Google+ Article deux: juillet 2014

jeudi 31 juillet 2014

31 juillet 1914. Mort de Jaurès.

Le 31 juillet 1914, Jaurès, qui dans un climat diplomatique tendu multipliait les discours pour la paix, est assassiné par un homme sans doute déséquilibré, influencé par les virulentes campagnes de la presse en faveur d'un conflit avec l'Allemagne.


Jaurès aura passé sa dernière journée à militer contre une guerre qui semblait de plus en plus inévitable. Il a passé toute la journée à la Chambre des députés puis au ministère des Affaires étrangères. A la fin de l'après midi, il se rend dans les bureaux de l'Humanité; dont il est le directeur, pour rédiger encore un article appelant à la Paix et la volonté d'éviter un conflit qu'il pressent horrible.

Avant sa nuit de travail, Jaurès se rend au café du Croissant, non loin des bureaux de l'Humanité pour diner avec ses collaborateurs. Dos à une fenêtre ouverte, du fait de la canicule, il est atteint par un coup de feu à 21h40. Jaurès est mort.

Raoul Villain, le tireur, se laisse arrêter sur place.

Dans la presse des jours précédents, on pouvait lire des articles dont voici quelques extraits:

Urbain Gohier écrit dans la Sociale:

"A la veille de la guerre, le général qui commanderait à quatre hommes et un caporal de coller au mur le citoyen Jaurès et de lui administrer à bout portant le plomb qui lui manque dans la cervelle ferait son plus élémentaire devoir".

Charles Péguy, le "grand" poète déclare:

"Dès la déclaration de la guerre, la première chose que nous ferons sera de fusiller Jaurès. Nous ne laisserons pas derrière nous de traitres."

Léon Daudet dans l'Action Française:

"L'attitude de Jaurès est capable de suggérer à quelque énergumène le désir de résoudre par la méthode expérimentale la question de savoir si rien ne serait changé après sa mort."


Le lendemain de l'assassinat de Jaurès, en France, la mobilisation générale est décrétée.

Le procès de Raoul Villain attendra l'issue d'un conflit qui fera 10 millions de morts, et verra l'accusé purement et simplement acquitté.







Lire: 29 mars 1919: Acquittement de Raoul Villain

Lire: Jaurès: Qu'est ce que la République?

lundi 28 juillet 2014

Charte: Article douze

Il semble plus que jamais nécessaire de rappeler à nos élus les principes de notre République. Il semble plus que jamais nécessaire de leur rappeler leur mission. Face à la défiance grandissante dont ils sont l'objet il convient de leur montrer que nous, citoyens, attendons d'eux une conduite irréprochable dans la conduite des affaires publiques.

 
Article douze de la charte de représentant du peuple:

Dans les médias audio-visuels, le représentant du peuple se montre rigoureux, clair et concis. Il appuie ses idées, ses projets, sur des argumentations précises et jamais sur des comparaisons ou sur l’émotion. Il fait toujours preuve de respect vis-à-vis de ses contradicteurs.

27, 28, 29 juillet. Trois Glorieuses.

Les 27, 28, 29 juillet 1830 sont "Les Trois Glorieuses", les trois journées d'insurrection à Paris qui transforment la monarchie issue de la Restauration.
Charles X, nostalgique de la monarchie d'Ancien Régime (il est le frère de Louis XVI), par ordonnances, suspend la liberté de la presse, modifie la loi électorale, et dissout la Chambre.
Paris se couvre de barricades et après 3 jours de combat, Charles X abdique et s'enfuit. Louis-Philippe son cousin, lui succède. La Monarchie de Juillet débute.
Les réformes réactionnaires conduisent parfois à tout perdre.

lundi 21 juillet 2014

Voltaire. Prière à Dieu

Avec Voltaire, il y a très souvent un double sens... Le destinataire de cette prière n'est sans aucun doute pas celui que l'on pourrait croire.. Un texte dont on aimerait n'avoir plus aucune utilité aujourd'hui parce que l'on en aurait tiré les enseignements depuis longtemps...

Prière à Dieu
Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir.

Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible ! Si les guerres sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu'à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant.


Voltaire, Traité sur la tolérance, 1763

vendredi 18 juillet 2014

Tribune: Le point sur Dieu.

Un chercheur du Bureau Etudes Théologiques Elémentaires de l’Université de Paris (Texas) se qualifiant lui-même de précurseur mondialement reconnu, nous propose le texte suivant, synthèse exhaustive du résultat de ses années de recherches approfondies sur la Religion. (La traduction de l’Anglais a été réalisée par nos soins).


La Religion? C'est élémentaire. Abordons le sujet simplement, calmement et sérieusement.

A la base, tout se résume à deux possibilités:

1- Soit Dieu a créé les hommes.

2- Soit les hommes ont créé Dieu.

Evacuons le point 1.

Il est impossible à prouver, et encore moins tout bonnement à comprendre... Qu'est ce qui pourrait, en effet, motiver une force supérieure, parfaite, absolue, omnisciente, infinie, éternelle, (etc.), à créer un être négligeable, méprisable, imparfait, mesquin, mauvais (etc. aussi)? Un être inutile, nous en prenons conscience chaque jour un peu plus grâce à nos éminents scientifiques démontrant notre insignifiance au regard de l'univers, créé par une force divine dépassant l'entendement? Aucun sens.

Et même... Admettons, pour faire plaisir à certains qu'une puissance tutélaire ait commis une telle erreur (impossible pour un être infaillible, mais bon, passons...)... N'aurait-il pas corrigé sa bévue depuis longtemps?

On pourrait penser, diront d'autres, que justement l'existence de Dieu est prouvée par la récurrence des malheurs des hommes, qui ne sont que des tentatives pour nous éradiquer, nous, vulgaires parasites, par lui créés... Mais là non plus cela ne tient pas. Parce que si Dieu existe, il est tout puissant... Force serait de reconnaitre qu'il n'arriverait même pas à se débarrasser des négligeables vermines que nous sommes… Quant à ceux qui pensent que Dieu nous punit, nous met à l’épreuve, ou se moque tout bonnement de nous, ils se trompent également. Cela reviendrait à faire de Dieu, un être vulgaire, mesquin, sadique, laxiste, etc., c'est-à-dire en gros à notre image… Tout simplement inconcevable.

Le point 2, avouons-le, pose beaucoup plus problème parce qu’il nous implique. Une invention qui aurait mal tourné… ? (comme toutes les inventions humaines pratiquement, pourrait-on dire…)

La liste des motivations à la création de Dieu est longue. Chercher à expliquer un monde incompréhensible ? Proposer une réponse au miracle de notre existence en attendant l’amélioration des techniques scientifiques ? Imposer un code de conduite à mesure que les regroupements humains se faisaient de plus en plus denses ? Contraindre à l’obéissance des populations ignorantes par la menace d’un châtiment divin imparable ? Justifier son pouvoir temporel, ses pillages, ses conquêtes, par un pouvoir spirituel invérifiable ? On en passe et des plus mauvaises… comme la pure et simple nécessité de croire en quelque chose, n’importe quoi : les chats noirs, les échelles, les parapluies, une patte de lapin, un trèfle…

Mais alors là… Comment se fait-il que nous ne nous soyons pas encore rendu compte de la supercherie ? Il y a 10 000 ans…ok. Aux alentours de l’année 0, d’accord… Il y a 1392 ans, passe encore… Mais aujourd’hui ?

Pourquoi ne craignons-nous plus, Zeus, Jupiter, ou Mazda et leurs acolytes respectifs ? Comment se fait-il que leurs rites, somme toute plutôt folkloriques, haut en couleurs, et d’une si grande variété, soient tombés dans le mépris et l’indifférence générale, ne suscitant que ricanements et haussements d’épaules désabusés ? Les divinités incas, aztèques n’ont plus beaucoup d’adeptes de nos jours et même si l’on pratique les sacrifices humains un peu partout sur la planète ce n’est plus en leur honneur. Qu’est-ce qui explique donc la longévité du Dieu Unique et Exclusif alors que ses fidèles  « Lieutenants » français sur Terre ont été raccourcis sans que son fléau s’abatte sur le peuple sacrilège…

On aurait du finalement se lasser depuis longtemps de Dieu. On l’aurait même totalement remplacé depuis des lustres par un ballon de foot (ne désespérons pas, c’est en passe de se réaliser bientôt), si l’homme n’avait pas inventé le concept de prophètes. Certains hommes se sont aperçus assez vite des limites de Dieu et se qualifièrent en effet de prophètes pour simplifier, renouveler, les rapports entre les hommes et la foi. L’homme aime la nouveauté… Et faut bien dire que Dieu qui est éternel, au bout d’un moment pèche un peu quand même par sa permanence…

Déjà, un peuple élu (personne n’avait voté ce qui montre bien le côté tout de même totalitaire de Dieu) écouta un homme qui avait manqué de tuer son fils dans un accès de folie ou de foi (rayez la mention inutile) et décida d’organiser peut-être la première opération de concentration façon trust de l’histoire de l’humanité : Plus de dieux, un Dieu. Aujourd’hui, on dirait : « One Nation, One Dream, One God ». Cela conduisit, il faut bien le reconnaitre, après quelques escarmouches de quelques siècles, à une simplification pour les fidèles : plusieurs prières et demandes regroupées en une seule… gain de productivité considérable quand on a beaucoup à faire…

Quelques siècles plus tard, un membre de ce peuple élu, qui appelait Dieu son père, dans un accès soudain de folie ou de foi (rayez encore la mention inutile), regroupa une bande autour d’un nouveau crédo New Age basé sur la bonté. Cela conduisit, il faut bien le reconnaitre, après quelques escarmouches de quelques siècles au renvoi définitif des anciens dieux sur l’Olympe et à la mise en place d’un système administratif performant sur l’ensemble du monde connu pour promouvoir la bonne parole par la force s’il le fallait, ce qui allait tout de même à l’encontre de l’initiateur du mouvement, mort depuis longtemps cloué sur une croix sans avoir pu voir l’étendue du succès de son fan-club…

Comme on commençait à s’ennuyer quelque peu, comme on était entré dans un train-train sans nouveauté, une civilisation du même coin se dit qu’il était temps pour elle aussi d’avoir son grand homme en communication directe avec Dieu. Ce qui fut fait. Cela conduit à quelques escarmouches qui durent encore : question de concurrence et de parts de marché…

Trois filiales pour un même Dieu pour l’ensemble des habitants de la planète, avec le temps, et la sédentarisation des fidèles dans des zones géographiques bien délimitées, cela aurait pu suffire pour vivre en relative harmonie dans la prospérité. Mais c’était sans compter pour le goût de la nouveauté et de la querelle des hommes. Aussi inventèrent-ils des partitions subtiles à l’intérieur même de leur mouvance respective. Vulgaires questions de reconnaissance de droits familiaux pour certains, façon de lire ou d’interpréter les lignes d’un livre d'auteurs anonymes, ou vulgaires questions vestimentaires pour d'autres, permirent aux succursales du Dieu unique de s’entretuer toujours et encore jusqu’à nos jours…

Le sujet, nous le pensons, a été traité simplement, calmement et sérieusement…
Docteur Abraham M. Cross

mardi 15 juillet 2014

Facebook, Fanatisme, Obscurantisme.

Sur les réseaux sociaux, les fils d'actualité sont envahis de posts, de commentaires, de vidéos, sur tous les sujets possibles. Un fait divers, une décision politique ou économique, une intervention militaire, un conflit diplomatique ou armé, est le prétexte à un torrent de réactions. Ces dernières sont vives, immédiates, spontanées. La situation complexe du Moyen-Orient et notamment le cas palestinien est l'exemple le plus représentatif de l'embrasement des réseaux sociaux. 

Les appels aux manifestations de soutiens des uns sont suivis d'appels à la vigilance des autres face aux possibles dérapages et agressions... et vice et versa. Deux camps s'opposent très vite. Les pour, les contre. Les sympathisants, les opposants. La droite, la gauche. Les croyants, les athées... 

Les commentaires de chaque côté tombent vite dans l'insulte et la haine la plus virulente. Les partages de photos, de vidéos, ou autres statistiques ne mentionnent jamais la source, jamais la date, jamais le lieu, ne proposent aucune analyse. Tous mélangent tout, tout le temps, n'importe comment. Aucun critère historique, politique, diplomatique n'est jamais proposé ou alors avec les raccourcis les plus malhonnêtes. Tout n'est que propagande terriblement efficace par le pouvoir des nouveaux moyens de communication.

Et l'on se rend compte alors que les réseaux sociaux ne sont en fait qu'un simulacre de lieu d'échanges, de discussions et de liberté d'expression: une tribune de colère, de mépris, de mauvaise foi, et où dans certains cas la vrai foi passe avant la raison et où le nom de Dieu justifie des massacres...

Si nos médias traditionnels, (qui contrairement à ce que veulent nous faire croire certains maîtres de la parole officielle sont encore très influents), jouaient leur rôle, ce ne serait pas si grave. Or, ils tombent eux aussi dans le voyeurisme, la rapidité, l'absence de vérification et d'analyse approfondie, et dans le simple colportage de faits sordides... Ils ne sont devenus pour la plupart que des supports publicitaires... 

L'obscurantisme a pris une autre forme. On aurait pu croire, dans notre monde moderne hyper-connecté, que tout serait plus simple pour le citoyen, pour l'homme du peuple, pour forger avec raison ses opinions. Or, il est toujours autant livré à lui-même. Il doit toujours fournir autant d'efforts. Si ce n'est plus, car il doit lutter contre l'impression qu'on lui donne qu'il n'en n'a pas besoin. Dans nos sociétés occidentales, dans nos Etats de droits, dont le maître mot est liberté, le citoyen a dorénavant accès aux savoirs, à la connaissance, à l'information. C'est un devoir pour lui de s'affranchir de la facilité à laquelle on veut le contraindre. Le droit, la liberté, n'interdisent pas le devoir. Le devoir d'être curieux, de réfléchir, et de tout faire pour échapper aux préjugés.

Voici deux extraits tirés de l'œuvre de Voltaire, tirés du XVIIIe siècle, qui avant d'être celui des Lumières, était encore celui de l'obscurantisme.       


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FANATISME
Le fanatisme est à la superstition ce que le transport1 est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un enthousiaste; celui qui soutient sa folie par le meurtre est un fanatique […].


Le plus grand exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélemy, leurs concitoyens qui n’allaient point à la messe. […]


Il y a des fanatiques de sang-froid : ce sont les juges qui condamnent à la mort ceux qui n’ont pas d’autre crime que de ne pas penser comme eux ; et ces juges-là sont d’autant plus coupables, d’autant plus dignes de l’exécration du genre humain que, n’étant pas dans un accès de fureur, comme les Clément, les Châtel, les Ravaillac, les Gérard, les Damiens2, il semble qu’ils pourraient écouter la raison. […]



Il n’y a d’autre remède à cette maladie épidémique que l’esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les mœurs des hommes, et qui prévient les accès du mal ; car dès que ce mal fait des progrès, il faut fuir, et attendre que l’air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent pas contre la peste des âmes ; la religion, loin d’être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés. Ces misérables ont sans cesse présent à l’esprit l’exemple d’Aod, qui assassine le roi Eglon ; de Judith, qui coupe la tête d’Holopherne en couchant avec lui ; de Samuel, qui hache en morceaux le roi Agag : ils ne voient pas que ces exemples qui sont respectables dans l’Antiquité, sont abominables dans le temps présent ; ils puisent leurs fureurs dans la religion même qui les condamne. […]



Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage ; c’est comme si vous lisiez un arrêt du Conseil3 à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l’esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu’ils doivent entendre.

Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ?

Ce sont d’ordinaire les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains; ils ressemblent à ce vieux de la montagne4 qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu'ils iraient assassiner tous ceux qu'il leur nommerait. Il n'y a eu qu'une seule religion dans le monde qui n'ait pas été souillée par le fanatisme, c'est celle des lettrés de la Chine. Les sectes des philosophes étaient non seulement exemptes de cette peste, mais elles en étaient le remède.

Car l'effet de la philosophie est de rendre l'âme tranquille, et le fanatisme est incompatible avec la tranquillité.
Voltaire, article « Fanatisme », dans le Dictionnaire philosophique (1764).

1.        Emportement
2.        Auteurs d’attentats contre des souverains
3.        Gouvernement
4.        Chef d’une secte orientale

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DE L’HORRIBLE DANGER DE LA LECTURE




Nous Joussouf-Chéribi, par la grâce de Dieu, mouphti(1) du Saint-Empire ottoman(2), lumière des lumières, élu entre les élus, à tous les fidèles qui ces présentes verront, sottise et bénédiction.



Comme ainsi soit que Saïd-Effendi, ci-devant ambassadeur de la Sublime-Porte vers un petit État nommé Frankrom(3), situé entre l’Espagne et l’Italie, a rapporté parmi nous le pernicieux usage de l’imprimerie, ayant consulté sur cette nouveauté nos vénérables frères les cadis(4) et imans(5) de la ville impériale de Stamboul, et surtout les fakirs(6) connus par leur zèle contre l’esprit, il a semblé bon à Mahomet et à nous de condamner, proscrire, anathématiser ladite infernale invention de l’imprimerie, pour les causes ci-dessous énoncées


1° Cette facilité de communiquer ses pensées tend évidemment à dissiper l’ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des États bien policés.


2° Il est à craindre que, parmi les livres apportés d’Occident, il ne s’en trouve quelques-uns sur l’agriculture et sur les moyens de perfectionner les arts mécaniques, lesquels ouvrages pourraient à la longue, ce qu’à Dieu ne plaise, réveiller le génie de nos cultivateurs et de nos manufacturiers, exciter leur industrie, augmenter leurs richesses, et leur inspirer un jour quelque élévation d’âme, quelque amour du bien public, sentiments absolument opposés à la sainte doctrine.


3° Il arriverait à la fin que nous aurions des livres d’histoire dégagés du merveilleux qui entretient la nation dans une heureuse stupidité. On aurait dans ces livres l’imprudence de rendre justice aux bonnes et aux mauvaises actions, et de recommander l’équité et l’amour de la patrie, ce qui est visiblement contraire aux droits de notre place.


4° Il se pourrait, dans la suite des temps, que de misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d’éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir de connaissance.


5° Ils pourraient, en augmentant le respect qu’ils ont pour Dieu, et en imprimant scandaleusement qu’il remplit tout de sa présence, diminuer le nombre des pèlerins de la Mecque, au grand détriment du salut des âmes.


6° Il arriverait sans doute qu’à force de lire les auteurs occidentaux qui ont traité des maladies contagieuses, et de la manière de les prévenir, nous serions assez malheureux pour nous garantir de la peste, ce qui serait un attentat énorme contre les ordres de la Providence.


A ces causes et autres, pour l’édification des fidèles et pour le bien de leurs âmes, nous leur défendons de jamais lire aucun livre, sous peine de damnation éternelle. Et, de peur que la tentation diabolique ne leur prenne de s’instruire, nous défendons aux pères et aux mères d’enseigner à lire à leurs enfants. Et, pour prévenir toute contravention à notre ordonnance, nous leur défendons expressément de penser, sous les mêmes peines; enjoignons à tous les vrais croyants de dénoncer à notre officialité(7) quiconque aurait prononcé quatre phrases liées ensemble, desquelles on pourrait inférer un sens clair et net. Ordonnons que dans toutes les conversations on ait à se servir de termes qui ne signifient rien, selon l’ancien usage de la Sublime-Porte.


Et pour empêcher qu’il n’entre quelque pensée en contrebande dans la sacrée ville impériale, commettons spécialement le premier médecin de Sa Hautesse, né dans un marais de l’Occident septentrional; lequel médecin, ayant déjà tué quatre personnes augustes de la famille ottomane, est intéressé plus que personne à prévenir toute introduction de connaissances dans le pays; lui donnons pouvoir, par ces présentes, de faire saisir toute idée qui se présenterait par écrit ou de bouche aux portes de la ville, et nous amener ladite idée pieds et poings liés, pour lui être infligé par nous tel châtiment qu’il nous plaira.



Donné dans notre palais de la stupidité, le 7 de la lune de Muharem, l’an 1143 de l’Hégire.

 


Voltaire, De l’horrible danger de la lecture, 1765

 

1. Chef religieux
2. Empire Turc
3. France
4. Prêtres
5. Juges
6. Moines
7.Tribunal ecclésiastique






Ecrasons l'infââââme...