Lecture de la version originale sur format numérique (sacrilège) du roman World War Z de Max Brooks
La mode des zombies depuis des décennies ne faiblit pas.
Révéler que cette figure du cinéma d'épouvante est une métaphore de la société de consommation est devenu un cliché. Le zombie symboliserait l'asservissement de l'être humain à la satisfaction de ses pulsions, de ses désirs, de ses besoins. La métaphore touche alors à l'hyperbole puisque le zombie est uniquement mue par le besoin de se repaître de chair fraîche. Il s'agirait d'illustrer que l'homme moderne ne réfléchit plus. Il est soumis à la télévision, à la publicité et se contente, puisqu'il n'est plus, dans nos sociétés occidentales industrialisées, préoccupé par sa survie, de satisfaire des désirs, des besoins futiles, factices, sans questionnement sur son environnement et sa place dans son univers social.
On peut y voir aussi le symbole du conformisme voire du racisme. La victoire de la bêtise sur l'intelligence, de la barbarie sur la civilisation. Le zombie n'attaque en effet jamais ses congénères. Il ne s'en prend qu'à l'être humain bien vivant. Celui qui pense, celui qui a toutes ses facultés mentales, celui qui est différent de la majorité.
Les œuvres consacrées à la figure du zombie s'appuient toujours sur le même schéma narratif, un groupe de survivants confronté dans un cadre spatial précis à des hordes de morts-vivants. L'intérêt du renouvellement de ces productions réside principalement dans l'amélioration des effets spéciaux et des maquillages propres à effrayer le spectateur ou le téléspectateur. Quelques visions d'épisodes de la dernière série en date, The Walking dead confirment cette idée.
The Honest Trailer, The Walking Dead. Attention Spoilers...
Le film Word War Z avec Brad Pitt également visiblement.
Ce n'est pourtant pas le cas du tout du roman dont le film est supposé être l'adaptation. A part le titre, aucun point commun entre les deux œuvres. C'est bien dommage car l'ouvrage de Brooks présente une approche originale du thème zombie.
Le récit, comme son nom l'indique, propose une vision planétaire de la menace zombie. Il s'agit d'un récit rétrospectif de la guerre menée contre l'ennemi zombie. Le narrateur principal compile des entretiens ou des comptes rendus de responsables politiques, de militaires, de simples témoins, à travers la planète, afin de rédiger le premier ouvrage relatant cette guerre mondiale zombie. Depuis l'apparition des premiers cas en Chine jusque la nouvelle organisation sociale mondiale. A travers les rencontres du narrateur, on mesure les épreuves traversées par l'espèce humaine.
Ici, le ressort n'est pas le suspense puisque l'introduction révèle la victoire des «vivants». Il s'agit avant tout d'une mise à distance fictive visant à porter une réflexion sur notre réalité.
C'est le principal intérêt de cette oeuvre au style sobre pour ne pas dire froid. Les chapitres sont factuels et sont parfois proposés sous la forme de l'entretien.
Intérêt civique.
Par la métaphore, l'ouvrage invite à:
S'interroger sur les risques de propagation d'une épidémie. D'un petit village isolé du fin fond de la Chine à l'échelle planétaire, on pense à nouveau à l'épisode H1N1 ou au plus récent Ebola...
Observer la difficile mais indispensable remise en cause idéologique des hommes lorsque les circonstances changent et deviennent catastrophiques. On lit l'aveuglement des dirigeants militaires qui envoient à une mort certaine des milliers de soldats non préparés et mal équipés face à un ennemi inédit. On pense aux combats des tranchées de la Première Guerre mondiale et aux offensives meurtrières et inutiles. On mesure l'absence d'anticipation, de prévisions, de réserves, le mépris des hommes pour leur environnement. Pour que les hommes s'adaptent, il faut malheureusement qu'ils soient confrontés à l'urgence.
Observer ainsi le pragmatisme des hommes lorsque la survie de l'espèce est en jeu. L'auteur propose des chapitres cyniques et ironiques sur Israël et l'Afrique du Sud par exemple. Des antagonismes religieux, idéologiques, communautaires, racistes, peuvent-ils être définitivement mis de côté face à un ennemi commun? On pense aux alliés de la Seconde Guerre mondiale et à la guerre froide.
Critiquer notre organisation sociale et son fonctionnement. Le chapitre concernant une émission de télé réalité proposant de filmer des célébrités dans un complexe bunker ultra sécurisé réputé infranchissable est jubilatoire. Dans le cadre de la reconstruction s'opère un renversement des valeurs sociales: les métiers autrefois valorisés et à hauts salaires montrent dorénavant leur totale inutilité face à des activités pratiques et fondamentales à la survie de l'espèce.
Un faux livre d'Histoire qui incite à réfléchir sur notre quotidien. La fiction est-elle un bon moyen pour faire réfléchir?
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L'affiche du film dont le titre est le même que celui du livre et qui n'a pourtant rien à voir avec lui... |