Résumé d’un article de Chris Smyth paru dans le Times, de Londres, rapporté par le Courrier International n°1163 du 14 février 2013.
En Angleterre, un rapport accablant lève le voile sur un système de santé obsédé par la réduction des coûts.
L’article débute par le rappel du sort de Bella Bailey, décédée à l’âge de 86 ans dans un hôpital du centre de l’Angleterre, dans la ville de Stafford. Les infirmières ont laissé tomber la vieille femme alors en voie de guérison. Blessée à la tête, Mme Bailey décède deux semaines plus tard. Sa fille, Julie, était restée à son chevet pendant l’hospitalisation. Elle décrit les conditions de vie des malades dans cet établissement : cris de douleur sans réponse, patients qui boivent l’eau des fleurs la nuit, sonnettes hors de portée des malades, malades qui errent dans les couloirs. Elle rappelle la faiblesse des patients qui souffraient de la faim et de la soif puisque le personnel n’avait pas toujours le temps de distribuer les repas. Julie Bailey n’osait rien dire de peur de voir sa mère subir des représailles.
A la mort de sa mère, elle se lance dans une enquête sur les hôpitaux. Elle dure 5 ans et conduit à la rédaction d’un rapport de près de 1800 pages publié le 6 février. En 2010, une enquête du gouvernement montrait le taux de mortalité anormal de cet hôpital : jusqu’à 1200 décès de trop entre 2005 et 2008.
L’association de Julie Bailey, Cure the NHS (guérir le National Health Service) propose des témoignages qui confirment la maltraitance des malades. Un homme évoque le sort de sa mère couverte de bleus des pieds à la tête. Cette femme d’origine polonaise avait été envoyée à Auschwitz dans sa jeunesse. A l’hôpital de Stafford, dans ses derniers instants, elle déclara à son fils, en polonais, pour ne pas être comprise des infirmières : « Au moins à Auschwitz, j’avais des amis. Ici, je n’ai personne ». Une autre femme a perdu 4 membres de sa famille, de 4 générations différentes, toujours dans le même hôpital. Les médecins n’ont pas décelé une malformation cardiaque chez sa fille. Le cancer de sa sœur a été diagnostiqué trop tard. L’intestin de son oncle a été perforé accidentellement au cours d’une opération. Sa grand-mère est morte de faim et de déshydratation au sein de l’établissement.
Cet hôpital possède le statut d’excellence « Foundation Trust » qui est attribué aux hôpitaux gérés de façon autonome et qui sont indépendants par rapport aux exigences du ministère de la santé. Les dirigeants de l’hôpital de Stafford ont tout mis en œuvre pour obtenir ce statut : réduction de personnel, attention particulière aux objectifs chiffrés fixés par les autorités. Pendant l’obtention de ce statut, un homme atteint d’un cancer souffrait tellement qu’il a tenté de se jeter par la fenêtre pour en finir. Des améliorations furent dès lors promises…
Une infirmière fraichement diplômée explique dans l’enquête qu’elle avait peur de dénoncer les mauvais traitements. Elle a rédigé malgré tout des dizaines de comptes rendus d’incidents qui sont tous restés lettre-morte. D’autres membres du personnel falsifiaient les dossiers des patients pour tenir les objectifs. Cette infirmière reçoit des menaces lorsqu’elle décide en 2007 de dévoiler la situation.
Stafford possède alors le deuxième taux de mortalité du pays derrière un autre établissement de la « Foundation Trust ». Les statistiques sont niées par les dirigeants. L’hôpital et les autorités régionales se sont opposés longtemps à une enquête sur ces services. Le président d’une association professionnelle des infirmiers avait visité l’établissement et l’avait jugé exceptionnel.
Aujourd’hui les preuves sont accablantes au niveau des manquements commis à l’hôpital de Stafford. Plus personne dans le secteur de la santé ne prétend qu’il s’agit d’un cas isolé. Le rapporteur de l’enquête affirme avoir reçu de nombreux témoignages dénonçant des défaillances identiques dans d’autres établissements hospitaliers. Ses conclusions sont claires : la culture du rendement continue de prospérer au sein de l’ensemble du système de santé britannique.