Alors
aujourd’hui voilà les Gilets Jaunes. S’il faut être surpris d’une chose c’est
d’avoir attendu si longtemps pour en arriver là. Lorsqu’ils font tout pour
revenir au monde d’hier, celui du XIXe siècle, celui de l’Ancien Régime, nos
dirigeants ne peuvent pas être étonnés de voir le peuple en revenir aux
réactions violentes de ces époques. C’est leur manque de préparation et leur
attitude face aux évènements qui étonnent ; comme s’ils ne connaissaient
pas l’Histoire de leur pays.
Les
barricades ont toujours pour origine des facteurs économiques, politiques, culturels,
et sont toujours la réponse à des choix, des décisions, des élites dirigeantes.
1968, 1871, 1848, 1830, 1789,... On ne remontera pas aux Jacqueries, mais on
pourrait.
Economie
Pas
la peine de faire long… C’est facile à comprendre. Pouvoir d’achat, chômage,
salaire, CDI, CDD, coût de l’énergie, chasse au « gaspi », Réformes
fiscales et du droit du travail… Celui qui écrit ces lignes est né en 1973,
alors ces mots là, c’est niveau bourrage de crâne. Quand on ne pense plus à vivre
mais seulement à survivre, quand on a été bien dociles pendant plus de 40 ans,
que l’on a fait tous les sacrifices imposés par tous les gouvernements depuis
la fin des « années glorieuses », que l’on vous a promis une vie
meilleure pour vos 60 ans, que vous avez cotisé pour ça, et que finalement on
vous fait comprendre que vos beaux jours il faudra vous les réserver pour votre
mort, que vous réalisez amèrement que vos enfants et petits-enfants vivront
encore moins bien que vous, que vous n’avez tout bonnement plus rien à vous
mettre dans l’assiette, quand vous apprenez que le patron qui vous a « restructuré »
pour relancer la compétitivité de votre boîte et qu’il en a touché des millions
et que ce n’était pas encore assez pour lui au point de se comporter comme un
vulgaire escroc, quand vous ne regardez plus vers le haut mais que vous
craignez de finir encore plus bas,… ça vous met « un peu en rogne », vous
estimez votre colère légitime, ça vous donne envie de tout casser car vous
n’avez plus rien à perdre, surtout que vous voyez que d’autres parmi les moins
nombreux et toujours les mêmes tirent de savoureux bénéfices de ces années de
soi-disant « crise ».
Politique
Pas
la peine de faire très long non plus… « Les promesses n’engagent que ceux
qui les écoutent » disait un président de ces années là. Eh bien, ils, vous,
nous, eux, les Gilets Jaunes, les abstentionnistes, ne veulent plus écouter. Les
programmes électoraux depuis presque 50 ans sont remplis de plein-emploi, de
lutte contre le chômage, de pouvoir d’achat, de changements,… Alors soit notre
classe politique est incompétente : elle ne peut en rien lutter contre les
maux économiques ; soit elle est malveillante : elle ne veut pas le
faire, car elle trouve un intérêt à cette situation… (Le chômage ne serait-il
pas très pratique finalement ?) Incompétence ou malveillance… au final du
côté du citoyen c’est gilet jaune et jaune gilet.
On a
résumé le rôle du citoyen à son passage dans l’isoloir… mais quand il donne
clairement son avis, qu’il dit « non » (petit mot emblématique de la
résistance, de l’avertissement…) et sur un sujet aussi important qu’un traité
institutionnel qui va directement bouleverser son existence, eh bien, on nie
son refus, on le biffe… Nos dirigeants, nos députés, nos représentants, tous,
réunis en Congrès dans le palais des rois, ont bafoué le Suffrage Universel.
Ils ont bafoué la souveraineté nationale. La puissance législative appartient
au peuple et ne peut appartenir qu’à lui… non ? Et si les Gilets Jaunes de
2018 c’était aussi un peu une réaction consciente ou inconsciente à ce coup
d’Etat de 2008 ? Comment peut-on être étonné de voir cette colère de
citoyens obligés de subir les conséquences d’une politique européenne qu’ils
ont pourtant clairement refusée ?
Macron
président. Et si les Gilets Jaunes, c’était aussi la réaction à ce simulacre
d’élection présidentielle ? Avez-vous vraiment eu le choix ? Un président
par défaut, (et Macron n’est pas le premier), parce que le scrutin a été, comme
c’est presque toujours le cas depuis longtemps, confisqué par l’épouvantail de
l’extrême droite, peut-il être un bon président ? Comment unir ?
Comment fédérer ? Et puis ceux qui étaient vraiment convaincus par le FN, n’ont-ils
pas réalisé, brutalement, pendant le débat de l’entre deux tours, que leur chef
de file ne voulait pas le pouvoir : tant d’incompétence, d’amateurisme,
avec toutes les bardées de conseils et de communicants, est-ce vraiment
possible ? Certains qui croyaient sincèrement en cette voie, n’ont-ils pas
découvert subitement la supercherie de ce parti ?
Résistance
et Obéissance : les deux vertus du citoyen. Le problème n’est pas que le
peuple ne veut plus obéir : c’est qu’il ne peut plus. Obéir à quoi ?
A Qui ? L’exemplarité, est-ce vraiment superflu quand on exige le respect,
l’obéissance à la Loi? Nos élites dirigeantes ne sont même pas capables de
s’imposer ce qu’ils veulent imposer à la masse. Ils ne peuvent même pas
respecter le préambule et les deux premiers articles de notre Constitution… (Vous
pouvez lire notre charte aussi tiens à ce sujet, si vous voulez rire un peu).
L’indépendance
et la pluralité de l’univers médiatique, journalistique, c’est important pour un
climat politique serein et on peut s’interroger sur la présence systématique de
certains experts-chroniqueurs-débateurs sur les antennes, dans les colonnes,
distillant toujours les mêmes paroles et trouver suspect le silence des
journalistes-animateurs face à certains propos de certains hommes politiques
qui récrivant l’histoire, les faits, nous donnent l’impression d’être dans
« 1984 ».
Culture.
On
peut aller vite aussi sur ce point. Tout le discours politique ne se résume
plus qu’à l’économie… Même les tueries de masse dans nos écoles et dans nos
salles de concert ne font pas le poids face à chômage et pouvoir d’acheter.
Certains s’étonnent des réactions du « peuple » (on sent qu’ils se
retiennent de dire « populace »). Mais peut-on s’étonner quand on ne
lui a donné pendant longtemps comme horizon indépassable que la possession de
biens matériels ? Quand il ne peut plus s’acheter tablette, smartphone, et
autres gadgets, que reste-t-il à l’homme consommateur pour remplir une
existence soumise à la publicité ? C’est
un lieu commun de qualifier notre société de société de consommation mais c’est
aussi un choix politique. Ce n’est pas une fatalité.
Quel
rôle donne-t-on à l’école depuis de nombreuses années ? Celui d’un lieu de
formation sinon professionnelle au moins utilitaire. Où sont les
Humanités ? Sans Humanités pas d’Espoir, pas d’élévation possible… c’est
un peu rapide mais vous saisissez l’idée…
Notre
Président actuel n’a-t-il pas déclaré qu’il n’y avait pas de culture
française ? Vous pensez sincèrement qu’il en est convaincu ? Vous
n’avez pas l’impression qu’il se moque ? Ne voulait-il pas dire qu’il n’y
a pas de « culture française »… pour « ceux d’en
bas » ? Domaine réservé que la culture : « qu’ils se
préoccupent de survivre, c’est déjà ça ; le théâtre, la philosophie, la
littérature, le cinéma, les arts, les musées… pure perte de temps pour les
gueux ».
Cela
ne vous agace pas, vous, de les entendre sempiternellement parler de
« pédagogie » ? Cette infantilisation des citoyens n’est-elle
une profonde marque de mépris. Résistance, Obéissance, les vertus citoyennes.
Alors ? Est-il possible d’obéir en face d’une telle mésestime ou peut-on
comprendre une volonté de résistance ? Encore une fois, l’exemplarité,
est-ce vraiment une notion superflue ? Quels sont nos modèles culturels ?
Notre société est-elle plus Johnny Halliday ou plus Victor Hugo ? Macron
chez Hanouna : tout est là.
Je
viens de voir deux Gilets Jaunes face à une représentante du peuple estampillée
« En Marche ». Cette dernière pourtant bien incapable d’en donner le
montant affirmait fort qu’il ne fallait point augmenter le salaire minimum de
notre pays. Pédagogie disent-ils ?
Observer
les bouleversements syntaxiques des propos présidentiels et l’appauvrissement
de leur vocabulaire depuis les débuts de la Ve république est assez révélateur
du dédain vis-à-vis du corps des citoyens.
Economie,
Politique, Culture… Pour finir en résumant et en se répétant : nos élites
dirigeantes, n’ont pas compris que le peuple voyait clair dans leur jeu ; elles
n’ont pas compris qu’elles étaient observées. La misère regarde Jupiter et
Jupiter ne voit pas la misère. La catastrophe est donc inévitable. Vouloir revenir au
modèle social du passé, (les « possédants », les « honnêtes gens »,
« les privilégiés » contre « la masse », « la meute »,
« les gens d’en bas »), conduit à un retour des soubresauts, des
insurrections, des révoltes. Ceci produit cela.
D.A.
D.A.