Google+ Article deux: juin 2015

samedi 20 juin 2015

La Nuit des Rois

Assister à la représentation, d’une pièce classique ou originale, par une compagnie d’amateurs (le mot n’est pas péjoratif bien au contraire) est toujours le moyen de se rassurer sur le plan culturel : 

Non, le talent n’est décidément pas héréditaire et l’on peut prendre un plaisir immense à découvrir ou redécouvrir des œuvres alors que l’affiche ne comporte aucun nom de « fils de » ou « fille de »… 

Oui, le théâtre est bien un genre littéraire à part puisqu’il suppose une re-création permanente des textes des plus grands dramaturges que l’on adapte, que l’on modernise, pour proposer des lectures et des interprétations personnelles et courageuses. Et nul besoin d’avoir une renommée germanopratine pour s’approprier les auteurs classiques tout en leur témoignant le plus grand des respects. 

Oui, avec peu de moyens et beaucoup d’énergie, de travail, de volonté, on peut proposer des spectacles d’une qualité qui n’a rien à envier aux grandes salles subventionnées et aux âmes comédiennes bien nées. 

La Nuit des Rois de William Shakespeare par la Compagnie Icare est une nouvelle preuve de ces quelques remarques.

La mise en scène illustre parfaitement d’emblée la fameuse phrase du dramaturge « All the world is a stage », (la vie est un théâtre, notre quotidien est une scène), puisque la pièce est déjà commencée lorsque l’on pénètre dans la salle. Tentative astucieuse de briser la frontière entre le spectacle et la réalité. L’Illyrie, lieu de l’intrigue, devient une discothèque, lieu de fête, de musique, d’alcool, de débauche et d’intrigues amoureuses. Jumeaux séparés par un naufrage. Quiproquo sur l’identité des personnages. Séductions amoureuses. Vilains tours pour ridiculiser les méchants et les benêts… Tous les ressorts de la comédie sont magnifiquement interprétés par cette troupe où tous les comédiens se montrent à la hauteur des exigences du texte. 

Mention particulière cependant à deux rôles : ceux de Malvolio et de Feste, le fou. Monologue et bouleversement psychologique majeur pour le premier, anticonformisme, jeu sur le langage et chant pour le deuxième. Deux rôles qui n’ont rien de secondaires par leurs difficultés respectives et dont les comédiens se tirent magnifiquement. Le duo des parasites fêtards, Toby et Andrew, donne une interprétation haute en couleur qui assure bien sa fonction principale, faire rire. Les suivants manipulateurs, Fabien et Maria, se démarquent également et confirment l’impression que les intrigues secondaires donnent finalement l’intérêt majeur de cette représentation. Choix du metteur en scène ? L’important ne serait pas où l’on croit ? Sens qui nous trompent ? Jeux de dupes ? Illusions théâtrales ?

Avouons en effet que l’intrigue principale des jumeaux séparés (Viola-Sébastien) et des amours de Viola déguisé en Cesario, du Duc Orsino, et d’Olivia, aurait mérité, au vue de la qualité de l’interprétation, quelques trouvailles de mise en scène propres à illustrer la notion du double, du travestissement, de l’imagination, de la passion amoureuse…  Mais l’essentiel est là. Le plaisir est atteint et l’on attend de pied ferme la prochaine adaptation de cette troupe talentueuse. 

Le théâtre appartient à tous. Le spectacle est partout. Sortez des sentiers battus. Eloignez-vous des affiches majeures. Le plaisir, la découverte, les interprétations et les analyses n’en sont pas moindres…

B.H.


samedi 13 juin 2015

Dialogue romanesque?



10 minutes avec Victor Hugo et un extrait de son roman consacré à la Révolution française : Quatre-vingt treize, publié en 1873. On y relève deux conceptions de la République, deux conceptions de l’existence. Toujours d’actualité?


Ces deux hommes causaient. Gauvain disait :

- Les grandes choses s'ébauchent. Ce que la révolution fait en ce moment est mystérieux. Derrière l'œuvre visible il y a l'œuvre invisible. L'une cache l'autre. L'œuvre visible est farouche, l'œuvre invisible est sublime. En cet instant je distingue tout très nettement. C'est étrange et beau. Il a bien fallu se servir des matériaux du passé. De là cet extraordinaire 93. Sous un échafaudage de barbarie se construit un temple de civilisation.

- Oui, répondit Cimourdain. De ce provisoire sortira le définitif. Le définitif, c'est-à-dire le droit et le devoir parallèles, l'impôt proportionnel et progressif, le service militaire obligatoire, le nivellement, aucune déviation, et, au-dessus de tous et de tout, cette ligne droite, la loi. La république de l'absolu.

- Je préfère, dit Gauvain, la république de l'idéal. Il s'interrompit, puis continua :

- O mon maître, dans tout ce que vous venez de dire, où placez-vous le dévouement, le sacrifice, l'abnégation, l'entrelacement magnanime des bienveillances, l'amour ? Mettre tout en équilibre, c'est bien ; mettre tout en harmonie, c'est mieux. Au-dessus de la balance il y a la lyre. Votre république close, mesure et règle l'homme ; la mienne l'emporte en plein azur ; c'est la différence qu'il y a entre un théorème et un aigle.
- Tu te perds dans le nuage.
- Et vous dans le calcul.
- Il y a du rêve dans l'harmonie.
- Il y en a aussi dans l'algèbre.
- Je voudrais l'homme fait par Euclide.
- Et moi, dit Gauvain, je l'aimerais mieux fait par Homère.

Le sourire sévère de Cimourdain s'arrêta sur Gauvain comme pour tenir cette âme en arrêt.

- Poésie.
- Défie-toi des poëtes.
- Oui, je connais ce mot. Défie-toi des souffles, défie-toi des rayons, défie-toi des parfums, défie-toi des fleurs, défie-toi des constellations.
- Rien de tout cela ne donne à manger.
- Qu'en savez-vous ? l'idée aussi est nourriture. Penser, c'est manger.
- Pas d'abstraction. La république c'est deux et deux font quatre. Quand j'ai donné à chacun ce qui lui revient...
- Il vous reste à donner à chacun ce qui ne lui revient pas.
- Qu'entends-tu par là ?
- J'entends l'immense concession réciproque que chacun doit à tous et que tous doivent à chacun, et qui est toute la vie sociale.
- Hors du droit strict, il n'y a rien.
- Il y a tout.
-Je ne vois que la justice.
- Moi, je regarde plus haut.
- Qu'y a-t-il donc au-dessus de la justice ?
- L'équité.

Par moments ils s'arrêtaient comme si des lueurs passaient. Cimourdain reprit :

- Précise, je t'en défie.
- Soit. Vous voulez le service militaire obligatoire. Contre qui ? contre d'autres hommes. Moi, je ne veux pas de service militaire. Je veux la paix. Vous voulez les misérables secourus, moi je veux la misère supprimée. Vous voulez l'impôt proportionnel. Je ne veux point d'impôt du tout. Je veux la dépense commune réduite à sa plus simple expression et payée par la plus-value sociale.
- Qu'entends-tu par là ?
- Ceci : d'abord supprimez les parasitismes ; le parasitisme du prêtre, le parasitisme du juge, le parasitisme du soldat. Ensuite, tirez parti de vos richesses ; vous jetez l'engrais à l'égout, jetez-le au sillon. Les trois quarts du sol sont en friche, défrichez la France, supprimez les vaines pâtures ; partagez les terres communales. Que tout homme ait une terre, et que toute terre ait un homme. Vous centuplerez le produit social. La France, à cette heure, ne donne à ses paysans que quatre jours de viande par an ; bien cultivée, elle nourrirait trois cent millions d'hommes, toute l'Europe. Utilisez la nature, cette immense auxiliaire dédaignée. Faites travailler pour vous tous les souffles de vent, toutes les chutes d'eau, tous les effluves magnétiques. Le globe a un réseau veineux souterrain ; il y a dans ce réseau une circulation prodigieuse d'eau, d'huile, de feu ; piquez la veine du globe, et faites jaillir cette eau pour vos fontaines, cette huile pour vos lampes, ce feu pour vos foyers. Réfléchissez au mouvement des vagues, au flux et reflux, au va-et-vient des marées. Qu'est-ce que l'océan ? une énorme force perdue. Comme la terre est bête ! ne pas employer l'océan !
- Te voilà en plein songe.
- C'est-à-dire en pleine réalité.

Gauvain reprit :

- Et la femme ? qu'en faites-vous ?

Cimourdain répondit :

- Ce qu'elle est. La servante de l'homme.
- Oui. A une condition.
- Laquelle ?
- C'est que l'homme sera le serviteur de la femme.
- Y penses-tu ? s'écria Cimourdain, l'homme serviteur ! jamais. L'homme est maître. Je n'admets qu'une royauté, celle du foyer. L'homme chez lui est roi.
- Oui. A une condition.
- Laquelle ?
- C'est que la femme y sera reine.
- C'est-à-dire que tu veux pour l'homme et pour la femme...
- L'égalité.
- L'égalité ! y songes-tu ? les deux êtres sont divers.
- J'ai dit l'égalité. Je n'ai pas dit l'identité.

Il y eut encore une pause, comme une sorte de trêve entre ces deux esprits échangeant des éclairs. Cimourdain la rompit.

- Et l'enfant ! à qui le donnes-tu ?
- D'abord au père qui l'engendre, puis à la mère qui l'enfante, puis au maître qui l'élève, puis à la cité qui le virilise, puis à la patrie qui est la mère suprême, puis à l'humanité qui est la grande aïeule.
- Tu ne parles pas de Dieu.
- Chacun de ces degrés, père, mère, maître, cité, patrie, humanité, est un des échelons de l'échelle qui monte à Dieu.

Cimourdain se taisait, Gauvain poursuivit :

- Quand on est au haut de l'échelle, on est arrivé à Dieu. Dieu s'ouvre ; on n'a plus qu'à entrer. 

Cimourdain fit le geste d'un homme qui en rappelle un autre.

- Gauvain, reviens sur la terre. Nous voulons réaliser le possible.
- Commencez par ne pas le rendre impossible.
- Le possible se réalise toujours.
- Pas toujours. Si l'on rudoie l'utopie, on la tue. Rien n'est plus sans défense que l'œuf.
- Il faut pourtant saisir l'utopie, lui imposer le joug du réel, et l'encadrer  dans le fait. L'idée abstraite doit se transformer en idée concrète ; ce qu'elle perd en beauté, elle le regagne en utilité ; elle est moindre, mais meilleure. Il faut que le droit entre dans la loi ; et, quand le droit s'est fait loi, il est absolu. C'est là ce que j'appelle le possible.
- Le possible est plus que cela.
- Ah ! te revoilà dans le rêve.
- Le possible est un oiseau mystérieux toujours planant au-dessus de l'homme.
- Il faut le prendre.
- Vivant.

Gauvain continua :

- Ma pensée est : Toujours en avant. Si Dieu avait voulu que l'homme reculât, il lui aurait mis un œil derrière la tête. Regardons toujours du côté de l'aurore, de l'éclosion, de la naissance. Ce qui tombe encourage ce qui monte. Le craquement du vieil arbre est un appel à l'arbre nouveau. Chaque siècle fera son œuvre, aujourd'hui civique, demain humaine. Aujourd'hui la question du droit, demain la question du salaire. Salaire et droit, au fond c'est le même mot. L'homme ne vit pas pour n'être point payé ; Dieu en donnant la vie contracte une dette ; le droit, c'est le salaire inné ; le salaire, c'est le droit acquis.

Gauvain parlait avec le recueillement d'un prophète. Cimourdain écoutait. Les rôles étaient intervertis, et maintenant il semblait que c'était l'élève qui était le maître.

Cimourdain murmura :

- Tu vas vite.
- C'est que je suis peut-être un peu pressé, dit Gauvain en souriant. Et il reprit :

- O mon maître, voici la différence entre nos deux utopies. Vous voulez la caserne obligatoire, moi, je veux l'école. Vous rêvez l'homme soldat, je rêve l'homme citoyen. Vous le voulez terrible, je le veux pensif. Vous fondez une république de glaives, je fonde...

Il s'interrompit :

- Je fonderais une république d'esprits.

Cimourdain regarda le pavé du cachot, et dit :

- Et en attendant que veux-tu ?
- Ce qui est.
- Tu absous donc le moment présent ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- Parce que c'est une tempête. Une tempête sait toujours ce qu'elle fait. Pour un chêne foudroyé, que de forêts assainies ! La civilisation avait une peste, ce grand vent l'en délivre. Il ne choisit pas assez peut-être. Peut-il faire autrement ? Il est chargé d'un si rude balayage ! Devant l'horreur du miasme, je comprends la fureur du souffle.

Gauvain continua :

- D'ailleurs, que m'importe la tempête, si j'ai la boussole, et que me font les événements, si j'ai ma conscience !

Et il ajouta de cette voix basse qui est aussi la voix solennelle :

- Il y a quelqu'un qu'il faut toujours laisser faire.
- Qui ? demanda Cimourdain.

Gauvain leva le doigt au-dessus de sa tête. Cimourdain suivit du regard la direction de ce doigt levé, et, à travers la voûte du cachot, il lui sembla voir le ciel étoilé.

Ils se turent encore. Cimourdain reprit :

- Société plus grande que nature. Je te le dis, ce n'est plus le possible, c'est le rêve.
- C'est le but. Autrement, à quoi bon la société ? Restez dans la nature. Soyez les sauvages. Otaïti est un paradis. Seulement, dans ce paradis on ne pense pas. Mieux vaudrait encore un enfer intelligent qu'un paradis bête. Mais non, point d'enfer. Soyons la société humaine. Plus grande que nature. Oui. Si vous n'ajoutez rien à la nature, pourquoi sortir de la nature ? Alors, contentez-vous du travail comme la fourmi, et du miel comme l'abeille. Restez la bête ouvrière au lieu d'être l'intelligence reine. Si vous ajoutez quelque chose à la nature, vous serez nécessairement plus grand qu'elle ; ajouter, c'est augmenter ; augmenter, c'est grandir. La société, c'est la nature sublimée. Je veux tout ce qui manque aux ruches, tout ce qui manque aux fourmilières, les monuments, les arts, la poésie, les héros, les génies. Porter des fardeaux éternels, ce n'est pas la loi de l'homme. Non, non, non, plus de parias, plus d'esclaves, plus de forçats, plus de damnés ! Je veux que chacun des attributs de l'homme soit un symbole de civilisation et un patron de progrès ; je veux la liberté devant l'esprit, l'égalité devant le cœur, la fraternité devant l'âme. Non ! plus de joug ! l'homme est fait, non pour traîner des chaînes, mais pour ouvrir des ailes. Plus d'homme reptile. Je veux la transfiguration de la larve en lépidoptère ; je veux que le ver de terre se change en une fleur vivante, et s'envole. Je veux...

Il s'arrêta. Son œil devint éclatant. Ses lèvres remuaient. Il cessa de parler. La porte était restée ouverte. Quelque chose des rumeurs du dehors pénétrait dans le cachot. On entendait de vagues clairons, c'était probablement la diane ; puis des crosses de fusil sonnant à terre, c'étaient les sentinelles qu'on relevait ; puis, assez près de la tour, autant qu'on en pouvait juger dans l'obscurité, un mouvement pareil à un remuement de planches et de madriers, avec des bruits sourds et intermittents qui ressemblaient à des coups de marteau. Cimourdain, pâle, écoutait. Gauvain n'entendait pas. Sa rêverie était de plus en plus profonde. Il semblait qu'il ne respirât plus, tant il était attentif à ce qu'il voyait sous la voûte visionnaire de son cerveau. Il avait de doux tressaillements. La clarté d'aurore qu'il avait dans la prunelle grandissait.

Un certain temps se passa ainsi. Cimourdain lui demanda :

- A quoi penses-tu ?
- A l'avenir, dit Gauvain.

Et il retomba dans sa méditation. Cimourdain se leva du lit de paille où ils étaient assis tous les deux. Gauvain ne s'en aperçut pas. Cimourdain, couvant du regard le jeune homme pensif, recula lentement jusqu'à la porte, et sortit. Le cachot se referma.

Victor Hugo, Quatre-vingt treize, Troisième partie, Livre VI, chapitre V



9-3 hugolien



vendredi 5 juin 2015

"Ne pas raisonner, c'est le devoir..."

Dans le roman intitulé l'Homme qui rit, publié en 1869, le narrateur évoque la forme de gouvernement en vigueur dans l'Angleterre du XVIIème siècle et invite à la réflexion sur la France du Second Empire. Heureusement, nous avons de nos jours la République. Un idéal démocratique dont on ne cesse de nous rappeler les valeurs et les grands principes... Cependant, ne sommes nous pas en pleine illusion démocratique? Ce petit extrait est-il toujours d'actualité? La forme monarchique ne porte-t-elle pas un masque en notre beau pays? L'obscurantisme a-t-il été vraiment éradiqué? N'est-ce pas un adversaire permanent?
 
 
Où en serait-on si le premier venu avait des droits ? Se figure-t-on tout le monde gouvernant ? S'imagine-t-on la cité menée par les citoyens ? Les citoyens sont un attelage, et l'attelage n'est pas le cocher. Mettre aux voix, c'est jeter aux vents. Voulez-vous faire flotter les états comme les nuées ? Le désordre ne construit pas l'ordre. Si le chaos est l'architecte, l'édifice sera Babel. Et puis quelle tyrannie que cette prétendue liberté ! Je veux m'amuser, moi, et non gouverner. Voter m'ennuie ; je veux danser. Quelle providence qu'un prince qui se charge de tout ! Certes ce roi est généreux de se donner pour nous cette peine ! Et puis, il est élevé là dedans, il sait ce que c'est. C'est son affaire. La paix, la guerre, la législation, les finances, est-ce que cela regarde les peuples ? Sans doute il faut que le peuple paie, sans doute il faut que le peuple serve, mais cela doit lui suffire. Une part lui est faite dans la politique ; c'est de lui que sortent les deux forces de l'état, l'armée et le budget. Être contribuable, et être soldat, est-ce que ce n'est pas assez ? Qu'a-t-il besoin d'autre chose ? il est le bras militaire, il est le bras financier. Rôle magnifique. On règne pour lui. Il faut bien qu'il rétribue ce service. Impôt et liste civile sont des salaires acquittés par les peuples et gagnés par les princes. Le peuple donne son sang et son argent, moyennant quoi on le mène. Vouloir se conduire lui-même, quelle idée bizarre ! un guide lui est nécessaire. Étant ignorant, le peuple est aveugle. Est-ce que l'aveugle n'a pas un chien ? Seulement, pour le peuple, c'est un lion, le roi, qui consent à être le chien. Que de bonté ! Mais pourquoi le peuple est-il ignorant ? Parce qu'il faut qu'il le soit. L'ignorance est gardienne de la vertu. Où il n'y a pas de perspectives, il n'y a pas d'ambitions ; l'ignorant est dans une nuit utile, qui, supprimant le regard, supprime les convoitises. De là l'innocence. Qui lit pense, qui pense raisonne. Ne pas raisonner, c'est le devoir ; c'est aussi le bonheur. Ces vérités sont incontestables. La société est assise dessus.


Victor Hugo, L'homme qui rit, Deuxième partie, Livre premier, III, 1869




Attention...