
re-création permanente des textes des plus grands dramaturges que l’on adapte,
que l’on modernise, pour proposer des lectures et des interprétations
personnelles et courageuses. Et nul besoin d’avoir une renommée germanopratine
pour s’approprier les auteurs classiques tout en leur témoignant le plus grand
des respects.
Oui,
avec peu de moyens et beaucoup d’énergie, de travail, de volonté, on peut
proposer des spectacles d’une qualité qui n’a rien à envier aux grandes salles
subventionnées et aux âmes comédiennes bien nées.
La Nuit des Rois de William Shakespeare
par la Compagnie Icare est une nouvelle preuve de ces quelques remarques.
La
mise en scène illustre parfaitement d’emblée la fameuse phrase du dramaturge
« All the world is a stage », (la vie est un théâtre, notre quotidien
est une scène), puisque la pièce est déjà commencée lorsque l’on pénètre dans
la salle. Tentative astucieuse de briser la frontière entre le spectacle et la
réalité. L’Illyrie, lieu de l’intrigue, devient une discothèque, lieu de fête,
de musique, d’alcool, de débauche et d’intrigues amoureuses. Jumeaux séparés
par un naufrage. Quiproquo sur l’identité des personnages. Séductions
amoureuses. Vilains tours pour ridiculiser les méchants et les benêts… Tous les
ressorts de la comédie sont magnifiquement interprétés par cette troupe où tous
les comédiens se montrent à la hauteur des exigences du texte.
Mention
particulière cependant à deux rôles : ceux de Malvolio et de Feste, le
fou. Monologue et bouleversement psychologique majeur pour le premier,
anticonformisme, jeu sur le langage et chant pour le deuxième. Deux rôles qui
n’ont rien de secondaires par leurs difficultés respectives et dont les
comédiens se tirent magnifiquement. Le duo des parasites fêtards, Toby et
Andrew, donne une interprétation haute en couleur qui assure bien sa fonction
principale, faire rire. Les suivants manipulateurs, Fabien et Maria, se
démarquent également et confirment l’impression que les intrigues secondaires
donnent finalement l’intérêt majeur de cette représentation. Choix du metteur
en scène ? L’important ne serait pas où l’on croit ? Sens qui nous
trompent ? Jeux de dupes ? Illusions théâtrales ?
Avouons
en effet que l’intrigue principale des jumeaux séparés (Viola-Sébastien) et des
amours de Viola déguisé en Cesario, du Duc Orsino, et d’Olivia, aurait mérité,
au vue de la qualité de l’interprétation, quelques trouvailles de mise en scène
propres à illustrer la notion du double, du travestissement, de l’imagination,
de la passion amoureuse… Mais
l’essentiel est là. Le plaisir est atteint et l’on attend de pied ferme la
prochaine adaptation de cette troupe talentueuse.
Le
théâtre appartient à tous. Le spectacle est partout. Sortez des sentiers battus.
Eloignez-vous des affiches majeures. Le plaisir, la découverte, les
interprétations et les analyses n’en sont pas moindres…
B.H.
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