Témoignage d'une de nos correspondantes à l'étranger. Le cas de la distribution de Charlie-Hebdo en Angleterre, pays du multiculturalisme. Merci à F.A-P. Et merci à B.P. pour sa collaboration.
Le mercredi 13 janvier au matin, Française vivant outre-Manche, dans une ville universitaire à la renommée planétaire, je me rends dans un petit magasin proposant la presse internationale, pour tenter d'acquérir le fameux exemplaire post-massacre de Charlie-hebdo.
Le vendeur d'origine Nord-africaine avec un regard plein de tristesse me demande de repasser le vendredi suivant. Je me demande alors si je n'ai pas vexé ce vendeur. Est-il blessé par toute cette histoire, par ce journal qui se moque de sa religion? Est-il seulement musulman? Je ne sais pas mais me sens d'un coup coupable...
Impossible pour moi de me déplacer en cette boutique le vendredi. Je demande donc à une collègue de me le prendre. Elle m'informe plus tard que les exemplaires ne sont pas encore disponibles.
Au bureau, certains avaient des avis très tranchés. «Quel besoin de mettre de l'huile sur le feu en dessinant le prophète?».
Et le mercredi suivant, les mêmes semblent ravis d'annoncer que le point presse en question ne vendra pas finalement Charlie-hebdo: le propriétaire renonce face à de nombreuses menaces. Je demande alors des précisions sur leur contentement: ces dessins sont-ils vraiment inappropriés du fait de leurs convictions religieuses ou s'agit-il de craintes face à de possibles réactions violentes? On me répond qu'il s'agit avant tout de la peur d'un embrasement, d'une accélération d'un processus qui semble inévitable entre les communautés...
La presse locale reprend tous les faits. Ce vendeur avait annoncé dans cette même presse locale qu'il assurerait la vente du journal satirique français cible et victime du terrorisme. Dès cette annonce, les menaces ont fusé en provenance de tout le pays. «Qu'il se méfie: son officine, sa maison, sa personne, sa famille sont en danger s'il persiste à vouloir vendre le journal.»
Il avoue avoir cédé devant un tel déferlement. Jusqu'où peut aller le courage? Quand mesure-t-on la portée des menaces? Finalement, la tristesse du premier jour n'était-elle pas déjà le signe de l'impossibilité pour lui de respecter sa volonté de diffuser le journal?
C'est effrayant. Charlie-hebdo n'a pas été vendu. La liberté s'est courbée devant la peur. L'étymologie du mot terrorisme résume son objectif... Quel est-il déjà?
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Il faut être unis face à la terreur.
Les manifestations en hommage aux victimes et en faveur de la liberté d'expression, dans les jours qui ont suivi le 7 janvier, les sept millions d'exemplaires de Charlie Hebdo imprimés, sont une preuve de l'attachement populaire aux valeurs de la République.
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