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vendredi 31 mai 2013

Cafés suspendus. Réflexion suspendue?


Petites réflexions sur une pratique qui enfle sur les réseaux sociaux... Celle des cafés suspendus...




Lisons ce message qui circule sur les réseaux sociaux. Il s’agit ici de la version anglaise de la pratique semble-t-il courante en Italie des « cafés suspendus ».

This story will warm you better than a coffee in a cold winter day:

"We enter a little coffeehouse with a friend of mine and give our order. While we're approaching our table two people come in and they go to the counter -

'Five coffees, please. Two of them for us and three suspended'
...



They pay for their order, take the two and leave. I ask my friend:

'What are those 'suspended' coffees?'

'Wait for it and you will see'

Some more people enter. Two girls ask for one coffee each, pay and go. The next order was for seven coffees and it was made by three lawyers - three for them and four 'suspended'.

While I still wonder what's the deal with those 'suspended' coffees I enjoy the sunny weather and the beautiful view towards the square in front of the café. Suddenly a man dressed in shabby clothes who looks like a beggar comes in through the door and kindly asks
'Do you have a suspended coffee ?'

It's simple - people pay in advance for a coffee meant for someone who can not afford a warm beverage. The tradition with the suspended coffees started in Naples, but it has spread all over the world and in some places you can order not only a suspended coffee, but also a sandwich or a whole meal."

 




Afin d’anticiper les foudres et les accusations de cynisme, de pessimisme qui s’abattent à chaque fois que l’on émet quelques critiques ou doutes sur les soi-disant marques de bons sentiments humains, commençons par reconnaitre que l’initiative est louable, qu’elle est une forme originale et imaginative de générosité qui justement part de bonnes intentions et qu’elle est préférable au mépris, à la désinvolture face à la misère sociale…

Toujours dans le souci de ne pas heurter les bons sentiments et les enthousiastes humanistes, choisissons la tournure interrogative pour émettre cependant quelques réserves…

 Ne retrouve-t-on pas ici toutes les techniques propres à différer le raisonnement et au contraire à jouer exclusivement sur les émotions ? A-t-on les moyens de connaître l’auteur du message ? Avons-nous des indications précises de lieux et de temps ? N’a-t-on pas une illustration saisissante accompagnant le message ? Ne peut-on pas lire quelques remarques personnelles dans un message rédigé à la première personne, histoire de lui donner la qualité d’un témoignage authentique ?

Pourquoi ne pas donner directement l’argent aux personnes qui en ont besoin ? Pourquoi pour faire œuvre de charité, aurait-on besoin de l’intermédiaire du cafetier ? N’est-ce pas un moyen, un peu malsain, de mettre à distance la misère ? A-t-on de nos jours, vraiment des difficultés à ne pas « voir des personnes dans le besoin » ? N’est-ce pas finalement un peu se donner bonne conscience de façon ostentatoire par une forme de charité aveugle ?

Avec de l’argent en poche, le Sans Domicile Fixe n’a-t-il pas plus de possibilités ? Ne peut-il pas s’acheter ce dont il a le plus besoin au lieu d’être soumis aux articles « suspendus » ? N’est ce pas le moyen de le mettre de façon encore plus flagrante à l’écart du circuit monétaire puisqu’il ne touche concrètement, physiquement, même plus du tout les billets, la monnaie ? N’est-ce pas lui retirer le peu de choix de consommation qui lui reste encore parfois quand il a accumulé un peu de pièces ?

Est-il vraiment « facile » pour une personne dans le besoin de se présenter dans un lieu public et de réclamer ? Est-ce plus « facile » que de tendre la main dans la rue ? L’accueil en cas d’affluence ne sera-t-il pas problématique pour le cafetier ?

N’est ce pas une tentation trop grande de la part du cafetier d’augmenter quelque peu son chiffre d’affaire ? Peut-on vraiment avoir la confiance totale qu’il proposera par la suite ces cafés payés d’avance ? C’est le moyen pour lui d’avoir en caisse des sommes concernant des produits qu’il n’a pas vendus… Que fera-t-il si personne ne vient en réclamer ? De toute façon, même s’il « rend » les « consommations suspendues », c’est un moyen pour lui de s’enrichir… Il vend plus de cafés. L’intermédiaire profite finalement de la pauvreté et de la charité.

Ne peut-on pas imaginer des profiteurs qui s’amuseraient à réclamer des « consommations suspendues » alors qu’ils ont parfaitement les moyens de se les offrir ? N’entend-on pas régulièrement que le prix des cafés est exorbitant ? Certains petits malins arriveraient ainsi à justifier l’usurpation… Est-ce possible de juger de l’état de nécessité d’une personne uniquement à son apparence physique ou à sa tenue ? Le cafetier n’aura-t-il pas la volonté de « choisir » à qui il donnera les « consommations suspendues » ?

Finalement, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

5 commentaires:

  1. Tout d’abord, diffuser ce message permet de planter la graine d’une bonne idée (à mon sens), le café suspendu. C’est ainsi que la collecte de bouchons, au départ une légende urbaine, est devenue une belle opération.
    Pourquoi ne pas donner directement l’argent aux personnes qui en ont besoin ? L’un n’empêche pas l’autre. Il ne s’agit pas de ne pas voir les personnes dans le besoin, mais de leur montrer qu’ils sont bienvenus dans des lieux dont ils peuvent se sentir exclus, que d’autres ont pensé à eux.
    Je donne quand je rencontre une personne qui tend la main, je donne aux associations, et je serais ravie de contribuer à ce projet. Parfois, je passe plusieurs jours sans rencontrer de SDF, le café suspendu est aussi un moyen de donner, « d’avance ».
    Pourquoi penser toujours au pire ? Le cafetier est certainement honnête. Peut-être même contribuera-t-il ? Des tricheurs, des profiteurs, il y en a. Mais c’est le risque, et il faut l’accepter.
    Je trouve cette idée généreuse, chaleureuse. Rendre au SDF sa place dans la société. Lui faire comprendre qu’il est le bienvenu dans un lieu public. Qu’on a pensé à lui. Et si le cafetier gagne de l’argent, cela ne me gêne pas. Ce qui compte c’est que ce pauvre homme aura pu quitter, ne serait-ce qu’une demi-heure, le froid de la rue pour se réchauffer en se sachant attendu.

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  2. Merci pour ce commentaire...

    Il s'agit de "leur montrer qu’ils sont bienvenus dans des lieux dont ils peuvent se sentir exclus"... C'est effectivement un bon argument très louable... Cependant, et bien que n'étant pas un assidu des cafés, j'ai tout de même été plusieurs fois le témoin de reconduite immédiate à la porte de SDF par le chef ou les employés de certains établissements.

    "pourquoi toujours penser au pire?" Malheureusement parce que le pire se produit toujours ou du moins parce qu'il finit toujours par gangréner des initiatives généreuses... Inutile de rappeler ici les nombreux scandales concernant des organismes caritatifs qui pourtant paraissaient au dessus de tout soupçon. Alors, ici, faire toute confiance à des individus non encadrés? Le risque n'est-il pas trop grand?

    "Rendre sa place au SDF dans la société" est effectivement le but à atteindre mais est-ce le bon moyen en lui retirant la notion de choix que lui permet la possession de l'argent. C'est peut-être le plus dérangeant avec cette initiative. Le SDF est désormais complétement hors du circuit monétaire et de l'échange... On lui retire peut-être le peu d'indépendance qui lui reste...

    Cette démarche est effectivement louable mais elle soulève tout de même des questionnements. Elle demanderait d'être encadrée, d'être relayée, ne serait-ce que pour établir des listes de cafés participants... Elle supposerait peut-être ensuite un système de contrôle...

    N'est-ce pas à celui qui possède d'aller vers celui qui manque?

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  3. En ce qui me concerne, ce que j'adore dans cet article de "Nous Autres" c'est qu'il pose des questions auxquelles je n'aurais jamais pense et je trouve ca toujours tres riches.

    Biensur que je suis intimenent persuadee que la majorite des cafetiers le feront de bon coeur avec le souhait, avec les outils qui sont les leurs, de participer a cet enraillement de l'exclusion mais...c'est vrai en fait ? Qui est a l'origine de ce poste...? C'est comme meme important de ce demander ca aussi ? Et la photo elle est bien belle...tiree par un/e pro ?

    En effet on peut donner de cette facon ET directement mais il est vrai, surtout vivant dans un pays anglo-saxon, qui existe enormement cette "charite distante"...celle que je vois enormement de gens faire ici pour faire leur B.A et surtout, surtout pour leurs donner cette sensation tres prisee faire l'aumone est l'occupation principale de la "middle class" : c'est tres froid comme demarche et il n'y a en realite aucun engagement. Mais bon en France la charite est vu et faite differemment...

    Quand cet histoire du contact directe a l'argent qui leurs est retire et bien chapeau : je n'y avais carrement pas pense et pourtant Dieu sait si cela est fondamentale dans le retour a l'autonomie.

    Par contre je pense toujours que c'est une idee brillante car quand on est dans le "trou" il faut par tous les moyens etre aide a retourner vers les autres, a retrouver le chemin de la communaute...absolument fondamentale pour retrouver le chemin de soi et la ils sont forces de reparler a un etre humain et se retrouve a nouveau dans le flux de la vie "normale", inclus...donc excellente initiative.

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  4. Bonjour,
    Pour moi, le don d’argent et cette « opération » sont deux choses différentes et complémentaires. Il ne s’agit pas d’exclure le SDF du circuit monétaire mais de lui ouvrir grand des portes qu’il aurait peut-être hésité à pousser
    Et je pense que ceci doit se faire sans contrôle mais entre citoyens : faire savoir à la personne qui tend la main en bas de la rue, qu’en plus de la pièce qui lui est donnée, il peut aller prendre un café, « comme tout le monde » au bar du coin.
    Sinon, un grand bravo pour ce site !
    Cordialement,
    Britt

    PS : Une remarque : nous ne sommes pas avertis des réponses à nos commentaires.

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  5. Lors de la saisie du commentaire, il faut cliquer la case M'informer lors de l'envoi...

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