Une petite satire religieuse pour détendre l’atmosphère… On
dirait du Voltaire, mais non…
Chef-d’œuvre
Vous prêtez au bon
Dieu ce raisonnement-ci :
- J'ai, jadis, dans
un lieu charmant et bien choisi
Mis la première
femme avec le premier homme ;
Ils ont mangé,
malgré ma défense, une pomme ;
C'est pourquoi je
punis les hommes à jamais.
Je les fais
malheureux sur terre, et leur promets
En enfer, où Satan
dans la braise se vautre,
Un châtiment sans
fin pour la faute d'un autre.
Leur âme tombe en
flamme et leur corps en charbon.
Rien de plus juste.
Mais, comme je suis très bon,
Cela m'afflige.
Hélas ! Comment faire ? Une idée !
Je vais leur
envoyer mon fils dans la Judée ;
Ils le tueront.
Alors, - et c'est pourquoi j'y consens, -
Ayant commis un
crime, ils seront innocents.
Leur voyant ainsi
faire une faute complète,
Je leur pardonnerai
celle qu'ils n'ont pas faite ;
Ils étaient vertueux,
je les rends criminels ;
Donc je puis leur
rouvrir mes vieux bras paternels,
Et de cette façon
cette race est sauvée,
Leur innocence
étant par un forfait lavée.
Victor Hugo, Religions et Religion, Poésies, 1880.
Argentine-Angleterre 1986 |