À Frangy, ce dimanche 23 août, sous une pluie qui n'aura pas fait fuir le peuple de gauche venu en nombre à l'invitation d'Arnaud Montebourg (plus de mille couverts auront été servis), eut lieu la 43eme fête de la Rose.
L'invité d'honneur était cette année, et c'est une première, un étranger : Yanis Varoufakis, l'ancien ministre grec de l'économie, qui a quitté le gouvernement Tzipras suite au dernier plan d'aide imposé par la Troïka.
Un bon poulet de Bresse et une bonne "cuvée de l'Europe " plus tard, les deux ex ministres de l'économie de France et de Grèce ont donc, devant un public attentif et malgré une météo capricieuse, expliqué à la tribune leurs positions en matière de politique européenne.
Montebourg rappelait d'abord que c'est il y a un an exactement, à Frangy même, qu'il scellait son sort en demandant une réorientation de la politique économique française en faveur des ménages, entraînant dans son sillage deux autres ministres sur la même ligne que lui, Hamon et Filipetti.
Il enchaîna bien vite sur la politique européenne, dénonçant la gestion des principaux dirigeants européens. Des dirigeants sourds aux désirs du peuple grec en refusant de donner crédit au mandat du jeune premier ministre grec Tzipras et à son ministre Varoufakis de négocier avec la Troïka, la BCE, le FMI, l'UE.
Le discours de Montebourg hélas avait un air de déjà entendu, car il y a un an déjà, il rappelait les mêmes évidences qu'aujourd'hui : l'Europe n'a pas su se donner les outils pour sortir de la crise, en ne reprenant pas la gestion de sa banque centrale.
L'ancien ministre rappelait aussi que l'Allemagne n'a pas les mêmes soucis que les autres pays, comme la France en particulier : l'Allemagne vieillit quand la France connaît une natalité dynamique, qui dans quinze ans fera d'elle le pays le plus peuplé de l'UE.
Montebourg priait donc le président Hollande de tenter un sursaut encore possible pour réorienter la politique économique française et européenne en s'appuyant principalement sur l'Italie, la Grèce et peut-être demain l'Espagne, en faveur de la relance, en s'accordant une inflation maîtrisée pour, à l'instar du Japon, de la Grande-Bretagne ou des États Unis, relancer la consommation des ménages.
"Les intérêts particuliers de l'Allemagne ne doivent pas devenir l'intérêt général de l'Europe " lança hier Montebourg avec raison.
L'hôte tenait aussi à rappeler que la solidarité européenne avait par le passé joué en faveur de l'Allemagne, notamment lorsque le président Chirac aida le chancelier Schröder à négocier pour surseoir aux critères de Maastricht suite à la réunification allemande très coûteuse pour son économie.
Il ajouta que l'Histoire nous enseigne que le peuple allemand sait mieux que n'importe quel autre peuple ce qu'est de se faire imposer un diktat de l'étranger et de se voir étrangler économiquement.
Le Bressan semble porter enfin un regard désabusé sur la notion du suffrage universel: voter non en Grèce ou en France comme en 2005 c'est comme voter oui; voter pour la gauche française c'est se retrouver avec le programme de la droite allemande.
Yanis Varoufakis prit ensuite le relais avec un long et captivant discours malgré les aléas de la traduction et... de la météo.
L'ancien ministre grec rejoignait alors l'ancien ministre français et appuyait son discours de propos d'économistes parmi les plus réputés du monde comme Stiglitz, Galbraith, eux aussi effarés de cette persistance en une austérité qui aggrave le tonneau des danaïdes de la dette.
Varoufakis captiva une assistance écoeurée par les révélations des coulisses des négociations menées de sa prise de fonction jusqu'à ce mois de juillet fatidique pour la Grèce, seule, trop seule, face à la Troïka, et surtout face à Schäuble, Juncker et Lagarde.
Dans un style non dénué d'humour et de charisme, il raconta moult anecdotes prouvant le caractère si peu démocratique des rencontres internationales à Bruxelles.
Ainsi, alors que Varoufakis s'étonnait qu'on fasse si peu de cas du mandat du gouvernement de son pays souverain et de son dernier référendum, Schäuble lui répliqua que l'on ne pouvait changer les règles au mépris des traités et que cela ne changeait rien.
Varoufakis déclara alors qu'il serait bon d'en alerter les électeurs européens mais aussi le PC chinois qui serait ainsi conforté dans sa pratique de la démocratie ...
Yanis termina, en bon francophile, par une critique cinglante de nos élites françaises. Il déplore en effet que depuis Mitterrand / Delors, les élites politiques aient abandonné le pouvoir en Europe aux élites allemandes et surtout se soient laissées contaminer par leur idéologie, entraînant toute l'Europe à leur suite.
On sentait aussi son inquiétude poindre qu'au final tout cela ne se retourne contre les citoyens allemands eux-mêmes.
On retiendra pour conclure le fort du message de l'invité d'honneur de Frangy 2015: les eurocrates sont opposés à la seule évocation d'un plan B quel qu'il soit, de Syriza ou d'autres, de peur de le voir réussir et donc de confirmer l'inanité de leurs dogmes. Comportement pathétique et condamnable...
S.M.
Une belle assemblée |