Il est certain qu'à l'heure où
nous sommes, la misère pèse sur le peuple. Quelles sont les causes de cette crise ?
Les longues agitations politiques, les lacunes de la prévoyance sociale,
l'imperfection des lois, les faux systèmes, les chimères poursuivies et les
réalités délaissées, la faute des hommes, la force des choses.
Voilà, de quelles causes est
sortie la misère. Cette misère, cette immense souffrance publique, est
aujourd'hui toute la question sociale, toute la question politique.
Elle engendre à la fois le malaise matériel et la dégradation intellectuelle ; elle torture le peuple par la faim et elle l’abrutit par l'ignorance. Cette misère, je le répète, est aujourd'hui la question d'état. Il faut la combattre, il faut la dissoudre, il faut la détruire, non-seulement parce que cela est humain, mais encore parce que cela est sage. La meilleure habileté aujourd'hui, c'est la fraternité. (...)
Elle engendre à la fois le malaise matériel et la dégradation intellectuelle ; elle torture le peuple par la faim et elle l’abrutit par l'ignorance. Cette misère, je le répète, est aujourd'hui la question d'état. Il faut la combattre, il faut la dissoudre, il faut la détruire, non-seulement parce que cela est humain, mais encore parce que cela est sage. La meilleure habileté aujourd'hui, c'est la fraternité. (...)
Cette misère est là, sur la place
publique. L'esprit d'anarchie passe et s'en empare. Les partis violents, les hommes
chimériques, le terrorisme surviennent, trouvent la misère publique à leur
disposition, la saisissent et la précipitent contre la société. Avec de la
souffrance, on a sitôt fait de la haine ! (...)
Que faire donc en présence de ce
danger ? Je viens de vous le dire. Oter la misère de la question. La combattre, la dissoudre, la
détruire. Voulez-vous que les mauvais partis ne puissent pas s'emparer de la
misère publique ? Emparez-vous-en. Ils s'en emparent pour faire le mal,
emparez-vous-en pour faire le bien. Il faut détruire le faux socialisme par le
vrai. C'est là votre mission. Oui, il faut que l'assemblée nationale saisisse
immédiatement la grande question des souffrances du peuple. Il faut qu'elle cherche
le remède, qu'elle le trouve !
Il y a là une foule de problèmes
qui veulent être mûris et médités. Il importe que l'assemblée nomme une grande
commission centrale, permanente, métropolitaine, à laquelle viendront aboutir
toutes les recherches, toutes les enquêtes, tous les documents, toutes les
solutions. Toutes les spécialités économiques, toutes les opinions même,
devront être représentées dans cette commission, qui fera les travaux
préparatoires ; et, à mesure qu'une idée praticable se dégagera de ses
travaux, l'idée sera portée à l'assemblée qui en fera une loi.
Le code de l'assistance et de la
prévoyance sociale se construira ainsi pièce à pièce avec des solutions
diverses, mais avec une pensée unique. Il ne faut pas disperser les
études ; tout ce grand ensemble veut être coordonné. Il ne faut pas
surtout séparer l'assistance de la prévoyance, il ne faut pas étudier à part les questions
d'hospices, d'hôpitaux, de refuges,... Il faut mêler le travail à l'assistance, ne rien
laisser dégénérer en aumône.
Il y a aujourd'hui dans les
masses de la souffrance ; mais il y a aussi de la dignité. Et c'est un
bien. Le travailleur veut être traité, non comme un pauvre, mais comme un
citoyen. Secourez-les en les élevant. (...)
Il faut, vous majorité, vous
assemblée, montrer votre coeur à la nation, venir en aide aux classes
souffrantes par toutes les lois possibles, sous toutes les formes, de toutes
les façons, ouvrir les ateliers et les écoles, répandre la lumière et le
bien-être, multiplier les améliorations matérielles et morales, diminuer les
charges du pauvre, marquer chacune de vos journées par une mesure utile et
populaire ; en un mot, dire à tous ces malheureux égarés qui ne vous
connaissaient pas et qui vous jugeaient mal :-« Nous ne sommes pas vos vainqueurs,
nous sommes vos frères ».
Victor Hugo, Assemblée Nationale, Juin 1849.
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