Un bon peuple, d'un bon pays aux mœurs démocratiques, lassé des tracas de son trésor, se choisit un jour comme dirigeant un comte que l'on disait à la parole crue et courageuse...
Bien que souhaitant plus que tout être le premier d'entre eux et le mieux rémunéré, ce candidat perpétuel à la magistrature suprême tançait sans cesse les agents de l'État. Leurs traitements garantis, leurs effectifs conséquents, leurs avantages indécents, leurs vacances abondantes, leur oisiveté légendaire, étaient la cause de tous les malheurs de la communauté parce qu'ils étaient, selon lui, coupables du déséquilibre des comptes du pays.
On croyait dans ces moments, en effet, que le bien-être d'une contrée dépendait de la prospérité des affaires et du commerce, mais avant tout de la probité de ses comptes. La désignation persistante des responsables des déficits communs avait fini de convaincre des sujets crédules et fatigués.
Pour une fois, les promesses furent tenues. Haro sur le maître d'école, haro sur le professeur, haro sur la maréchaussée, haro sur le contrôleur des tailles et dîmes, haro sur les administrateurs des municipalités, haro sur les personnels de santé, haro sur tout ce qui recevait deniers de l'État: on remercia prestement la moitié des contingents de ses serviteurs.
Les comptes, pour une obscure raison, ne retrouvèrent pas une saine balance. De plus, les administrés manifestèrent leur colère face aux tracas infinis du quotidien qui leur coûtaient finalement bien plus qu'au temps d'avant.
Les plus virulents et avides soutiens du ci-devant commandant étaient ceux qui se proclamaient les forces vives et entreprenantes de la nation. Les maîtres restaurateurs, les maîtres hôteliers, les artisans de bouche, les corporations du tourisme, n'étaient point les derniers et avaient piaffé d'impatience et pesté contre les nantis, les oisifs, les nuisibles qui ne rapportaient rien au bien commun et grevaient le budget.
Ils comprirent bien tard que la bonne marche de leurs affaires, (leurs carnets étaient maintenant vides et leurs stocks pleins), dépendait pour beaucoup des émoluments assurés et des congés réguliers des employés publics bannis...
On entendit dès lors que le bon mot de monsieur Molière, «Presque tous les hommes meurent de leur remède et non pas de leur maladie», s'appliquait autrement qu'en matière médicale.
Tout va bien se passer |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire