Raphaël Enthoven anime sur France
Culture une émission intitulée le Gai savoir. Il y est question de littérature,
de philosophie. Pendant une heure, on profite de lectures d'extraits et des
commentaires du philosophe accompagné d'une jeune femme, Paola Raiman qui
semble jouer le rôle de faire-valoir indispensable à une émission qui se
propose comme un dialogue philosophique.
Comme tous ses camarades qui
osent se montrer dans les médias et notamment à la télévision, Raphaël Enthoven
essuie des critiques. C'est inévitable. Tant sur le fond, points de vue,
interprétations, et c'est plutôt sain, que sur la forme, phrasé, tics de
langage, manière, c'est un peu plus discutable, mais après tout...
Les émissions culturelles sur les
ondes publiques ne sont pas légion, alors je dois avouer que je prends du
plaisir à écouter, pendant une heure sans interruption publicitaire, disserter
sur quelques pages de Victor Hugo, de Montaigne, ou Camus...
Il ne faut pas se plaindre du
mépris de la culture dans les médias, critiquer sans cesse son absence, la part
belle donnée aux ineptes jeux ou émissions de télé réalité, et cracher sur ceux
qui s'évertuent à résister, à tirer encore le public vers le haut. Bref. Je
préfère Enthoven à Hanouna.
Or, dans le cadre d'une de ses
récentes émissions consacrée à Tocqueville et pour illustrer les propos de ce
dernier sur le régime démocratique, le talentueux Raphaël a pris le parti de
diffuser un extrait d'une critique d'un «Youtuber» auto proclamé expert
cinématographique, Durendal.
Le lien vers l'émission: Le Gai savoir. Un notre est-il possible? 21 décembre 2014
Il s'agissait de proposer un
exemple concret à la démonstration de «l'abaissement généralisé des âmes.»
Les réactions furent, aux dires
du sieur Raphaël, d'une ampleur et d'une violence jamais atteintes
jusqu'alors... On reproche principalement aux animateurs de l'émission d'avoir
osé jeter en pâture sur les grandes ondes un pauvre jeune garçon, représentant
méritant d'un média inédit, innovant, iconoclaste et libertaire, YouTube, comme
ça, gratuitement, sans retenue, pour le plaisir de nuire, par jalousie
médiatique, par crainte de se voir délester de leur emprise intellectuelle sur
le bon peuple, eux les représentants d'une caste élitiste et d'un média du
passé et aux abois...
Il ne s'agit pas ici de rentrer
dans la comparaison puérile entre les deux camps: «C'est lui qui a commencé».
«Si un youtuber obscur peut insulter, appeler à la mort quiconque lui déplaît
alors il doit accepter de recevoir verte remarque en retour». «Les mots du
premier sont plus violents que ceux du second». ... Tout cela a déjà été fait.
Lisez les commentaires de l'émission.
Mais il faut bien constater le
choc générationnel, le choc culturel, technologique aussi, de deux univers qui
ne pouvaient auparavant se rencontrer. Presse, radio, télévision ne permettaient
pas de confrontation directe de ce type entre des représentants de divisions
aussi éloignées l'une de l'autre.
Et il faut bien constater que la
démonstration radiophonique du philosophe est finalement très convaincante. La
deuxième émission, (qui avait été annoncée, on ne peut donc taxer maître
Enthoven de droit de réponse et de vengeance offerte par le service public),
illustre avec encore plus de force la validité des thèses de Tocqueville.
Le Gai Savoir. La tyrannie de la majorité. 8 février 2015
Notons d'ailleurs que le docte
Raphaël semble bien concevoir à quoi il s'expose. Il relève d'emblée qu'il «est
contaminé par cet abaissement général des âmes» en citant Durendal. Il se
baisse et met les mains dans la boue pour mieux donner à la voir à ses
contemporains. Et il est difficile ensuite de se débarrasser de la souillure...
On pourrait avancer que Raphaël
Enthoven, du fait de sa position, de son savoir, aurait dû faire preuve de plus
de responsabilités... Et peut-être se taire... Ne pas donner de l'audience à la
«bave du crapaud». C'est recevable. L'argumentation en aurait été moins
puissante tout de même. Et puis... il faudrait donc que la supériorité
intellectuelle abdique? Les universitaires, et notamment ceux issus des
sciences humaines, ne sont-ils pas déjà assez silencieux? Quand est-il donné à
entendre à des heures décentes des exposés sur nos grands auteurs? Sont-ils
nombreux dans les cabinets ministériels à offrir leurs connaissances au bien
public? Quand use-t-on de l'histoire, de la littérature, et de la philosophie,
concrètement, pour l'amélioration du cadre de vie commun? Et il faudrait qu'ils
se taisent? Devant la facilité? Devant la méchanceté gratuite? Devant la
jeunesse juste parce qu'elle est jeune?
Cet abaissement généralisé des
âmes ne date pas d'hier. Tout ceci n'est pas le fait d'internet. Voilà bien
longtemps que la télévision avait préparé le terrain. Internet, les réseaux
sociaux ne font qu'amplifier le phénomène. Depuis des années, la télévision a
tout nivelé. Tout est traité de la même façon. Le format ultime et niveleur est
le journal télévisé. La grande formule indémodable «sans transition» le prouve
à elle seule. Le football se trouve sur le même plan que la diplomatie. Un
scientifique nobelisé jouxte un acteur de comédie à succès. Le temps qu'il fait
ou qu'il va faire occupe autant si ce n'est plus d'espace que la destinée
politique du pays. Et la publicité cadre, rythme l'ensemble. On a plus le désir
de vendre que l'on ne veut réellement informer. (Au passage, Internet n'est-il
pas dans la même logique? YouTube est également un support publicitaire. J'ai
cru comprendre que le surnommé Durendal lançait un modèle payant pour son
activité...)
Les émissions télévisées ne sont
plus spécialisées depuis longtemps. Tout le monde s'assoit autour d'une table
et donne son avis sur tout. Le conflit Israël-Palestine est abordé par le
philosophe puis par l'actrice oscarisée. Les institutions politiques d'une
éventuelle VIème République sont traitées par le candidat d'un parti et par un
chanteur à un succès....
Je l'avoue. Je me sens concerné
par cette problématique Durendal-Enthoven. Parce que je me rends compte, avec
ce blog, que je participe aussi à l'abaissement généralisé des âmes. J'ai
souvent mauvaise conscience. Internet, ce média formidable, me donne le moyen de
m'exprimer. Je le prends. Je ne suis pas agrégé. Je suis simplement titulaire
de ce que l'on appelait dans un ancien temps, une maîtrise. Mon audience est
limitée et me chagrine parfois. Oui, j'ai de l'amour propre, comme tout le
monde. Mais je fais de mon mieux à mon modeste niveau en respectant des règles
intellectuelles et de savoir-vivre. Je ne m'arroge pas le droit d'interpeller
et d'en remontrer à des personnes reconnues juste parce que les réseaux sociaux
me le permettent. Humilité face aux titres du savoir ou face au talent. Cela
paraît suranné; ce ne serait pas contre mon caractère mais contre mon éducation
que de faire autrement.
Il ne faut pas aller jusqu'à
faire taire les Durendal. Beaucoup d'autres, dont je fais partie, jouissent de
la même liberté qu'eux... Du bien, du bon, peuvent en sortir. De plus, toutes
les chroniques et les vidéos du concerné ne sont pas du niveau de celle
incriminée par le Gai savoir. Il faut
le reconnaître. Il n'insulte pas, ni n'appelle au meurtre de façon systématique
et semble avoir bien mieux préparé parfois au lieu de céder à la spontanéité et
l'improvisation. Enfin, tous les vidéastes amateurs du net ne se valent pas. La
généralisation Enthovenienne peut apparaître exagérée, il est vrai, même si la
démonstration est efficace. Durendal prend un peu pour beaucoup d'autres mais
l'extrait en question, il est vrai également, ne lui en déplaise, est édifiant.
Il avait les moyens de reconnaître dans sa réponse publiée sur Facebook qu'il
avait été sans doute trop loin. Il pouvait se grandir à peu de frais.
Il faudrait finalement se
confronter bientôt, très vite, à la question de la responsabilité de la parole
sur Internet, à la question de l'impunité totale dont certains pensent jouir de
YouTube à Twitter en passant par Facebook. Tout le monde fréquente le même
espace, se rencontre, se croise, se heurte parfois, mais sans respecter les
mêmes règles. Tout ce monde, souvent de générations différentes, ne respecte
pas, du fait d'une éducation différente, les mêmes codes, les mêmes principes,
les mêmes valeurs, les mêmes lois. Dans tous les espaces de notre quotidien,
nous sommes dans l'obligation de suivre les préceptes de la loi, de la morale
et de la bienséance. Code de la route ou politesse par exemple. Parce que nos
responsabilités vis à vis d'autrui sont le gage d'une existence sûre et
agréable en communauté. Internet semble être un lieu à part, non concerné par
cette préoccupation.
Il faut donc adapter ce nouveau
support culturel, mode d'expression, de communication, de diffusion
d'informations. Appliquer les anciennes règles? En inventer de nouvelles?
L'expression employée par
Enthoven voyant Internet comme «un revolver dans les mains de milliers
d'adolescents» prend un écho particulier quand on sait les suicides tentés ou
réussis de jeunes harcelés sur les réseaux sociaux, phénomène qui s'amplifie,
mais surtout après les attentats du mois de janvier 2015 et la recrudescence de
la propagande et de la logistique terroriste sur le réseau informatique. Les
mots du philosophe sont durs. C'est vrai. Mais la réalité l'est bien plus.
On peut voir finalement dans
cette confrontation Durendal-Enthoven la marque de la faiblesse de notre
enseignement, de notre éducation, qui devient de moins en moins humaniste.
Certains ne se tempèrent plus, se permettent tout. Ils ne s'empêchent plus, ce
qui est pourtant la marque de notre humanité. Ils ne pratiquent plus la nuance.
Ils se laissent emporter par leurs possibilités, certains disent libertés; ils
ne se limitent plus.
On ne se reconnaît plus aucune
autorité et surtout intellectuelle parce que l'on est témoin, partout, tout le
temps, dans nos médias, d'un nivelage des propos. Or, si tout a la même
importance, alors plus rien n'a d'importance.
BH
"Vous me rendrez raison Monsieur" |
Votre illustration est révélatrice. L'idée du duel n'est pas si décalée que cela.
RépondreSupprimerVous avancez l'idée d'un choc entre deux univers.
Mais en fait, au lieu de choc, il y a toujours finalement distance entre les deux protagonistes. Il n'y a pas de confrontation directe. Durendal et Enthoven ne font que se jauger de loin. Ils se répondent par médias interposés.
C'est tout à fait vrai ... merci pour votre commentaire.
SupprimerLa conclusion ultime de toute cette affaire et qui vaudrait son pesant d'intérêt serait un débat, une joute argumentative entre les deux.
Abaissement généralisée des âmes encore? Peut-être. Mais possibilité de remettre certains à leur place. D'ouvrir les yeux à d'autres. Bien sûr, pour débattre, il faut les mêmes bases communes, se reconnaître tout de même des valeurs et des principes en commun. Ce serait justement le moyen de voir si c'est le cas.
Qui aurait le plus à craindre d'une telle rencontre?
Bonjour,
RépondreSupprimerJe me permets de vous répondre après être tombé sur votre article suite au visionnage d'une vidéo sur Youtube vous citant dans ses sources : https://www.youtube.com/watch?v=xtuh5zTa7mQ
J'ai lu votre texte et je vais essayer de rebondir sur certains points, qui me semblent très importants. En effet, ce duel n'est pas, pour moi, entre Durendal et M.Enthoven, mais entre Internet et M.Enthoven. Il critique Durendal mais aurait pu prendre une des autres centaines de vidéos de ce genre déjà présente sur Youtube. Quand M.Enthoven parle d'abaissement des âmes, et propose de ne laisser la parole qu'aux élites, je ne peux m'empêcher d'être contre.
En effet, comme expliqué dans la vidéos (et ses sources), on peut voir une certaine "vérité" émerger des masses.
A la fin de votre article, vous parlez brièvement du sentiment de liberté que procure l'anonymat sur internet, et qui peut être néfaste. Je vais vous rejoindre sur ce point : https://www.youtube.com/watch?v=wAIP6fI0NAI
Cependant, je suis totalement contre le fait de considérer Internet comme «un revolver dans les mains de milliers d'adolescents». Internet vieillit avec son public, il mûrît.
Depuis quelques années maintenant, on peut constater un changement dans le contenu proposer sur Youtube. En effet, en grattant la surface des vidéos divertissantes ou abrutissantes, on trouve des bijoux de sciences, de psychologie, de physique, de mathématique, d'histoire, de biologie, de cinéma, et j'en passe.
Le média utilisé étant différent de ceux traditionnel (entre tv, radio, journaux, etc.), ces vidéos n'ont pas pour but de donner une maitrise d'un sujet, mais simplement, je pense, d'amener à faire réfléchir les gens. Ce qui est pour moi un très bon point, et qui se place en totale opposition du postulat de départ.
Je ne suis pour ma part, pas un adepte de France Culture. Je suis issue de ce que les médias appellent communément la génération Y, et je me retrouve plus dans Internet que sur une radio que je qualifie (ça n'engage que moi) de masturbation intellectuelle pour les personnes adeptes du "c'était mieux avant".
Je suis titulaire de deux Bac+5, et ne me considère donc pas comme inculte.
Néanmoins, c'est grace à Internet que j'ai pu me familiariser avec la relativité générale et restreinte : https://www.youtube.com/user/epenser1
Mais aussi avec le cinéma : https://www.youtube.com/user/deadwattsofficiel
L'histoire : https://www.youtube.com/channel/UCP46_MXP_WG_auH88FnfS1A
La sociologie : https://www.youtube.com/channel/UCm5wThREh298TkK8hCT9HuA, https://www.youtube.com/channel/UCGeFgMJfWclTWuPw8Ok5FUQ
etc.
Je fais ceci pour vous démontrer, que malgré tout ce qu'on peut penser d'Internet, si on cherche un peu à en apprendre un plus, on peut découvrir énormément de choses intéressantes. D'ailleurs, si le sujet vous plait, je suis prêt à fournir une liste non exhaustive d'émissions très intéressantes traitant d'une multitude de sujets.
Pour conclure, je pense qu'il est temps d’arrêter d'incriminer Internet, qui n'est pour le moment qu'à un stade de l'adolescence, et regarder vers l'avant. A mon avis les générations futures seront plus aptes à se faire leur propre opinion qu'elle ne le sont maintenant, parce que justement, ma génération aura les connaissances nécessaire pour leur apprendre à utiliser Internet.
Internet, à la différence des autres médias, offre le choix du visionnage, de la lecture, etc. A nous maintenant d'en prendre réellement conscience, et de transmettre les bonnes valeurs aux générations futures pour qu'elle soient capables de saisir toutes les ramifications que cela implique.
Merci tout d'abord pour votre pertinente intervention.
SupprimerMerci aussi pour votre proposition de découvertes. Une telle offre ne peut jamais se refuser. J'ai d'ailleurs découvert la chaine dirty biology grâce à vous, chaîne qui fait honneur à notre modeste blog en nous citant dans les sources d'une de ses vidéos.
Mon article sur le clash Enthoven-Durendal me paraissait plus nuancé que votre réponse le laisse apparaître...
J'accorde tout de même des vertus au média internet et concluais surtout sur le manque de savoir-vivre de certains, sur leur totale impunité, après avoir rappelé la véritable origine de l'abaissement généralisé des âmes qui ne doit rien à l'internet ...
Nous nous retrouvons au final sur le souci d'une éducation à donner en rapport à cet espace nouveau de vie en commun...
Partie 1 (désolé, mon texte fait plus de 4096 caractère):
SupprimerBonsoir,
Comme Unknown, je suis venu sur votre blog par la même source (vidéo de DirtyBiology).
Je suis un trentenaire, internaute plutôt assidu, j'ai banni la télé de ma vie il y a bientôt 5 ans, je suis abonné à un titre de presse écrite, et je n'écoute plus que France Culture lorsque j'allume ma radio (c'est à dire quasi-quotidiennement), et j'ai été plus ou moins surpris plus tôt dans la soirée quand il m'a été rapporté (par la vidéo de DirtyBiology) 'l'affaire' né dans l'émission Gai Savoir, et surtout les propos tenu dans cette émission (qui passe à un horaire où je n'écoute que très rarement la radio).
Pourquoi "plus ou moins étonné" ?
Plus, car les propos tenus dans l'émission son à l’opposé de l'idée que je me fais de France Culture : ouverture d'esprit et honnêteté intellectuelle (indispensable pour la culture avec un grand ou petit 'c').
Moins, car je remarque depuis 2/3 ans un glissement lent mais continu de la pensée développée sur l'antenne de cette radio vers ce qu'on appelle la 'pensée dominante' (j'entends par là avant tout une pensée de classe dominante, et pas nécessairement une pensée partagée par le plus grand nombre). Par exemple l'édito politique du matin de Brice Couturier, les émissions où tout le monde partage le même avis comme celles de Philippe Meyer ou de Christine Ockrent, ou la présence à l'antenne de personnes toujours plus controversée comme Alain Finkielkraut (qui est devenu une personne détestable) ou Michel Onfray. Et aussi car je suis plutôt habitué à entendre les médias traditionnels remettre en cause internet.
Partie 2:
SupprimerJe tenais à préciser ceci :
- il n'y a pas de "totale impunité" sur internet. Les propos tenus sur internet sont soumis aux mêmes lois que ceux tenus dans d'autres médias. Des propos diffamants, incitants à la haine raciale, au meurtre, négationnistes, etc, tenus sur internet, sont tout à fait condamnable par la justice française. C'est ainsi, par exemple, que beaucoup de sites à large audience ont mis en place, depuis quelques années maintenant, une modération avant publication des commentaires de leur audience, pour ne plus être condamné de la responsabilité de propos publiés sur leur site. De plus il n'est pas rare d'entendre dans la rubrique fait divers qu'un personnage politique ou publique, poursuive en justice une personne ayant tenu des propos, jugé diffamant ou autre, à son encontre sur internet.
- je trouve étonnant que vous releviez le "manque de savoir-vivre de certains" (des personnes s'exprimant sur internet), mais que vous ne releviez pas le manque de savoir-vivre d'une personne publique, qui se présente comme une personne 'savante' en opposition à la masse 'ignorante', et qui se permet sur une radio publique nationale de tenir des propos plutôt désobligeant envers une autre personne, tout indélicate qu'elle puisse être.
- une erreur communément faite à propos d'internet, il me semble, c'est de le comparer avec les autres médias traditionnels, comme vous le faites dans votre article. Pour l'instant (car c'est un des enjeux de notre époque : la neutralité du net), internet donne la possibilité de s'exprimer, et donc de s'informer, à tous, sans distinction aucune, si ce n'est d'avoir un périphérique pouvant naviguer sur internet, un accès internet, et de l'alimentation électrique, ce qui en France reste tout de même encore relativement accessible à un très grand nombre. C'est donc totalement différent des autres médias, où l'échange de savoir est à sens unique, entretenant l’existence d'un entre-soi, d'une condescendance de certains, de personnes détenant un pouvoir (médiatique et/ou politique et/ou économique), et le reste du peuple. Je pense que c'est justement ça qui effraie les médias traditionnels et les personnes qui y travaillent ou y interviennent. La parole est libérée, l'information aussi. Une forme d'éducation populaire est possible, et elle ne s'accorde pas avec les intérêts de la classe dominante.
Oui, tout n'est pas rose sur internet, il est possible de trouver tout et son contraire, de se faire manipuler comme avec les autres médias, etc. En revanche, la différence, c'est que vous êtes maître de ce que vous lisez/écouter grâce à vos clics (vous me direz, à juste titre, que l'on peut éteindre son poste), mais surtout que vous avez la possibilité de remettre en cause ce que vous pouvez lire/entendre, recouper les informations (en cela la presse écrite est assez similaire a internet).
Enfin, internet, contrairement à la télévision ou la radio, s'auto-critique (puisque la parole est libérée), et le droit de réponse est très accessible, ce qui permet, je pense, aux gens d'avoir un esprit plus critique. Des tentatives ont bien existé dans les médias traditionnels, comme la télé, mais à chaque fois cette critique se heurtait aux intérêts économiques des chaînes (par exemple la disparition d'arrêt sur image de l'antenne de France 5, ou encore le cas de Pierre Carles).
Cordialement.
Merci beaucoup pour votre longue (n'en soyez pas désolé) et très intéressante réponse. Encore une fois, comme pour les intervenants précédents, nous partageons un bon nombre de points avec vous.
SupprimerNous ne sommes pas contre, chez Article Deux, l'internet et les possibilités offertes par ce média.
Nous sommes peut être un peu plus sceptiques, pour le moment, sur son réel pouvoir, sur son horizontalité. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons déjà répondu auparavant à ce sujet.
Dirtybiology a partagé récemment un article concernant les youtubers, leur modèle économique, leur réel pouvoir... Cette enquête était éclairante. La tv et le média traditionnel a encore les cartes en main. (Pour le moment)
Concernant l'impunité... Les sites de grands groupes de presse (les plus visités au passage) sont obligés de faire le "ménage" eux-mêmes au niveau des commentaires, quand ils ne sont pas obligés de retirer tout simplement cette possibilité... (niveau liberté et horizontalité ce n'est pas vraiment l'idéal). La lecture du témoignage (très récent encore) d'un modérateur du web sur le site bastamag mérite le détour. La notion de l'impunité est donc relative.
Vous nous reprochez de ne pas relever la désobligeance du sieur Enthoven à l'égard de Durendal. Il semble bien que nous l'ayons fait tout de même (un peu c'est vrai, allez ok pas assez)... mais n'oubliez pas que le critique auto proclamé de son côté appelait à euthanasier un réalisateur d'un film qu'il n'avait pas aimé. Inouï comme tous les intervenants dans ce débat aient oublié ce point. Au passage, le concerné n'a pas été le moins du monde inquiété pour ses appels au meurtre. C'est pour cela que nous parlions d'impunité. Bien sûr on évoquera du second degré. Mais pour le coup, alors que l'on adore cela, il nous a échappé en ce cas précis.
Encore merci pour votre intervention et bonne continuation sur le net!
Si vous nous avez trouvés, nous ne vous faisons pas l'affront de copier coller les liens des articles évoqués dans notre réponse. Nous vous faisons confiance pour les dénicher!
À propos des liens, oui je les ai visité. Sur ce genre "d'affaires" je suis du genre à me renseigner avant de m'exprimer avec tel ou tel camp (ou entre les camps). Et a chercher des avis de divers opinions (à ce titre votre article était intéressant et de qualité, même si nous nous rejoignons pas).
SupprimerJe n'ai peut-être pas été assez clair, oui l'horizontalité et la liberté sur internet ne sont pas parfaite, si je mettais ces points en avant c'est surtout en comparaison aux autres médias, où internet est bien en avance.
Et aussi pour préciser, contre l'avis communément répandu, qu'il n'y a pas impunité sur internet.
Pour les sites des grands groupes qui seraient contraint à faire le ménage dans les commentaires, voir à les fermer, et donc où la liberté et l'horizontalité ne serai pas si bon, c'est vrai, cela existe. Mais ce que je voulais exprimer c'est que l'outil permet cette liberté, cette horizontalité, bien plus qu'aucun autre média. Après, la façon dont est géré cette liberté d'expression par ces sites de grands médias, ce n'est qu'une question de moyen financiers (surtout pour des grands groupes comme ceux-là, détenu par des multi-millionnaires) et donc de volonté, mais je le répète, l'outil le permet bien plus qu'aucun autre média.
Sur l'opposition Enthoven/Durendal, j'ai clairement trouvé l'introduction du critique de cinéma mauvaise, mais il m'a paru tout de suite clair que ce n'était pas du premier degré. Est-ce par habitude de voir des vidéos sur Youtube que je suis devenu dès lors familier de la présence de ce type d'humour dans ce type de vidéos, peut-être. Et ainsi, par opposition, ceux n'étant pas habitué à ce lieu aurait plus de mal à y déceler ce Xième degré. J'espère. Mais de là à accabler un petit critique de cinéma à l'audience limité et de s'abaisser à un niveau si bas comme l'a fait M. Enthoven, lui qui se veut et se revendique être supérieur en esprit, je trouve ça minable et contraire à ma définition d'intellectuel public. Je pense que dès qu'un intellectuel se croit de fait supérieur au peuple, il devient directement inaudible de ce peuple, et ne lui est plus d'aucune utilité, devient un chien de garde de l'ordre établi. Donc de ce point de vue, pour moi : Enthoven -1, Durendal 0.
Oui, effectivement, votre article était bien plus nuancé. J'ai souhaité faire le rapprochement avec les propos de M.Enthoven, qui eux, l'étaient beaucoup moins.
RépondreSupprimerJe tiens cependant à préciser que ma réponse initiale faisait état des différents points de vue que vous abordez, mais la limite de 4000 caractères sur le commentaire m'a obligé à enlever certaines parties, pour me consacrer uniquement sur les points que je souhaitais aborder : à savoir le manque d'éducation des générations actuelles quant à ce média, mais aussi l'évolution d'Internet et de son public au fil du temps.
Je tiens cependant à rebondir sur votre conclusion "si tout a la même importance, alors plus rien n'a d'importance". Je ne suis pas d'accord, parce qu'en interprétant un peu vos propos, on a l'impression qu'il ne faudrait donner la parole qu'à certaines personnes, représentant une autorité intellectuelle. C’est en tout cas ce que dit M.Enthoven. Mais qui doit décider des représentants ? Un représentant plus ancien ? Sur quelles bases ? L’école ? L’appartenance ? On se retrouve vite dans un schéma incestueux.
Je pense qu'internet peut apporter plus d'horizontalité à une société bien trop verticale à mon gout. Cela pourrait, selon moi, d'ici plusieurs années, amener les gens à changer leur mode de penser. De fait, sur internet, tout le monde peut prendre la parole et donner ses idées. Cela ne doit pas être vu comme une menace, mais au contraire comme une opportunité.
Une opportunité qui permettrait, peut-être, de responsabiliser tout le monde, de faire réfléchir tout le monde, et par extension, de supprimer les castes sociales élitistes de notre pays.
Bien entendu, certaines personnes ont une parole ayant plus de poids, mais dans notre monde actuel, il faut avoir un droit (de naissance, d’école ou autre) pour être considéré comme un expert, et ce, dans tous les domaines. Et une fois ce droit acquis, on ne peut plus le révoquer…
Pour moi, un expert doit être jugé sur une courte durée, sur ce qu’il a apporté dans son domaine, et uniquement le sien. Actuellement on voit des ministres switcher de la culture à l’écologie, en passant par l’éducation, etc. Soit ils sont des pointures dans tous les domaines, soit il y a un problème avec notre façon de procéder. Si quelqu’un ne produit pas les résultats attendus à son poste, on ne le lance dans un domaine totalement différent « pour voir si c’est mieux » simplement parce qu’à un moment, cette personne à fait quelque chose de positif.
Je terminerai mon « argumentaire » en disant que le schéma dans lequel nous sommes aujourd’hui, ne peut que nous conduire, à mon humble avis, vers ce que vous appelez « l’abaissement des âmes ». A force d’écouter aveuglement ce que nous sors une pseudo-élite, on en oublie de réfléchir par nous-même. C’est pourquoi je pense que notre société doit changer, en profondeur. En passant soit par une réelle démocratie participative (sans personne à sa tête hormis le peuple). Ou alors par une technocratie, avec des experts décidant pour leur domaine d’expertise (et pas celui des autres), et désignés en rapport avec ce qu’ils ont produits dans les années précédentes.
N’étant pas loin de la limite de caractères, je vous mets les liens dans un autre commentaire.
Voici les liens promis, par théme.
Supprimer- cinéma :
https://www.youtube.com/channel/UCL-y95OCyfWeGVIH-gpG1aA
https://www.youtube.com/channel/UCwbV8cTR4yBgFdfa_BXV2OA
https://www.youtube.com/playlist?list=PLy0F8pu7oTqOA6f8kzgZ-_5jvSGEj0qhY
- jeux vidéos (réfléxion sur le média) :
https://www.youtube.com/channel/UCbq4WwLfbhRxvyVYOTYU25g
- sciences et vie :
https://www.youtube.com/channel/UCcziTK2NKeWtWQ6kB5tmQ8Q
https://www.youtube.com/channel/UCUHW94eEFW7hkUMVaZz4eDg
https://www.youtube.com/channel/UCZYTClx2T1of7BRZ86-8fow
https://www.youtube.com/channel/UC6nSFpj9HTCZ5t-N3Rm3-HA
https://www.youtube.com/channel/UCwBn4dgV3kxzvcCKN3TbQOQ
https://www.youtube.com/channel/UCWnfDPdZw6A23UtuBpYBbAg
https://www.youtube.com/channel/UCtqICqGbPSbTN09K1_7VZ3Q
https://www.youtube.com/channel/UCHnyfMqiRRG1u-2MsSQLbXA
https://www.youtube.com/channel/UC2_OG1L8DLTzQ7UrZVOk7OA
- histoire et monde :
https://www.youtube.com/channel/UCP46_MXP_WG_auH88FnfS1A
https://www.youtube.com/channel/UC5eOLQO5VUEFJukNg9cl5jg
https://www.youtube.com/channel/UCFAR8XqMHTSB32e7okK0DWw
https://www.youtube.com/channel/UCnf0fDz1vTYW-sl36wbVMbg
- sociologie :
https://www.youtube.com/channel/UCGeFgMJfWclTWuPw8Ok5FUQ
https://www.youtube.com/channel/UCm5wThREh298TkK8hCT9HuA
- phylosophie :
https://www.youtube.com/channel/UCah8C0gmLkdtvsy0b2jrjrw
- or catégories : les conférences TEDx
https://www.youtube.com/user/TEDxTalks
J'espère que certains de ces liens pourront vous intéresser. Le média utilisé, ici Youtube, ne permet pas forcément de transmettre toutes les informations d’un sujet précis. De ce fait, à défaut de pouvoir certainement vous donner une maitrise d'un sujet, j'espère qu'ils seront suffisamment intéressants pour vous rendre curieux. Car au final, c’est la seule chose qui importe réellement.
Merci beaucoup! Il y a de quoi faire!
SupprimerEt merci également pour la suite de votre argumentaire...
Je partage beaucoup de vos points de vue. Je suis d'accord sur les possibilités que peut apporter internet par son horizontalité ... ce média est sans doute il est vrai encore un peu jeune. Patience donc. Il ne faut cependant pas masquer certaines dérives... Trop d'horizontalité ne peut il conduire à niveler les débats?
Et il n'est là pas question de niveau universitaire ou de niveau d'expertise... mais d'attitude, de respect... Voir un pitre de télé-réalité donner son avis à côté d'un historien, sur un sujet aussi épineux que les relations diplomatiques au Moyen Orient, décrédibilise un débat à la télévision.
Rappelons que la chronique de Durendal, point de départ des remontrances enthoveniennes, appelait à la mort du réalisateur dont il avait détesté le film. Quand on sait que des milliers, voire des millions de personnes vont potentiellement voir votre vidéo, on est au delà de la crédibilité mais dans la responsabilité. C'était un peu le sens de ma conclusion, pastiche maladroit d'une réplique d'une pièce de Camus. Si on traite tout sur le mode de la désinvolture et surtout sans modérer ses propos, tout se retrouve abaissé.
Si internet peut être capable du meilleur, il peut aussi conduire au pire. Comme n'importe quel autre média. Horizontal ou vertical...
A en croire vos propos, on est tenté de penser que l'allégorie du revolver employé par Enthoven est justifié au regard de l'usage que certains font d'Internet, et plus particulièrement des réseaux sociaux. Si la crainte du mésusage du média me paraît fondée, elle ne doit pas, selon moi, aboutir à la conclusion que ledit média est dangereux de nature.
RépondreSupprimerCroire qu'Internet est un "revolver" c'est croire que ses utilisateurs sont trop imbéciles pour faire preuve de discernement. C'est voir cette communauté comme un troupeau égaré, incapable de se subvenir intellectuellement à lui même et condamné à se noyer dans sa médiocrité sans les fanaux des anciens bergers. C'est imaginer, finalement, qu'un groupe, qu'une foule, ait par nature besoin d'être guidée, éclairée, et soumise, pour son propre bien.
"Ces gens ne savent pas ce qu'ils font ni de quoi ils parlent, ils ont besoin de notre bienveillante guidance sans laquelle ils s'entre-dévoreront..." Voilà le crédo de l'intelligentsia française. Voici l'autodafé des Finkielkraut, des Henry-Levy, et des Enthoven. Eux sont les professeurs, nous les adolescents, les élèves. Il ne manque d'ailleurs pas de le rappeler plusieurs fois au cours de cette même émission: "tu es jeune, tu ne sais rien, ferme la et apprend". Je n'arrive pas à comprendre qu'on puisse jouir de la fonction de professeur avec une telle attitude. Cette dichotomie dogmatique est vraiment d'un passéisme crasse, elle pue.
C'est là une bien curieuse liberté d'expression que celle que défend Enthoven: seuls ceux qui savent ont voix au chapitre, que les autres retournent sur les bancs de l'école, qu'ils y soient instruit et que par mon seul jugement je sanctionne ceux qui pourront s'exprimer afin que je les séparent de ceux qui retourneront paître, et je ne manquerai pas de stigmatiser ceux qui se déroberont à l'autorité intellectuelle que l'élite et moi-même représentons. Sidérant non ?
Finalement je suis content que Mr. Enthoven ait, dans sa grande condescendance et avec le style ampoulé qu'on lui connait et qui lui va si bien au teins, daigné à répandre sur nous son savoir et sa sagesse. Car il a montré par son intervention gratuitement haineuse à l'égard de toute un communauté - que dis-je, de toute une génération - à quel point l'élite dont il fait partie craint Internet, craint d'être dépossédée de son statut et des privilèges que lui confère son éducation, et craint le changement qu'induit la plus profonde des révolutions: celle de l'accès au savoir.
Merci beaucoup Ben pour votre intervention.
SupprimerJe comprends votre point de vue. Notre article initial le soulignait, (peut être pas assez de façon véhémente direz-vous et vous aurez raison), que le sieur Enthoven avait eu tort de généraliser tout Internet au cas de cette vidéo de Durendal. Son argumentaire s'appuyait principalement sur l'appel du videaste à éliminer physiquement un réalisateur dont le film lui avait paru mauvais.
Internet est un lieu d'échanges comme un autre. Pourquoi certains devraient ils se permettre, en ce lieu, des actes, des paroles, punis par la loi partout ailleurs? Aucune volonté de faire taire, de retirer la possibilité d'expression de tel ou tel sur le réseau. Juste de dénoncer une impunité totale qui nuit finalement à l'image de ce jeune média.
J'apprécie le travail de certains youtuber. J'apprécie certaines émissions des médias que l'on qualifie désormais de traditionnels. Il y a du bon et du mauvais partout. C'est à l'image de la nature humaine. Enthoven avait raison, selon moi, de rappeler ce que l'on peut entendre ou voir sur internet. De généraliser certainement pas.
Il est bon de dire que l'internet permet une diffusion du savoir différente et plus démocratique. Mais il ne faut pas non plus oublier ses dérives.
Pour finir, je ne pense pas que les Enthoven aient peur. Déjà, ils sont arrivés, placés, et n'ont plus trop grand chose à craindre pour leur carrière. Ensuite, Tv et radio ont encore quelque influence certaine. Il suffit de voir que l'ampleur de certains phénomènes du net vient de passages sur les ondes ou sur les antennes. C'est encore ces médias qui tiennent la corde. Pour combien de temps? Là est la question.
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